Chrétiens d’Orient. Une communauté martyre

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Avec
  • Christian Lochon Enseignant à Paris II, membre de l'Académie des Sciences d'Outre-Mer

**Depuis des dizaines d’années, les chrétiens d’Orient quittent ou fuient les instabilités politiques propres au Proche- et au Moyen-Orient. ** **Et, depuis la guerre civile de Syrie, ils sont souvent massacrés ou persécutés, quand ils refusent de se convertir à l’islam. **

Persécutés, comme d’autres religions, ils représentaient pourtant un apport significatif à l’évolution de ces sociétés. Présents dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la culture, des œuvres en général, ils étaient appréciés des autres minorités, que celles-ci fussent au pouvoir (Irak, Syrie…) ou non (Liban…).

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Quelle est l’ampleur du phénomène ? Comment caractériser la situation actuelle ? Y a-t-il néanmoins des signes d’espoir ?

Th. G.

Christmas is celebrated by the Assyrian and Armenian minorities in Iran
Christmas is celebrated by the Assyrian and Armenian minorities in Iran
© Reuters

Mossoul est l’ancienne richissime capitale de l’Empire assyrien, connue sous le nom de Ninive. Elle comptait, au début de ce siècle, près de 3 millions d’habitants. Sous Saddam Hussein, cette ville devint la capitale de la province indépendante du Kurdistan irakien et connut, en une décennie, une prospérité économique fulgurante… jusqu’à ce qu’elle soit envahie par les troupes de l’Etat islamique, à l’été 2014. La population chrétienne comptait à ce moment-là un peu moins de 100 000 personnes. Depuis l'Antiquité, Mossoul était une des grandes capitales témoins de l'histoire des réligions, mais surtout de la cohabitation harmonieuse entre chrétiens et musulmans : on y comptait 45 églises, des monastères, des manuscrits précieux et une multitude de représentations historiques de la civilisation judéo-chrétienne. Aujourd'hui gérée par Daesh, il n'y a plus un seul chrétien dans la ville. Traditionnellement, les chrétiens y étaient souvent des commerçants et relevaient plus de la classe moyenne. Ils étaient du coup les premiers visés par les kidnappings et les rançons, parce que leur niveau de vie était un peu au-dessus de la moyenne. Aujourd'hui cependant, on peut imaginer que, de par la radicalisation de l'islam qui s'opère dans les territoires de l'Etat Islamique et l'application rigoriste de la charia , la volonté de les faire disparaître au seul motif qu'ils sont chrétiens est bien réelle.

On se souvient que Jacques Chirac avait été le chef d'état qui mena le "camp de la paix", opposé à l’invasion et à l’occupation de l’Irak par l’armée américaine. Dimanche dernier, dans un documentaire diffusé par la télévision publique russe, Vladimir Poutine a déclaré que "Chirac, qui a de longue date des relations proches, intimes avec la partie sunnite du Moyen-Orient, avait déjà prévu ce que provoquerait " la guerre menée par les Américains en Irak. " Il avait prévu la destruction de ces Etats (la Libye, l'Irak et la Syrie, ndlr), que le terrorisme prospérerait, et des attentats comme on en a vu à Paris. Chirac pensait à tout ça à l'époque, et il avait raison ."

Depuis deux mois, une milice chrétienne féminine s’est insérée dans la coalition à majorité kurde qui se bat contre l’Etat islamique dans le nord-est de la Syrie. "Avant, j'étais une femme au foyer, avec cinq enfants et la trouille des armes", raconte Simel Benyamin, 37 ans, en treillis militaire, la kalachnikov en main, une vieille paire de godasses noires aux pieds. La guerre qui se prolonge depuis presque cinq ans et la brutalité de Daech l’ont convaincue qu’il fallait prendre les armes. Cette mère de famille fait partie d’une unité mise sur pied par la communauté syriaque, appelée les Forces féminines de défense de Bet Nahin (HSMB), une référence au territoire historiquement convoité entre les deux fleuves, le Tigre et l’Euphrate.

Au nord-est de la Syrie subsiste une mystérieuse région autonome où vivent 3,5 millions de Kurdes, Arabes et chrétiens. Ils ne veulent ni des islamistes, ni de Bachar, mais prônent l’autogestion. Historiquement, il correspond en partie à l’ancienne Assyrie, ce nord de la Mésopotamie considéré comme le berceau de la première civilisation de l’humanité. Economiquement, il dispose de terres fertiles, de réserves de gaz et de plus de 1 300 puits de pétrole. Politiquement, il a entamé il y a deux ans une expérience politique largement inspirée de l’"autogestion démocratique " d’Abdullah Ocalan, le leader du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), emprisoné à vie en Turquie depuis son enlèvement par les services secrets turcs et américains en 1999.

Voilà pourtant un petit territoire qui inquiète Erdogan et son gouvernement : le parti kurde de Syrie, le Parti de l’Union démocratique (PYD), est sous l’influence du PKK. Et la Turquie ne veut pas voir naître en Syrie un Etat kurde, de surcroît estampillé PKK, qui menacerait l’intégrité territoriale de la république, en plus de l'actuel territoitre kurde irakien, devenu l'ultime refuge des chrétiens exilés...

GUERRES PETROLE ET RADICALISME. LES CHRETIENS D´ORIENT PRIS EN ETAU
GUERRES PETROLE ET RADICALISME. LES CHRETIENS D´ORIENT PRIS EN ETAU

**Ce livre revient sur l’histoire et les origines de ce conflit qui déchire la Syrie et l’Irak depuis de nombreuses années. **

Il aborde les tensions autour du gaz, qui selon toute vraisemblance, sont «l’arrière-plan» essentiel de la guerre contre la Syrie et plus particulièrement de la guerre qui frappe la région de Homs.

Enfin, il décrypte les responsabilités locales et internationales de ce conflit et permet de mieux comprendre certaines attitudes occidentales, telles que celles de la France et des Etats-Unis.

** Son auteur, Marc Fromager** est le président de l’AED en France. Né en 1968 à Nouméa, père de 6 enfants, il a vécu vingt ans à l’étranger et travaille depuis plus de vingt ans pour l’Eglise. Rédacteur en Chef de la revue L’Eglise dans le monde . Il est l’auteur de plusieurs livres et articles et a fait récemment plusieurs séjours au Moyen Orient. Il donne de très nombreuses conférences avec une parole très libre et nous donne accès à des informations trop peu utilisées par la plupart des médias.

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