Maryse Wolinski, veuve de Georges Wolinski, à la médiathèque de Fenouillet, commune de Toulouse métropole, rebaptisée du nom du dessinateur, le 13 juin 2015

Maryse Wolinski, veuve de Georges Wolinski, sort le 7 janvier un livre, "Chérie je vais à Charlie".

afp.com/Remy Gabalda

La vie sans Georges. Dans Chérie, je vais à Charlie, les derniers mots que Maryse Wolinski a entendu prononcer par son compagnon, Georges Wolinski, la journaliste revient sur l'attentat de Charlie Hebdo du 7 janvier où le dessinateur a trouvé la mort. Elle y rappelle le bonheur de vivre avec Georges, la douleur de son absence, et règle quelques comptes, dénonçant ce qu'elle considère comme des failles de sécurité.

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"Quarante-sept années de vie commune fracassées. J'oscille entre insomnies et cauchemars, sidération et déni, enfermement et colère, obsédée par cette question: comment une scène de guerre a-t-elle pu se produire, en France, dans les locaux d'un journal satirique?", écrit Maryse Wolinski qui affirme avoir trempé la plume de son récit, à paraître le 7 janvier au Seuil, dans "la force du chagrin".

Le dessinateur Georges Wolinski le 9 février 2011 à Francfort en Allemagne

Le dessinateur Georges Wolinski le 9 février 2011 à Francfort en Allemagne

© / afp.com/Daniel Roland

Journaliste et écrivain, Maryse Wolinski sait prendre la distance nécessaire pour raconter l'attaque des frères Kouachi le matin du 7 janvier contre Charlie Hebdo. Elle a interrogé les témoins et décrit rigoureusement l'enchaînement terrible des événements.

"Georges a été assassiné. Il est mort"

Puis vient le silence de la mort. Ce n'est plus la journaliste qui écrit mais l'épouse. Alors que les tueurs se déchaînent, Maryse Wolinski est, comme chaque mercredi, à son cours de gymnastique. Elle doit ensuite interviewer quelqu'un pour la pièce de théâtre qu'elle est en train d'écrire. Son téléphone portable est éteint. Quand elle le rallume, c'est une explosion de messages. "J'ai la sensation que mon corps ne m'appartient plus". Elle se souvient de l'insupportable attente des familles. C'est son gendre, Arnault qui lui apprendra au téléphone la sinistre nouvelle: "Georges a été assassiné. Il est mort".

Juste avant les attentats, les caisses du journal sont vides. Georges Wolinski est las et nostalgique de "l'ambiance rigolarde et fraternelle" du Charlie Hebdo d'antan, celui de Reiser, Gébé, Cavanna et Choron, raconte-t-elle.

Les questions sur son avenir

"Au nom de la liberté d'expression et de la défense de la laïcité, (les responsables de l'hebdomadaire) n'hésitaient pas à faire dans la surenchère", regrette Maryse Wolinski. Pour la direction de Charlie, "l'actualité consistait notamment à malmener le prophète Mahomet et ses adeptes jugés fanatiques, obscurantistes et dangereux", accuse-t-elle.

Faisant état de différends avec Charb, le rédacteur en chef de Charlie, également victime des tueurs djihadistes, Georges Wolinski "se posait des questions sur son avenir professionnel", dit-elle. "Il souhaitait avoir plus de temps pour peindre et écrire, tout en continuant le dessin de presse". Avant l'attentat, Charlie Hebdo était un journal qui "n'avait sans doute plus d'avenir", soutient Maryse Wolinski qui s'étonne qu'après la tuerie (12 morts), Charlie s'offre "une directrice de la communication, star des stars de la 'com', celle qui avait sorti Dominique Strauss-Kahn du mauvais pas que l'on sait".

Des failles dans la sécurité?

L'épouse de Georges Wolinski estime également que "malgré les menaces", Charlie n'était pas assez protégé. "Qui avait donc pris la décision d'alléger le dispositif de protection, et pourquoi?". Elle met notamment en cause le syndicat policier Alliance qui, dès avril 2013, a "fait pression sur le gouvernement pour alléger la surveillance de Charlie Hebdo". Les dispositifs de surveillance statique sont "inefficaces et démotivants", se défend le secrétaire général d'Alliance, Jean-Claude Delage, interrogé par l'AFP, qui prône une surveillance "des lieux sensibles par des patrouilles".

Maryse Wolinski se demande aussi pourquoi l'équipe avait choisi de s'installer dans un immeuble non sécurisé. C'était une décision "imprudente". "Il y a eu des failles dans la sécurité de Charlie Hebdo et elles sont nombreuses", déplore-t-elle. "Les autorités policières et les responsables du journal refusaient l'idée que nous étions déjà en guerre".

Maryse Wolinski se demande encore si les services de la DGSI (sécurité intérieure) ne se seraient pas "laissés berner par les ruses" des djihadistes qui, revenus en France, font tout pour passer inaperçus. Elle pose une question qui résonne dramatiquement après les attentats du 13 novembre: "Combien y a-t-il d'agents dormants dans notre pays?"

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