Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?

L’Union africaine montre ses muscles, mais peut-elle intervenir au Burundi ?

En annonçant l’envoi de 5 000 hommes au Burundi contre l’avis des autorités de Bujumbura, le Conseil de paix et sécurité de l’Union africaine a franchi un pas.

Par 

Publié le 22 décembre 2015 à 20h07, modifié le 22 décembre 2015 à 19h11

Temps de Lecture 4 min.

Des soldats de la Force africaine en attente en Afrique du Sud le 19 octobre.

L’ultimatum courait sur quatre jours, mais la question a été vite tranchée. Quelques heures ont suffi aux autorités burundaises pour rejeter en bloc la décision de l’Union africaine (UA) de déployer une mission de maintien de la paix composée de 5 000 hommes sur leur sol. Un refus entériné lundi 21 décembre par les deux chambres du Parlement, réunies en Congrès extraordinaire, au nom de la souveraineté nationale. « Le Burundi est un pays en paix », a martelé le président de l’Assemblée nationale, Pascal Nyabenda. Que l’Union africaine se rassure, « il n’y a pas de génocide en préparation ou en cours », a insisté le Congrès dans sa déclaration finale.

Mais le ton, la veille, était plus menaçant. « Si les troupes de l’UA venaient sans l’aval du gouvernement, il s’agirait alors d’une force d’invasion et d’occupation », avait mis en garde le porte-parole adjoint de la présidence. Malgré les violences qui ont fait plus de 100 morts les 11 et 12 novembre après l’attaque de plusieurs casernes par des hommes armés, l’Etat burundais n’est pas en déliquescence, souligne-t-on à Bujumbura. Les institutions fonctionnent toujours en dépit de la contestation alimentée depuis le printemps par les opposants à un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza. « Si l’Union africaine passait outre ce refus, ce serait une première », reconnaît Michel Liégeois, professeur de relations internationales à l’Université catholique de Louvain.

Jamais encore une action décidée par les Africains, sur le sol africain, avec des forces africaines, n’a été entreprise sans l’appui officiel des Nations unies et contre l’avis des autorités locales. La mission de l’Union africaine en Somalie (Amisom), souvent montrée en exemple, et qui comporte d’ailleurs un important contingent burundais, a été lancée avec la bénédiction conjointe du Conseil de sécurité et de Mogadiscio. En 2008, c’est à la demande express du gouvernement central comorien que les troupes multinationales sont intervenues sur l’île d’Anjouan pour renverser le dirigeant Mohamed Bacar. Or, telle qu’elle a été présentée par le conseil de paix et de sécurité (CPS) de l’Union africaine, la Maprobu (Mission africaine de prévention et de protection au Burundi) n’a pas de précédent.

Ingérence à l’africaine

La règle, rappelle Michel Liégeois, veut que « toute intervention soit décidée par le Conseil de sécurité dans le respect du chapitre 7 de la Charte des Nations unies. Théoriquement, aucune action coercitive ne peut être lancée par des organismes régionaux comme l’UA sans l’autorisation du Conseil de sécurité ». La dernière résolution sur le Burundi, adoptée le 12 novembre à l’initiative de la France, n’évoque en aucun cas l’envoi d’une mission de maintien de la paix. L’idée d’un envoi de soldats de la Monusco en RDC de l’autre côté de la frontière semble avoir fait long feu. La Russie, l’Angola, le Nigeria et le Tchad se sont, en outre, opposés aux sanctions inscrites dans le texte initial de la résolution. Si l’Union africaine demandait aujourd’hui un mandat à l’ONU pour intervenir au Burundi, elle risquerait de s’exposer à des blocages similaires, notamment de la part de Moscou.

Peut-elle pour autant se passer de cet aval ? Oui, assure Blaise Tchikaya, président honoraire de la commission de l’UA pour le droit international. Si des concertations ont bien lieu entre l’UA et l’ONU, l’urgence pousse à une intervention régionale. Les déclarations du président du Sénat burundais appelant à « pulvériser » et « travailler » les opposants ont fait ressurgir des craintes à peine enfouies. « Le souvenir du génocide de 1994 au Rwanda est encore très prégnant, explique le juriste. On en est peut-être au prélude au Burundi. Or, l’article 4-h de l’Acte constitutif de l’UA autorise l’organisation panafricaine à agir dans ce genre de cas. Elle est parfaitement dans son droit. »

La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a d’ailleurs salué la décision du CPS, estimant que l’UA faisait ainsi preuve d’un « leadership fort ». L’ambassadrice américaine à l’ONU, Samantha Power, est allée plus loin lundi en incitant Bujumbura à accepter le déploiement de la mission africaine. Mais l’UA a-t-elle les moyens de ses ambitions ? Peut-elle vraiment mobiliser 5 000 hommes pour six mois renouvelables ? A voir.

Des forces opérationnelles ?

Le conseil de paix et de sécurité de l’UA compte sur la Force africaine en attente (FAA) et plus particulièrement sa composante régionale est-africaine, l’EASF, pour intervenir au Burundi. Seulement cette dernière, composée de troupes de dix pays (Burundi, Comores, Djibouti, Ethiopie, Kenya, Ouganda, Rwanda, Seychelles, Somalie et Soudan), n’a jamais été déployée. Le manque d’équipement, et notamment d’avions, comme l’ont démontré les exercices « Amani II » menés en Afrique du Sud, risque de ralentir son action. Sans compter les discussions longues et compliquées qui pourraient s’engager avec les communautés régionales de développement.

Reste enfin la question des fonds. « La sécurité de l’Afrique par les Africains, c’est possible à condition de trouver des nouvelles solutions de financement, ce qui est actuellement débattu par les chefs d’Etat », confiait en novembre Smaïl Chergui, commissaire pour la paix et la sécurité de l’Union africaine, au Monde Afrique. Or les pays peinent à dégager cet argent.

Suivez-nous sur WhatsApp
Restez informés
Recevez l’essentiel de l’actualité africaine sur WhatsApp avec la chaîne du « Monde Afrique »
Rejoindre

Vu de Bujumbura, la colère le dispute à l’ironie. « L’UA ne peut pas imposer des troupes de maintien de la paix au Burundi, alors que le Burundi lui-même participe à de telles missions [en Somalie et en République centrafricaine] et qu’il a d’ailleurs des forces en attente pour d’autres », a relevé Jean-Claude Karerwa, porte-parole adjoint du président Pierre Nkurunziza. Une intervention de l’UA aurait valeur de test pour l’organisation. Mais dans ce cas, le Burundi se réserverait « le droit d’agir en conséquence », a mis en garde la présidence.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.