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Les écoles, cible privilégiée de Boko Haram

Plus d’un million d’enfants ont été forcés à quitter l’école dans le nord-est du Nigeria depuis le début de l’insurrection de Boko Haram, selon l’Unicef.

Le Monde avec AFP

Publié le 22 décembre 2015 à 05h01, modifié le 05 janvier 2016 à 11h57

Temps de Lecture 2 min.

Des écolières dans les ruines de leur établissement à Maiduguri, dans le nord-est du Nigeria en 2012.

Derrière les 17 000 victimes, la plupart civiles, qu’ont fait les attaques de Boko Haram depuis 2009, se cachent une bombe à retardement : des dégâts sociaux et économiques considérables. Plus d’un million d’enfants ont vu leur scolarité interrompue dans le Nord-Est du Nigeria. S’y ajoutent 11 millions d’autres qui n’étaient pas scolarisés avant le début de la crise, dans les quatre pays les plus affectés par les attaques des insurgés – Nigeria, Cameroun, Tchad et Niger. En somme, toute une génération dont l’éducation a été sacrifiée.

Car les écoles sont une cible directe de Boko Haram, comme l’indique son nom, qui signifie « l’éducation occidentale est un péché » en haoussa, première langue du nord du Nigeria. Au-delà de l’enlèvement de 276 lycéennes à Chibok (Nord-Est) en avril 2014, qui a provoqué une vague d’indignation internationale, ce sont plus de 2 000 écoles qui ont fermé leurs portes à cause des violences du groupe, qui ciblent désormais particulièrement les civils. Sans compter les centaines d’établissements attaqués, pillés, détruits ou incendiés, et les quelque 600 enseignants tués au Nigeria depuis le début de l’insurrection, selon l’UNICEF.

Des établissements qui rouvrent mais manquent d’équipements

Et pourtant, le retour dans les salles de classe s’organise doucement. Depuis le début de l’année, l’armée nigériane a obtenu quelques succès contre les rebelles et réussi à reprendre une grande partie des terres du Nord-Est, dans lesquelles un « califat » avait été proclamé. Dans les zones « sûres » des trois Etats les plus touchés du pays, la plupart des écoles ont désormais pu rouvrir, et le retour de 170 000 enfants a été planifié avec le soutien de l’UNICEF. Les établissements restent toutefois sous-équipés et surpeuplés, beaucoup d’entre eux servant également d’hébergement aux personnes déplacées par le conflit (plus de deux millions de Nigérians ont fui leur foyer depuis 2009).

Et si dans les zones déclarées « sûres » des systèmes de roulement permettent aux enseignants d’accueillir un maximum d’enfants, dans d’autres zones les classes restent vides, la peur paralysant élèves et enseignants. « Le conflit a été un énorme choc pour l’éducation dans la région » selon Manuel Fontaine, directeur régional de l’UNICEF pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. « Les écoles ont été les cibles d’attaques, et les enfants ont peur » d’y retourner. « Plus ils restent déscolarisés, plus ils ont de risques d’être victimes d’abus et d’être recrutés par des groupes armés. »

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L’enjeu est de taille, puisque la déscolarisation massive pourrait être un terreau fertile pour la radicalisation, alors que la région souffre déjà de sous-développement et que la chute du prix du pétrole porte un coup extrêmement dur à l’économie nigériane.

Si l’aide à la jeunesse semble plus nécessaire que jamais, l’UNICEF déclare cependant n’avoir reçu que 44 % des financements requis en 2015 pour les enfants des quatre pays de la région du Lac Tchad. Pour 2016, les besoins s’élèvent à 23 millions de dollars pour leur fournir l’accès à l’école.

  • Camp de déplacés du Federal Training Centre à Maiduguri. Le conflit armé qui sévit dans le nord-est du Nigeria a fait des milliers de morts et a jeté plus de deux millions de personnes sur les routes.

    Camp de déplacés du Federal Training Centre à Maiduguri. Le conflit armé qui sévit dans le nord-est du Nigeria a fait des milliers de morts et a jeté plus de deux millions de personnes sur les routes. Jesus Serrano Redondo / ICRC

  • Salle de soins au camp de déplacés du Federal Training Centre à Maiduguri. La plupart des blessés et des malades ont dû marcher plus de 200 km, des jours durant, sans soins ni médicaments, pour arriver ici.

    Salle de soins au camp de déplacés du Federal Training Centre à Maiduguri. La plupart des blessés et des malades ont dû marcher plus de 200 km, des jours durant, sans soins ni médicaments, pour arriver ici. Jesus Serrano Redondo / CICR

  • Camp de déplacés Malkohi, à Yola. Des Nigérianes affectées par le conflit armé cousent des robes traditionnelles dans un camp de déplacés à Yola, où elles vivent depuis onze mois. « Lors de ma fuite dans la forêt, j’ai vu une femme qui venait d'accoucher recouvrir son bébé de feuilles, puis l'abandonner juste pour sauver sa vie », raconte Oum Salma, un habitant de Michika.

    Camp de déplacés Malkohi, à Yola. Des Nigérianes affectées par le conflit armé cousent des robes traditionnelles dans un camp de déplacés à Yola, où elles vivent depuis onze mois. « Lors de ma fuite dans la forêt, j’ai vu une femme qui venait d'accoucher recouvrir son bébé de feuilles, puis l'abandonner juste pour sauver sa vie », raconte Oum Salma, un habitant de Michika. Jesus Serrano Redondo / CICR

  • Hôpital public spécialisé de Maiduguri.  « Une grenade a explosé dans mon magasin, un enfant l’y avait apportée, pensant que c’était un jouet », raconte Umar Abba, patient de 33 ans, originaire de Baga, dans l'Etat de Borno. Umar est en convalescence après l’amputation de sa jambe gauche.

    Hôpital public spécialisé de Maiduguri. « Une grenade a explosé dans mon magasin, un enfant l’y avait apportée, pensant que c’était un jouet », raconte Umar Abba, patient de 33 ans, originaire de Baga, dans l'Etat de Borno. Umar est en convalescence après l’amputation de sa jambe gauche. Jesus Serrano Redondo / CICR

  • Camp de déplacés Federal Training Centre à Maiduguri. Ces enfants ont fui avec leurs familles pour sauver leur vie lorsque leur village a été attaqué. Depuis leur arrivée, il y a dix mois, dans l’un des camps de déplacés de Maiduguri, ils n’ont pas pu aller à l'école. Ils sont vêtus de haillons. Certains tombent malades. Il n'y a pas d'argent pour les vêtements, ni pour les médicaments.

    Camp de déplacés Federal Training Centre à Maiduguri. Ces enfants ont fui avec leurs familles pour sauver leur vie lorsque leur village a été attaqué. Depuis leur arrivée, il y a dix mois, dans l’un des camps de déplacés de Maiduguri, ils n’ont pas pu aller à l'école. Ils sont vêtus de haillons. Certains tombent malades. Il n'y a pas d'argent pour les vêtements, ni pour les médicaments. Jesus Serrano Redondo / CICR

  • Hôpital public spécialisé de Maiduguri. Un anesthésiste du CICR s’occupe d’un patient. En coopération avec le ministère de la santé, le CICR dispense des soins chirurgicaux à des personnes blessées par arme à feu et aux déplacés nécessitant des soins d’urgence.

    Hôpital public spécialisé de Maiduguri. Un anesthésiste du CICR s’occupe d’un patient. En coopération avec le ministère de la santé, le CICR dispense des soins chirurgicaux à des personnes blessées par arme à feu et aux déplacés nécessitant des soins d’urgence. Jesus Serrano Redondo / CICR

  • Mubi (Etat d'Adamawa). A cause du conflit, des milliers de personnes ont fui la région de Mubi pour se réfugier au Cameroun. Aujourd’hui, des familles entières tentent de remplacer les cultures dévorées par le bétail laissé sans surveillance pendant les mois de violences. Ardo Benjamin, chef communautaire d’un village proche de Mubi, évoque ce jour d’octobre 2014 où les violences ont éclaté : « Nous avons entendu des coups de feu vers dix heures du matin. Les gens ont fui sans même avoir le temps de prendre un kobo (pièce de monnaie nigériane) ou leurs effets personnels. »

    Mubi (Etat d'Adamawa). A cause du conflit, des milliers de personnes ont fui la région de Mubi pour se réfugier au Cameroun. Aujourd’hui, des familles entières tentent de remplacer les cultures dévorées par le bétail laissé sans surveillance pendant les mois de violences. Ardo Benjamin, chef communautaire d’un village proche de Mubi, évoque ce jour d’octobre 2014 où les violences ont éclaté : « Nous avons entendu des coups de feu vers dix heures du matin. Les gens ont fui sans même avoir le temps de prendre un kobo (pièce de monnaie nigériane) ou leurs effets personnels. » Jesus Serrano Redondo / CICR

  • Dans la rue, Maiduguri. « J’ai essayé d'appeler mon mari plus de cinq fois, mais je n’ai pas eu de réponse. Plus tard, quelqu'un nous a dit qu'il y avait eu des attaques à Damaturu, sa ville natale. J’ai pleuré car que je savais qu'il était mort », confie Amina, veuve depuis trois ans. Grâce au soutien financier du CICR, elle a désormais son atelier de couture et gagne assez pour payer les frais de santé et de scolarité de ses enfants.

    Dans la rue, Maiduguri. « J’ai essayé d'appeler mon mari plus de cinq fois, mais je n’ai pas eu de réponse. Plus tard, quelqu'un nous a dit qu'il y avait eu des attaques à Damaturu, sa ville natale. J’ai pleuré car que je savais qu'il était mort », confie Amina, veuve depuis trois ans. Grâce au soutien financier du CICR, elle a désormais son atelier de couture et gagne assez pour payer les frais de santé et de scolarité de ses enfants. Jesus Serrano Redondo / CICR

  • Centre de distribution du CICR à Maiduguri. La plupart des sept mille femmes inscrites auprès des associations musulmanes ou chrétiennes de veuves ont perdu leur mari dans le conflit armé opposant l’armée à Boko Haram. « Quand les maris étaient vivants, elles arrivaient à manger trois fois par jour. Nous savons qu'elles ont du mal aujourd'hui à assurer un repas quotidien pour toute la famille. Il est aussi difficile de trouver un emploi, parce que la plupart ont un faible niveau d'éducation », dit Aishatu Maaji, secrétaire de l'Association des veuves musulmanes de l'Etat de Borno.

    Centre de distribution du CICR à Maiduguri. La plupart des sept mille femmes inscrites auprès des associations musulmanes ou chrétiennes de veuves ont perdu leur mari dans le conflit armé opposant l’armée à Boko Haram. « Quand les maris étaient vivants, elles arrivaient à manger trois fois par jour. Nous savons qu'elles ont du mal aujourd'hui à assurer un repas quotidien pour toute la famille. Il est aussi difficile de trouver un emploi, parce que la plupart ont un faible niveau d'éducation », dit Aishatu Maaji, secrétaire de l'Association des veuves musulmanes de l'Etat de Borno. Jesus Serrano Redondo / CICR

  • Centre de distribution du CICR à Maiduguri. Depuis le début du conflit, un nombre croissant de veuves mendient dans les rues. Elles comptent parmi les plus vulnérables. Grâce au soutien de plusieurs acteurs humanitaires, comme le CICR, elles reçoivent une aide alimentaire durant six mois et un soutien pour créer leurs microprojets générateurs de revenus.

    Centre de distribution du CICR à Maiduguri. Depuis le début du conflit, un nombre croissant de veuves mendient dans les rues. Elles comptent parmi les plus vulnérables. Grâce au soutien de plusieurs acteurs humanitaires, comme le CICR, elles reçoivent une aide alimentaire durant six mois et un soutien pour créer leurs microprojets générateurs de revenus. Jesus Serrano Redondo / CICR

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André Petit (contributeur Le Monde Afrique)

 

Le Monde avec AFP

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