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Les « tests salivaires de dépistage » de cannabis au lycée critiqués de toutes parts

Valérie Pécresse souhaite financer ce dispositif dans les 470 lycées d’Ile-de-France. Mais l’idée est critiquée, tant au niveau juridique que sur son éventuelle efficacité.

Par  et

Publié le 22 décembre 2015 à 22h27, modifié le 02 janvier 2016 à 17h40

Temps de Lecture 3 min.

La promesse de campagne de la nouvelle présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse (Les Républicains), qui prévoit le financement dans les lycées franciliens de « tests salivaires de dépistage de consommation de drogue », est sur les rails. Dans la ligne de mire de l’élue, l’usage de cannabis, un « phénomène massif qui se développe et résiste aux stratégies classiques de prévention », selon Annie Genevard, chargée de l’éducation au sein du parti Les Républicains.

Mardi 22 décembre, Frédéric Péchenard, vice-président du conseil régional d’Ile-de-France, a promis sur France Info une mise en place « dès que possible » – en 2016 – du dispositif, assurant qu’il se ferait « dans le respect absolu » des élèves et de leurs familles. Concrètement, la région s’engage à proposer aux 470 lycées franciliens de financer ces tests – entre 10 et 12 euros l’unité – « à partir du moment où le conseil d’administration de l’établissement a voté en sa faveur », précise-t-on dans l’entourage de Mme Pécresse.

« Problèmes juridiques »

Des associations agréées ou la médecine scolaire seraient chargées de les faire passer à des « classes ou des cohortes » et non à des lycéens individuellement. Les élèves dépistés positifs et leurs parents seraient avertis. Le proviseur n’aurait accès qu’à des résultats statistiques globaux et anonymisés.

Ce plan n’est pas sans rappeler la proposition de loi déposée en janvier 2014 par le député (LR) des Alpes-Maritimes, Eric Ciotti, et qui prévoyait un dépistage au moins une fois par an de tous les lycéens. Mme Pécresse peut-elle aujourd’hui s’affranchir d’un texte de loi pour concrétiser son plan ? Non, assurent aussi bien le ministère de l’éducation que des juristes.

« Rien dans la loi ne permet ce type de dépistage en dehors d’une procédure judiciaire », affirme-t-on au cabinet de Najat Vallaud-Belkacem. « Ces tests appliqués dans le cadre scolaire posent plusieurs problèmes juridiques, précise l’avocate Valérie Piau. En droit, c’est aux officiers de police de les faire passer. Sans compter qu’ils touchent à la liberté individuelle et à l’intégrité physique d’élèves, qui plus est mineurs… Il faudrait l’accord des parents. »

A la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (Mildeca), on est moins catégorique. Si ces tests respectent un certain nombre de conditions (anonymat, décision du chef d’établissement), ils peuvent être pratiqués, y fait-on valoir. Mais « il y a peu de chances qu’un chef d’établissement y ait recours », précise-t-on, car « cela ne s’inscrit en aucun cas dans les orientations générales de lutte contre les conduites addictives ». Interrogés, les chefs d’établissement n’estiment d’ailleurs pas avoir ce pouvoir. « Les seuls qui l’ont, ce sont les autorités judiciaires et policières », soutient Philippe Tournier, du SNPDEN-UNSA, le principal syndicat de proviseurs.

Efficacité contestée

Alors que du côté des Républicains, on assure que « ce dispositif, s’il est convaincant, pourrait être repris par d’autres régions », les membres de la communauté éducative ne cachent pas leurs réserves. « On part de l’idée que la jeunesse est coupable par avance et que si un lycéen refuse de se soumettre au test, il sera d’office considéré comme positif, regrette Christian Chevalier, du syndicat d’enseignants SE-UNSA (réformiste). Contrôler la jeunesse : on est bien là dans les vieilles rengaines de la droite… »

L’opposition ne porte pas que sur les principes et les valeurs : la méthode et l’efficacité d’une telle mesure sont aussi contestées, comme le pointent les infirmières scolaires. « Se concentrer sur le dépistage, c’est se situer en bout de chaîne, c’est vouloir prendre l’élève sur le fait », réagit Béatrice Martinez, du syndicat Snies-UNSA, qui revendique une démarche de prévention. « Que fait-on du résultat, c’est la question cruciale, souligne Olivier Phan, addictologue à la consultation jeune consommateur de la Croix-Rouge. Le kit salivaire permet de détecter une prise récente de cannabis, jusqu’à vingt heures, sans faire la différence entre le consommateur occasionnel ou régulier. »

Jean-Pierre Couteron, le président de la Fédération Addiction se dit lui aussi « sceptique » et « inquiet » que l’on puisse faire comme si on « repartait de zéro » sur ce sujet, rappelant « l’effort fait depuis deux ou trois ans pour consolider les consultations jeunes consommateurs et développer l’intervention précoce pour aller à la rencontre des jeunes »

D’autres objections portent enfin sur le coût du dispositif, le nécessaire respect du « secret médical » même pour des mineurs… Balayant ces critiques, la nouvelle présidence de la région assure que son plan ne se résume pas aux tests et prévoit, aussi, la mise en place de « référents addiction » dans les lycées, ou la « sécurisation » de leurs abords avec les forces de police.

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