Œuvres de charité

Donner la moitié de son salaire

Donner plus de 50 % de son salaire brut à des œuvres de charité, c’est possible ? C’est ce que font Julia Wise et Jeff Kaufman, deux nouveaux parents de la région de Boston. Leur expérience « d’altruisme efficace », une philosophie qui gagne en popularité, est racontée dans le livre Strangers Drowning (Penguin Press). La Presse s’est entretenue avec Julia Wise.

Quand avez-vous décidé de faire des dons substantiels à des œuvres de charité ?

J’ai toujours aimé donner… Même quand j’étais enfant, c’était important. Un jour, l’église de mon quartier a appelé ma mère pour lui demander si j’avais mis un billet de 20 $ dans la boîte de dons par erreur parce qu’ils n’avaient pas l’habitude de voir des enfants faire ça. Plus tard, j’ai commencé à aider les gens dans les pays en développement, car chaque dollar dépensé y a un plus grand impact. Mon mari, Jeff, n’avait pas vraiment donné à des œuvres de charité avant de me rencontrer. C’est moi qui ai réussi à le convaincre !

Dans quels domaines travaillez-vous, et combien avez-vous donné l’an dernier ?

Je suis travailleuse sociale et mon mari est programmeur. Nous avons touché 256 240 $ avant impôts en 2014 et avons donné 128 556 $ à des œuvres de charité durant l’année. Ça représente environ 50 %. L’année précédente, nous avions donné un peu plus de 40 % de nos revenus à des œuvres de charité. L’année avant cela, 49 %.

Qui reçoit vos dons ?

Une organisation que nous aimons soutenir est Against Malaria Foundation, qui utilise 100 % des dons pour donner des moustiquaires qui protègent contre la malaria à des familles dans plusieurs pays. Cela sauve des vies, réduit l’hospitalisation et permet aux communautés d’être plus fortes, plus prospères. Maintenant que nous avons un enfant et que nous en attendons un deuxième, ça nous touche, car la malaria est l’une des plus grandes tueuses d’enfants de moins de 5 ans et de femmes enceintes dans le monde. Pour nous guider, nous nous fions aussi aux recommandations de GiveWell, une société à but non lucratif qui évalue l’efficacité des organismes de charité.

Le mouvement de l’altruisme efficace (effective altruism en anglais) gagne en popularité aux États-Unis et ailleurs. De quoi s’agit-il ?

L’altruisme efficace, c’est simplement utiliser les résultats et la raison comme guides pour avoir le plus grand impact sur la vie des autres. Nous, les résidants des pays développés, pouvons oublier à quel point nous sommes chanceux, car nous comparons souvent notre rythme de vie avec celui de nos voisins. Or, l’être humain moyen en 2015 a des revenus de moins de 3000 $ par an. Donc, même une petite somme pour nous peut être vitale pour quelqu’un ailleurs dans le monde, qu’il s’agisse d’eau potable, de traitements médicaux pour un enfant, d’un meilleur gagne-pain… Nous avons une capacité extraordinaire : celle de pouvoir changer la vie des gens avec une somme d’argent qui n’est pas cruciale pour nous.

Tout le monde est d’accord avec le fait d’aider les organismes de charité, mais peu le font avec autant d’ardeur. Vous dites que l’on pourrait tous donner davantage. Comment ?

Je pense bien humblement que nous ne prenons pas le temps de voir si nos habitudes sont vraiment importantes pour nous, pour notre sentiment de réalisation. À mesure qu’on avance dans la vie, c’est tentant de dépenser plus d’argent. Les psychologues appellent cela « l’effet tapis roulant » : vous augmentez vos dépenses et vivez une vie plus confortable sans être beaucoup plus heureux. Les études montrent que ce sont les liens avec la famille et les amis – et non l’argent ou les biens – qui rendent les gens heureux, et c’est ce que nous observons dans notre propre vie de famille. Personnellement, j’aime cuisiner, alors nous invitons des amis à la maison au lieu d’aller au restaurant. Mon mari achète ses vêtements dans les friperies et, croyez-le ou non, il est mieux habillé que la plupart de ses collègues programmeurs ! Savoir que nous aidons des gens dans le monde à mener une bonne vie nous apporte une satisfaction que l’argent ne pourrait pas nous donner.

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