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Escalade

Des centaines de chiites exécutés par l'armée nigériane

A la mi-décembre, des membres d'un mouvement chiite ont été tués dans le nord du pays. Une situation qui rappelle celle ayant entraîné l'émergence de Boko Haram.
par Hélène Gully
publié le 25 décembre 2015 à 15h32

Des centaines de musulmans chiites ont été exécutés en décembre par l'armée. Et ce, «sans qu'il y ait eu de provocation préalable», dénonce l'ONG Human Rights Watch qui dénombre «au moins 300» victimes issues du Mouvement islamique du Nigéria (IMN). Cette tuerie de masse a eu lieu à Zaria, une ville d'un million d'habitants, dans l'Etat de Kaduna dans le nord du Nigeria. Pour justifier son acte, l'armée a brandi l'argument de la riposte. Selon elle, les militants ont essayé d'assassiner le chef d'état-major des armées, Tukur Yusuf Buratai, en bloquant son convoi par une barricade alors qu'il se rendait à une cérémonie militaire dans une garnison. Une version que dément l'IMN, dont les membres étaient certes, explique-t-il, rassemblés sur la voie publique mais dans le cadre d'une procession chiite publique.

«Il est presque impossible de comprendre comment une barricade érigée par des jeunes hommes en colère a pu justifier le meurtre de centaines de gens, a déclaré Daniel Bekele, directeur de l'ONG pour l'Afrique. Il s'agit au mieux d'une réaction disproportionnée et au pire d'une attaque planifiée sur un groupe chiite minoritaire.» Aucun bilan officiel n'a été communiqué par l'armée nigériane. Le nombre de morts est donc difficile à déterminer. S'il n'y a pas eu de réaction de la part du président, Muhammadu Buhari, le gouvernement a cependant mis en place la semaine dernière une commission judiciaire chargée d'enquêter sur cette affaire.

«Erreurs du passé»

«L'escalade de ces derniers jours entre l'IMN et les autorités fait penser aux débuts de l'insurrection de Boko Haram, explique à l'Afp Malte Liewerscheidt, analyste chez Verisk Maplecroft, une société de conseil en stratégie. La situation pourrait dégénérer si la répression devient disproportionnée et si Zakzaky [le leader de l'IMN, ndlr] et ses militants restent emprisonnés sans procès». L'analyste ajoute que « la confrontation n'était qu'une question de temps.» Les chiites, en minorité au Nigeria, représentent moins d'un musulman sur cinq. Pour Malte Liewerscheidt, être en minorité dans la communauté sunnite a «contribué à créer une mentalité d'assiégé et à la radicalisation». La secte de l'IMN, créée au début des années 80, milite pour l'instauration d'une république islamique inspirée du modèle iranien. Elle «attire la jeunesse pauvre en offrant des prestations sociales que ne fournit pas l'Etat», conclut Malte Liewerscheidt.

Le sultan de Sokoto, la plus haute autorité musulmane du Nigeria, a lui aussi mis en garde les autorités contre le risque de créer un nouveau Boko Haram. «Il ne faut pas répéter les erreurs du passé, qui ont engendré une insurrection aux conséquences dramatiques», a déclaré Alhaji Muhammad Sa'ad Abubakar.

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