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Les abattages de loups se multiplient en France

Alors que le plafond du nombre de loups pouvant être abattus pour la période 2015-2016 est proche d’être atteint, les associations tirent la sonnette d’alarme.

Par  et

Publié le 22 décembre 2015 à 14h00, modifié le 23 décembre 2015 à 08h28

Temps de Lecture 4 min.

Photo d'un loup sauvage,  enregistrée par un piège photo dans les Alpes, le 7/05/2015 à 8h50.

La chasse au loup est-elle relancée ? C’est ce que dénoncent les associations de défense de la faune sauvage, alors que le nombre de canidés abattus sur le territoire français s’est multiplié ces dernières semaines. Une louve a encore été tuée, dimanche 20 décembre dans les Alpes-Maritimes, portant à 14 le nombre des animaux « prélevés » dans ce département, sur un total de 33 au niveau national depuis juillet. Or, un arrêté ministériel publié au début de l’été fixe à 36 le nombre maximal de loups qui pourront être abattus pour la période 2015-2016, au titre de dérogations à leur statut d’espèce protégée.

« Nous avons déjà dépassé ce plafond dans la mesure où il faut ajouter un loup braconné et sept autres dont la mort n’a pas été élucidée, pour lesquels des analyses doivent être effectuées, dénonce Marc Giraud, vice-président de l’Association pour la protection des animaux sauvages (Aspas). L’Etat veut acheter la paix sociale avec les éleveurs, il n’est plus question de cohabitation. » L’ONG, membre du collectif d’associations CAP Loup, a adressé une lettre à la ministre de l’écologie, le 7 décembre, pour lui demander la « suspension urgente » de tous les tirs.

Lors de la précédente saison, en 2014-2015, 19 loups avaient été officiellement tués et un autre braconné, tandis que 5 étaient morts naturellement ou par accident. Comment expliquer que, cette année, le plafond soit déjà presque atteint ? « Les chasseurs ont maintenant le droit de tuer les loups sans la présence d’agents de l’Etat. C’est la porte ouverte à tous les excès », juge Jean-François Darmstaedter, président de Ferus, une ONG qui défend les canidés.

Chaque année, « de 7 à 8 troupeaux perdus »

De fait, un second arrêté ministériel, pris lui aussi en juillet, facilite les conditions dans lesquelles les tirs sont permis, notamment à l’occasion de chasses au grand gibier ou en battue, en même temps qu’il étend la durée des autorisations délivrées par les préfets. Surtout, les « tirs de prélèvement » – qui consistent à abattre les loups lorsque toutes les autres mesures de protection ont échoué – peuvent maintenant mener à la mort de plusieurs canidés par opération et ne sont plus forcément réalisés sous le contrôle de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

C’est à cet assouplissement qu’est dû le doublement, par rapport à la saison passée, du nombre de loups abattus dans les Alpes-Maritimes, indique Walter Depetris, de la direction départementale des territoires et de la mer. Les bêtes éliminées l’ont été le plus souvent par des chasseurs, dont plus de 1 500 ont reçu une formation par l’ONCFS et un agrément par le préfet. « Dans notre département, le nombre d’attaques de troupeaux a augmenté de 8 % par rapport à l’an dernier, et celui des brebis tuées, de 23 %, rapporte M. Depetris. Chaque année, les éleveurs perdent l’équivalent de 7 ou 8 troupeaux. L’équilibre entre le pastoralisme et le loup a été rompu par une présence trop importante de celui-ci. »

Pour les associations pro-loup, les nouvelles règles portent au contraire atteinte à son statut d’espèce protégée, couverte par la convention de Berne de 1979 et la directive Habitat-Faune-Flore de 1992. De fait, pour la première fois, la population de Canis lupus, revenue naturellement dans les Alpes en 1992 et aujourd’hui présente dans une trentaine de départements, a connu une légère baisse : elle a été estimée par l’ONCFS à 282 individus en 2015 contre 301 en 2014, même si un dénombrement exact est difficile. Ce déclin est à « relier à la mortalité en hausse (tirs) et/ou une reproduction moins excédentaire qu’auparavant », indique la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dréal) Rhône-Alpes, chargée du suivi du loup au niveau national. Selon une modélisation réalisée par l’ONCFS et l’université suédoise des sciences agricoles, l’abattage de 36 loups en 2015-2016 entraînerait un risque de 38 % de décroissance de la population lupine.

« Eradication du loup »

Cette année, la hausse du nombre de brebis attaquées et tuées marque le pas. Au 21 décembre, 8 877 « victimes » ont été dénombrées par la Dréal Rhône-Alpes, contre 8 675 à la même date l’an dernier. En 2014, 9 190 bêtes avaient été attaquées, contre 6 812 en 2013 et 6 701 en 2012. « On ne peut pas rattacher cette stabilisation des attaques à la hausse des prélèvements de loups, qui a surtout eu lieu en fin d’année. Il faudra attendre un an pour en voir les effets. En revanche, elle est peut-être due à la stabilisation de la population lupine », analyse Jean-Marc Mathieu, secrétaire technique à la mission nationale loup de la Dréal.

A la prédation dont est responsable le loup, ses défenseurs opposent la responsabilité des éleveurs dont, accusent-ils, « beaucoup ne protègent pas correctement leurs troupeaux ». « Que les écologistes viennent donc nous montrer comment nous y prendre ! Nous sommes preneurs », rétorque Yves Derbez, président de l’association Eleveurs et montagnes. « Faute d’une régulation efficace que nous demandons depuis des années, nous serons un jour obligés d’en arriver à l’éradication du loup, comme l’ont fait nos anciens », prévient-il. Le plafond de 36 loups étant proche d’être atteint, alors que la saison ne s’achèvera qu’en mai 2016, il demande qu’y soit ajouté le nombre de canidés non abattus la saison passée. Même si, reconnaît-il, « les tirs de prélèvement ne sont pas la meilleure solution pour éduquer les loups ».

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En attendant, la bataille se poursuit devant les tribunaux administratifs. Les associations ont également déposé des recours en annulation devant le Conseil d’Etat contre les deux arrêtés ministériels de juillet, ainsi qu’une plainte en manquement devant la Commission européenne pour non-respect de la directive Habitat. Le 16 janvier, toutes doivent défiler à Lyon « contre la chasse au loup ».

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