C’est la double surprise du chef, en l’occurrence du chef de l’Etat. La première remontait à son discours du 16 novembre, devant le Congrès réuni à Versailles : « Nous devons pouvoir déchoir de sa nationalité française un individu condamné pour une atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation ou un acte de terrorisme, même s’il est né français, (…) dès lors qu’il bénéficie d’une autre nationalité », assurait alors François Hollande, reprenant ainsi à son compte, contre toute attente, une mesure préconisée par la droite et l’extrême droite.
La seconde date du 23 décembre, quand Manuel Valls a confirmé que le président tiendrait parole, à la stupéfaction générale et à rebours des rumeurs distillées ces derniers jours par plusieurs médias, selon lesquels la déchéance de nationalité était abandonnée.
M. Hollande a tenu bon, donc, et c’était pour son équipe l’essentiel. « On n’avait pas du tout l’intention de s’arrêter, confirme un de ses conseillers. On savait que le pire aurait été de remettre en cause la parole donnée. On aurait alors perdu sur tous les tableaux. » Une reculade se serait révélée d’autant plus éclatante que l’annonce était spectaculaire.
A dix-sept mois de la présidentielle, jamais M. Hollande n’a semblé si éloigné des fondamentaux de son camp
Mais le duo exécutif, en choisissant de faire fi de la ligne défendue par Christiane Taubira, n’a-t-il pas occasionné davantage de dégâts politiques encore ? Si l’annonce initiale n’avait provoqué que peu de remous dans le traumatisme national post-13 novembre, y compris au sein de la frange la plus remuante du PS, cette perspective avait tout de même, depuis, donné de l’urticaire à gauche. Au point que la garde des sceaux, tenue à l’écart de l’ultime arbitrage Hollande-Valls, l’avait déjà officiellement enterrée, et que le premier ministre lui-même avait fini par laisser filtrer quelques doutes. C’était, en réalité, reculer pour mieux sauter. Et brûler ainsi ses vaisseaux à gauche ?
A dix-sept mois de la présidentielle, jamais M. Hollande n’a semblé si éloigné des fondamentaux de son camp. Le quinquennat avait démarré par le « redressement dans la justice », vocable technocratique décrivant une austérité budgétaire mâtinée de redistribution. Il s’achèvera avec la « guerre au terrorisme » et, désormais, la déchéance de nationalité. Loin, fort loin, des idéaux professés depuis des lustres par le Parti socialiste.
Retournement idéologique
Le chef de l’Etat le glissait encore récemment à un visiteur : « Quand on est élu à la présidence et qu’on est de gauche, on se dit que l’objectif numéro un doit être de faire baisser le chômage, d’accorder de nouveaux droits. En réalité, on se retrouve à gérer le terrorisme pour éviter que l’on tue des gens sur le territoire. »
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