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Déchéance de nationalité, la double faute de François Hollande

Editorial du Monde. En reprenant à son compte une idée du FN et en portant atteinte au principe d’égalité des citoyens, le président fait un pari dangereux.

Publié le 24 décembre 2015 à 11h48, modifié le 24 décembre 2015 à 15h18 Temps de Lecture 2 min.

François Hollande et le secrétaire général de l'Elysée, Jean-Pierre Jouyet, le 23 décembre après le Conseil des ministres.

Editorial du Monde. François Hollande a donc tranché. Annoncé le 16 novembre devant le Congrès, trois jours après les terribles attentats djihadistes de Paris, le projet de révision de la Loi fondamentale ne vise pas seulement à constitutionnaliser l’état d’urgence. Il prévoit également la possibilité de déchoir de leur nationalité française des binationaux condamnés par la justice pour des crimes terroristes. Cette disposition existe déjà pour les binationaux qui ont acquis la nationalité française. Elle serait donc étendue à ceux qui sont nés en France.

La décision du chef de l’Etat a immédiatement suscité de très vives critiques. A droite, l’on dénonce un nouveau cafouillage gouvernemental et l’on demande la démission de la ministre de la justice, qui avait annoncé l’abandon de cette mesure avant d’être démentie de manière cinglante. A gauche, les communistes, les écologistes et bon nombre de socialistes fustigent le principe même d’une telle déchéance de nationalité – unanimement condamnée par la gauche lorsque Nicolas Sarkozy, alors président, l’avait proposée, en 2010 –, mais aussi son inefficacité et les calculs politiques qui l’inspireraient.

Couac gouvernemental

Qu’en est-il ? Le couac gouvernemental ? Il est indéniable et spectaculaire, mais reste anecdotique au regard de l’enjeu. Le chef de l’Etat avait annoncé cette mesure devant le Congrès. Il persiste et signe. C’est son pouvoir, il l’assume. Les calculs politiques ? Ils ne sont évidemment pas absents. Depuis les attentats terroristes, François Hollande s’est placé, et c’est son rôle, en premier défenseur de la sécurité des Français et de l’unité nationale, au-delà des frontières partisanes. Que cela prenne la droite et l’extrême droite à contre-pied n’est certainement pas pour lui déplaire, même s’il prend le risque de braquer sa majorité et son électorat, à dix-huit mois de l’élection présidentielle. Après tout, c’est son affaire.

L’efficacité de cette mesure dans la lutte contre le terrorisme ? Le premier ministre lui-même a reconnu que ce « n’est pas l’enjeu premier ». Qui peut, en effet, imaginer qu’une telle déchéance ait quelque pouvoir dissuasif que ce soit sur un terroriste décidé à passer à l’acte ? Manuel Valls a, en revanche, souligné « le caractère hautement symbolique » de cette disposition. Et l’on peut admettre que les symboles comptent dans un pays sourdement traumatisé par les attentats du 13 novembre et la menace majeure qu’ils continuent à faire peser. C’est la responsabilité du chef de l’Etat de tout faire pour éviter que le pays ne « disjoncte » devant l’agression dont il est la cible.

La fin ne justifie jamais tous les moyens

Même au prix du renoncement à des principes fondamentaux ? La réponse est évidemment non. Car la décision présidentielle constitue une double et lourde faute. D’une part, elle porte directement atteinte au principe d’égalité des citoyens, fondement de la République inscrit à l’article 2 de la Constitution. Elle revient, en effet, à instituer deux catégories de Français, ceux qui le seraient sans conteste et ceux qui ne le seraient pas complètement au motif que leurs parents ou grands-parents ne l’étaient pas. Comme la République, la citoyenneté est indivisible. D’autre part, en reprenant à son compte une mesure réclamée depuis longtemps par le Front national, le chef de l’Etat prend la responsabilité, majeure, d’en banaliser la détestable logique xénophobe.

La fin ne justifie jamais tous les moyens. Y compris dans la « guerre » contre le terrorisme.

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