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Le « Cambridge français » sur les rails, malgré les réticences

Dix-huit établissements, dont Paris-Sud et Polytechnique, seront regroupés dans l’« université intégrée » de Paris-Saclay.

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Publié le 24 décembre 2015 à 15h46, modifié le 28 décembre 2015 à 11h14

Temps de Lecture 4 min.

L'université de Paris Sud en septembre 2013.

Le projet Paris-Saclay est remis sur les rails. Tout le monde est finalement d’accord pour que cette université, dont la France veut faire l’une des vingt premières au monde, soit une « integrated research intensive university ».Une vraie université intégrée plutôt qu’un ensemble lâche d’établissements. Cela a été réaffirmé de manière solennelle le 22 décembre dans le bilan d’étape que l’université Paris-Saclay a remis au jury des « initiatives d’excellence » (IDEX). C’est dans le cadre de ce programme gouvernemental que le projet a été doté d’1 milliard d’euros en 2012.

Rassembler les 18 membres de Paris-Saclay – dont l’université Paris-Sud, CentraleSupélec, HEC, le CNRS ou Polytechnique – derrière cet objectif commun n’a pas été une sinécure. Depuis quelques mois, la réticence plus ou moins dédaigneuse de l’Ecole polytechnique et les maladresses de communication du gouvernement avaient rendu l’atmosphère irrespirable sur le plateau de Saclay. Là même où le « Cambridge français » doit prendre son envol.

Les fondateurs ont cependant fait beaucoup de chemin. Depuis 2012, ils ont mis en commun leurs doctorats et 80 % de leurs masters, créé l’établissement en janvier et élu, en juin, un président, Gilles Bloch. Mais c’est ce qu’il reste à faire qui pose problème.

L’enjeu est simple : pour peser dans la compétition mondiale, chaque pays rassemble ses forces. A Singapour, Pékin ou Lausanne, des universités mettent le turbo pour pouvoir rivaliser avec les Harvard, Cambridge ou Zurich… C’est le choc des titans, froidement départagé par les classements internationaux. Le titan français, ce sera l’université Paris-Saclay.

Mais jusqu’où le projet doit-il aller dans l’intégration de ses membres ? C’est toute la question. La plupart des établissements sont d’accord pour une association étroite au sein d’une université divisée en collèges thématiques. Au début, Polytechnique a joué le jeu. Puis elle a semblé changer de stratégie et préférer un développement plus indépendant. Sollicité par Le Monde, Jacques Biot, président de l’établissement depuis 2013, n’a pas souhaité s’exprimer.

Les universitaires se fâchent

Ces derniers temps, en tout cas, l’X ne voulait plus entendre parler d’« intégration ». « Certaines écoles veulent se regrouper entre elles, estime Jacques Bittoun, président de l’université Paris-Sud, lancer des bachelors [bac + 3] et des masters [bac + 5] pour acquérir le statut d’université. C’est une manière de transposer à l’international la vieille dichotomie française : les grandes écoles pour l’élite et les universités pour le tout-venant. Il est hors de question de faire cela. »

La tension est montée d’un cran ces derniers mois. En juin, le rapport de Bernard Attali sur Polytechnique envisage l’idée d’une fusion des écoles d’ingénieurs. Le 15 décembre, Emmanuel Macron, ministre de l’économie, leur demande de se grouper, « au sein de l’université Paris-Saclay », dans un « pôle d’excellence » qui rassemblera formation, recherche, international et entrepreneuriat.

« On ne veut pas faire disparaître la visibilité de Polytechnique, d’HEC ou de l’ENS Cachan »

Les universitaires se fâchent. L’excellence, c’est eux, rappellent-ils : l’université Paris-Sud est 41e dans le classement de Shanghaï (établi par l’université Jiao Tong, qui fait autorité), loin devant Polytechnique, qui n’apparaît qu’après la 300e place. Surtout, ils craignent que ce « pôle » devienne une citadelle d’écoles jouant leurs propres couleurs à l’international.

Or, la période est dangereuse. L’université Paris-Sud a, comme les autres, confié la délivrance de ses masters et de ses doctorats à l’université Paris-Saclay, laquelle n’est pas encore reconnue par le classement de Shanghaï… Tout ce qui pourrait donner l’impression que l’université n’en est pas vraiment une pourrait avoir de graves conséquences, prévient Patrick Couvreur, chercheur à Paris-Sud et membre de l’Académie des sciences  : « Je connais bien la mentalité des Anglo-Saxons. Si on commence à finasser, cela ne passera pas. »

Un document flou à dessein

Mais, le 22 décembre, Polytechnique a plié. Elle s’est officiellement rangée derrière l’objectif d’une université « intégrée ». Tout n’est pas réglé pour autant : « intégrée » certes, mais jusqu’où ? La question est renvoyée à plus tard. Gilles Bloch, qui a la victoire modeste, se veut rassurant : « Derrière ce terme, certains collègues voient la dissolution des grandes écoles dans l’université, la perte de contrôle sur la sélection des étudiants ou le budget. Ce n’est pas cela ! On ne veut pas faire disparaître la visibilité de Polytechnique, d’HEC ou de l’ENS Cachan, qui sont des atouts pour Paris-Saclay. »

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Autre inconnue : quels établissements seront présents dans les classements ? Là aussi, le document du 22 décembre est flou à dessein. L’objectif est que le nom qui figure dans celui de Shanghaï soit Paris-Saclay, et ce « avant qu’on ait perdu Paris-Sud et Polytechnique », précise M. Bloch. Mais cela n’exclut pas la présence d’entités dans des classements thématiques, comme celle d’HEC dans le palmarès du Financial Times des écoles de gestion.

La saga Paris-Saclay réserve donc encore des surprises. Ses concurrents internationaux suivront cela avec attention, comme le jury de l’IDEX. Du fait du prestige de ses membres et de son poids dans la recherche nationale (15 %), le cas fait figure de symbole. Il en dit long sur la manière dont la France négocie le virage de la compétition internationale. Eclaté depuis des lustres en trois branches (universités, grandes écoles et recherche), archaïque et inégalitaire par bien des aspects, le système français d’enseignement supérieur mute en profondeur. La violence de la compétition internationale lui laisse peu de marge de manœuvre.

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