Primaire à droite : qui veut donner des millions ?

L'argent, c'est le nerf de la guerre. Comme le parti des Républicains n'avance pas un euro aux candidats à la primaire pour faire campagne, Juppé, Fillon, Sarkozy et les autres font la chasse aux dons.

Primaire à droite : qui veut donner des millions ?

    La fin de l'année, c'est le temps des étrennes ! Mais pour les candidats à la primaire de la droite et du centre qui se jouera en novembre 2016, la chasse aux dons, c'est toute l'année. La course aux gros donateurs est bien engagée pour ceux qui sont déjà en campagne, comme François Fillon, Alain Juppé, Bruno Le Maire, Nadine Morano et Hervé Mariton. Pas encore déclarés, Nicolas Sarkozy ou Nathalie Kosciusko-Morizet n'en sont pas moins actifs. Dans cette campagne où pas un euro ne sera accordé par le parti aux candidats, l'avantage est de taille pour celui qui aura récolté le plus d'argent pour financer ses meetings, ses documents, ses locaux.

    Pour y parvenir, il faut soi-même mouiller la chemise, convaincre les potentiels donateurs de sortir le chéquier. Cela se passe souvent lors de dîners confidentiels dans des appartements parisiens, à l'occasion d'un pot dans une brasserie, à la sortie de conférences parfois données à l'étranger, et bien sûr sur les réseaux sociaux où le terrain de chasse est sans limite. Mais le plafond autorisé par la loi reste de 7 500 â?¬ par donateur et par an, reversés sur les micropartis des candidats.

    @olivierbeaumont @vhacot1

    Pique-nique et Facebook pour Juppé
    1,8 million déjà collecté

    Chez Alain Juppé, la levée de fonds est une mécanique bien huilée. Une équipe de 16 personnes s'y consacre, et le candidat dîne lui-même une à deux fois par mois à Paris avec de gros donateurs. En un an, il a déjà amassé 1,8 Mâ?¬ ! Soit près de la moitié de la somme qu'il entend consacrer à la défense de sa candidature. La dernière réunion s'est déroulée dans un appartement parisien le 15 décembre, où pendant une heure et demie Juppé a expliqué son projet et répondu aux questions. Une dizaine de personnes lui ont versé ce soir-là près de 35 000 â?¬.

    Indispensables, les mécènes les plus généreux â?? 200 personnes avec plus de 1 000 â?¬ de don chacune â?? ne sont pas les seuls que le candidat caresse dans le sens du poil. En juillet dernier, un barbecue à Suresnes (Hauts-de-Seine) était organisé pour séduire les « petits » donateurs. Bilan du pique-nique : 20 000 â?¬ rapportés.

    Juppé dispose d'un fichier de 5 000 « petits donateurs ». Et les dons sont plus élevés à la suite des passages télévisés du candidat. Mais pas seulement. « On avait enregistré un pic lorsqu'il s'était fait huer au congrès des Républicains en mai... » confie Marie Guevenoux, en charge de la levée de fonds. En plus des relances de donateurs par téléphone ou par mail, l'équipe Juppé s'est aussi lancée dans la publicité. En l'occurrence sur Facebook, où elle cible les sympathisants LR. « On a investi 700 â?¬ dans cette pub, elle nous en a rapporté 4 200. On a donc prévu d'aller plus loin, en investissant 2 500 â?¬ », glisse-t-on.

    Sarkozy a ses réseaux... et le parti
    ? millions

    Officiellement, il n'est pas encore candidat. Pourtant, Nicolas Sarkozy s'est déjà mis en ordre de bataille pour lancer â?? discrètement â?? sa collecte de fonds en vue de la primaire. Pas question pour le président du parti les Républicains, dans la course à l'argent, de se laisser distancer par ses principaux rivaux. « Il a toujours entretenu son réseau de donateurs. Il dispose de tout un cercle de personnes argentées qu'il voit régulièrement », assure un proche, tout en refusant de communiquer sur les montants déjà collectés.

    Deux bénévoles sont pour l'heure exclusivement chargés de récolter des fonds pour Nicolas Sarkozy. Parmi eux, un professionnel du fundraising (levée de fonds) à l'américaine qui souhaite garder l'anonymat.

    Mais l'équipe s'étoffera lorsque le candidat entrera officiellement en campagne. Toutes les sommes collectées â?? qu'elles émanent de petits ou de grands donateurs â?? sont reversées à l'Association de soutien à l'action de Nicolas Sarkozy, une structure créée par son ami de toujours, Brice Hortefeux. Ses conférences à l'étranger rémunérées font jaser

    Patron du parti et candidat en devenir, une double casquette qui fait néanmoins jaser : « Il profite de la puissance de feu du parti, ses déplacements sont payés par les Républicains et cela lui permet aussi de se positionner pour la primaire ! » s'étrangle ainsi un de ses concurrents. Le même s'agace des fameuses conférences fort rémunérées à l'étranger, auxquelles l'ancien chef de l'Etat n'a pas renoncé.

    Fillon copie la recette d'Obama
    1,7 million déjà collecté

    François Fillon ne perd pas de temps. Mercredi dernier, à peine avait-il inauguré ses nouveaux locaux de campagne, boulevard Saint-Germain (VIIe), qu'il y recevait une quarantaine de gros donateurs. Combien ont-ils donné ? « C'est plus subtil que ça. Il faut parfois les revoir trois ou quatre fois avant de convaincre », précise le chef d'entreprise Pierre Danon, chargé de lever les fonds pour le candidat à la primaire. Le format est souvent le même : « Les gens sont debout et il discute au milieu d'eux. Dans une ambiance jus d'orange, coca et cacahuètes. »

    Lancé depuis près de deux ans, Fillon a déjà collecté 1,7 Mâ?¬ et en vise 1,5, voire 2 de plus pour 2016. Des sommes qui servent à payer ses déplacements en province (en moyenne deux par semaine), mais aussi les charges liées au QG (loué 100 000 â?¬ pour un an, électricité, chauffage et salaires de quatre collaborateurs), ainsi que l'impression de brochures.

    Au-delà des gros donateurs, qui ont droit à des rencontres chaque semaine, Fillon entretient le fichier des 10 000 sympathisants de son association Force républicaine. Il s'appuie sur une armée de bénévoles très actifs sur Internet. En témoignent les actions de crowdfunding (financement participatif), inspirées de la méthode Obama. « Quand François Fillon a lancé ses propositions sur le logement, nous les avons envoyées aux professionnels du secteur, identifiés via des sites professionnels, les réseaux sociaux, etc., explique Pierre Danon. Sur 250 000 messages, 3 % ont été suivis d'un don, pour un montant récolté de 20 000 â?¬. C'est encourageant ! »

    Le Maire vise les expatriés
    1 million déjà collecté

    Trois millions ! C'est la somme totale que souhaite récolter Bruno Le Maire pour faire campagne. Le député de l'Eure ne ménage pas ses efforts. La semaine dernière encore, il a animé deux petits déjeuners et un dîner avec des gros donateurs à Paris. « Il joue la carte de la proximité. Jamais plus de cinq personnes autour de lui pour ce genre de rendez-vous. Cela dure en général une heure », note son entourage. A ce jour, le candidat à la primaire a récolté près de 1 Mâ?¬.

    « Il faut convaincre en permanence, jure-t-on. Surtout en cette fin d'année, où les donateurs potentiels doivent savoir qu'ils ont jusqu'au 31 décembre pour pouvoir bénéficier l'an prochain de la réduction d'impôt de 66 % pour les dons. » C'est le chef d'entreprise Alain Missoffe, frère de Françoise de Panafieu et issu de la dynastie industrielle des Wendel, qui se charge pour Le Maire de collecter les « gros dons ». Comprendre : entre 3 000 et 7 500 â?¬, la limite du plafond autorisé par la loi. « Mais il y a aussi beaucoup de personnes qui donnent 10, 20, 30 â?¬. Mis bout à bout, ça fait de très belles sommes à l'arrivée », assure Missoffe.

    Comme Juppé et Fillon, Le Maire a multiplié ces derniers mois les déplacements auprès des Français de l'étranger pour lever des fonds. Notamment dans les grandes capitales européennes comme Londres, Bruxelles et Genève, auprès d'expatriés connus pour avoir « des marges financières plus importantes », décrypte suavement un proche de Bruno Le Maire.