Les nationalistes Gilles Simeoni (d) et Jean-Guy Talamoni, le 17 décembre 2015, après leur élection aux instances dirigeantes de la Corse

Les nationalistes Jean-Guy Talamoni et Gilles Simeoni, le 17 décembre 2015, après leur élection aux instances dirigeantes de la Corse.

afp.com/Pascal POCHARD-CASABIANCA

En Corse, l'histoire repasse les plats et, pour Manuel Valls, ils contiennent une charcuterie fort épicée. Lui qui accompagna, à Matignon déjà, les déboires insulaires de Lionel Jospin, se trouve à nouveau, comme Premier ministre, confronté à cet indépendantisme têtu. L'île de Beauté n'est pas près d'être l'île de bonté...

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Jean-Guy Talamoni, cédant en militant à l'ivresse de la revanche, et en avocat aux facilités de la rhétorique, a multiplié les provocations lors de son intronisation à la tête de l'Assemblée territoriale. Non, quoi qu'il en dise, il n'y a pas de prisonniers politiques en France, où l'on est condamné pour ses actes, pas pour ses idées.

>> Notre dossier: Elections régionales 2015 en Corse

Oui, la Corse est bien "un morceau", et l'un des plus beaux, d'une entité supérieure qui s'appelle un pays, et l'un des plus beaux. Non, on ne peut rendre hommage aux militants du FLNC qui sont "morts pour la Corse", car la plupart d'entre eux furent tués en des vengeances sans fondement politique ou des règlements de comptes crapuleux.

Cela, le président Talamoni l'a proféré en corse, un dialecte chaleureux et chantant, peu propice aux envolées oratoires tout en atteignant parfois de touchants accents de gravité. La culture corse est riche et raffinée, mais c'est une culture régionale, appuyée sur une langue qui l'est aussi. Seules la langue et la culture françaises ont accédé à l'universel. Il n'y a pas de Voltaire ni de Hugo corses, et c'est le français que l'on entend dans les cénacles olympiques, grâce à Coubertin, comme dans les travées des Nations unies, grâce à de Gaulle.

Un nationalisme non violent

Aux cultures basque, bretonne, alsacienne, picarde ou berrichonne, celle qui prospère à Bastia, Ajaccio ou Corte n'a rien à envier. Mais la culture française, mélange et transcendance de ces apports régionaux, est d'un ordre infiniment supérieur. Aux citoyens français de Corse, il faut tout donner comme culture, rien comme nation.

Qu'est-ce, d'ailleurs, que le "nationalisme modéré", auquel se réfère l'autre tête de l'exécutif corse, Gilles Simeoni, si ce n'est un oxymore? Le nationalisme est incompatible avec la modération, puisqu'il est fondé sur la sécession, le rejet du continental, la négation du droit du métropolitain d'être ici chez lui. Si l'on veut sortir de la nation, on est déjà un extrémiste, puisque l'on va au-delà des bornes de la République, pour la diviser et la réduire. Le nationalisme aujourd'hui au pouvoir en Corse n'est pas modéré, il est simplement non violent - et c'est déjà un immense progrès.

Par un exercice démocratique incontestable, il est parvenu au pouvoir, et de la même manière il tentera bientôt, sans nul doute, d'obtenir l'indépendance de l'île. Mais la Corse n'est pas l'Ecosse avec son pétrole ni la Catalogne avec son PIB. Indépendante, elle ne pourra devenir qu'un paradis fiscal inondé d'argent sale et doublé d'un vaste écomusée pour hordes de touristes. L'Etat ne menace pas la Corse, mais au contraire la protège et la soutient, pourvu que les lois puissent y être appliquées.

Un vote identitaire

La Corse, le 13 décembre, est la seule région qui a cédé à un vote identitaire, dont un autre avatar, le lepénisme, était partout mis en échec. Après l'identitaire, les Corses opteront-ils pour le suicidaire en réclamant l'indépendance? La décentralisation, c'est la liberté d'action; la sécession, c'est la certitude du déclin.

Les Corses ont toute leur place dans la grande épopée du peuple français, à laquelle L'Express consacre son numéro spécial de fin d'année et qui prouve qu'il n'y a qu'une République, une et indivisible, et qu'une seule nation, indestructible de l'extérieur mais fragile de l'intérieur, plus résistante aux invasions qu'à la zizanie. Il serait tragique que les Corses, au comportement exemplaire pendant la Seconde Guerre mondiale, devinssent en leur pays fauteurs de troubles identitaires, voire de guerre civile.

Au-dessus de toutes les polémiques qui enflamment les nationalistes énervés et les éditorialistes entêtés plane l'Aigle. Le plus grand Français de tous les temps, Napoléon Bonaparte, a été offert à la nation par la Corse. Lui, qui fut empereur de presque toute l'Europe, ne peut redevenir dans les livres le rejeton d'un confetti encombré de chèvres et de châtaigniers.

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