Chokrane - Mal-logement et chômage de masse : une cohabitation qui dure et qui empire !

Au-delà du numérique et de l'employabilité, une troisième fracture existe, celle de la mobilité géographique, qui freine l'emploi et nuit à l'économie.

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Chokrane - Mal-logement et chômage de masse : une cohabitation qui dure et qui empire ! © AFP

Temps de lecture : 6 min

La Fondation Abbé-Pierre a récemment publié un rapport édifiant sur les difficultés rencontrées par des millions de Français pour leur logement. Parmi les personnes privées de logement, on compte 141 500 SDF, 25 000 personnes qui vivent à l'hôtel, 85 000 en habitation de fortune et 643 000 qui habitent chez des tiers de manière contrainte. Pour résumer, il y a presque 900 000 personnes dépourvues d'un logement personnel.

Parmi ceux qui ont un logement, 2,1 millions vivent sans eau courante ou sans chauffage. 1,2 million ne parviennent plus à payer leur loyer ou leurs charges. Les années précédentes, 3,5 millions ont eu froid dans leur habitation, faute de pouvoir payer le chauffage et enfin, 5,7 millions dépensent trop d'argent pour le logement par rapport à leurs revenus. Leur reste à vivre est trop faible.

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La pénurie de logements n'est pas un mythe

La France est un des pays européens qui compte le moins de résidences principales par rapport à sa population. Certes, le nombre de logements vacants (ni occupés, ni loués par leur propriétaire) est en hausse, mais cela ne signifie pas que la pénurie est absente. Cela signifie simplement qu'il y a une très mauvaise adéquation entre les besoins et l'offre. Les régions où l'emploi a fortement baissé offrent des logements vacants nombreux, tant sur le marché privé que dans le parc locatif social. Dans certaines villes, le taux de vacance atteint les 22 % et le temps d'attente pour obtenir un logement social est de 15 jours seulement. C'est assez flagrant dans les zones sinistrées par la désindustrialisation, les zones rurales non touristiques qui enregistrent un déclin démographique. En revanche, il faut patienter plusieurs années dans les régions en tension où la demande est forte. En quelques mots, il y a pénurie de logements là où il y a des emplois et il y a des logements vacants là où il n'y a plus d'emplois.

Quitter une zone sinistrée, pas si simple...

Une personne qui bénéficie d'un logement social hésitera à quitter sa région pour trouver un emploi dans une région plus dynamique mais sans logement social. Les loyers et les frais de transports y sont très élevés, et il n'est pas certain que son nouveau salaire lui permettra de joindre les deux bouts.

Dans un cas de figure analogue, une personne propriétaire d'un logement hésitera aussi à partir. Car pour ce faire, il faudrait qu'elle puisse vendre son habitation. Dans ces zones sinistrées et sans attractivité touristique, les ventes de logement ont baissé de plus de 25 %. Autrement dit, s'il revend son habitation, c'est avec une décote et la somme obtenue ne lui permettra pas de racheter l'équivalent dans sa région de destination, sans compter les taxes qu'il devra payer... S'il ne réussit pas à revendre son bien immobilier, il sera locataire et le loyer s'ajoutera aux charges liées à son ancienne habitation.

On comprend que quitter une région a un coût, bien souvent trop élevé par rapport aux gains apportés par le nouvel emploi trouvé qui, pour la grande majorité, est un CDD ou un mi-temps, ce qui rend la recherche d'un nouveau logement inaccessible...

Le piège de la pauvreté

À l'occasion de la crise des migrants, on a découvert que de nombreux bâtiments, propriétés de l'État, étaient inoccupés et pourraient accueillir les réfugiés. Une telle mobilisation était la bienvenue. Cependant, on aurait souhaité que la même mobilisation fût de mise pour les pauvres de France.

Aujourd'hui, les autorités administratives tentent de placer les réfugiés dans les logements vacants des zones rurales. Il est à peu près certain que d'ici quelques mois, ces réfugiés et leurs familles réclameront des logements plus proches de bassins d'emplois où ils auront davantage de chances de trouver un travail. Ce n'est donc qu'une solution très provisoire. Ils auront l'impression d'être piégés, comme des milliers de personnes. Bien évidemment, on peut être très satisfait de vivre à la campagne en se contentant d'allocations sociales. Mais le fait est que si les bassins d'emplois sont engorgés, c'est bien la preuve que les gens cherchent à tout prix à travailler, fût-ce au détriment de leurs conditions de vie. Rappelons que 10 % des SDF ont un emploi...

Une équation difficile à résoudre...

Cette mauvaise adéquation entre les emplois et les logements a pour effet de freiner la mobilité géographique des chômeurs. Et les aides au déménagement de Pôle Emploi ne changeront pas grand-chose à cette situation. Elle constitue donc un frein supplémentaire à l'emploi. Car il faut bien prendre conscience que changer de région pour retrouver un nouvel emploi a un coût élevé. Désormais trouver un logement à louer ou à acheter est réservé aux revenus les plus élevés ou à ceux qui peuvent bénéficier d'une aide familiale (apport en capital pour l'achat immobilier, apport de la garantie en cas de location). La mobilité est donc l'apanage de ceux qui en ont les moyens. Ils peuvent prendre une nouvelle chance professionnelle et rebondir. Les autres restent sur place dans leur région sans perspectives d'évolution.

41 milliards d'euros sont dépensés chaque année au titre de l'aide au logement et à l'immobilier, soit un des budgets les plus importants de l'État et susceptibles, sans être démagogue, de construire une maison individuelle avec jardin pour tous les mal-logés. Preuve en est de l'incapacité du politique à envisager une politique de la ville cohérente.

Certes, les allocations au logement sont très redistributives et font baisser le taux de pauvreté, mais elles ont des effets inflationnistes sur les loyers, qui ponctionnent le pouvoir d'achat de tous les locataires. Quant au logement social, un grand nombre de personnes en capacité d'accéder aux tarifs du privé continuent d'en bénéficier, ce qui allonge le temps d'attente pour ceux qui en ont vraiment besoin.

La fracture de la mobilité

La loi de l'offre et de la demande est totalement biaisée. Et pour qu'un équilibre puisse être atteint, il faudrait que la pénurie cesse. L'État tente depuis des années de relancer la construction de logements neufs avec des mesures d'incitations fiscales, mais ce type d'investissement est jugé onéreux, peu rentable, risqué et donc peu attractif par les investisseurs, qui les délaissent, ce qui n'enraye pas la pénurie.

Le problème n'est pas tant le nombre de mises en chantier, ni leurs localisations, mais le prix de la construction des logements. Certes, ces derniers baissent, ce qui est une bonne nouvelle, mais comme les salaires médians (de 50 % des Français) diminuent depuis 2010 de façon ininterrompue, l'effet positif attendu s'en trouve annihilé. Il faudrait que des logements très bon marché puissent être construits en faveur de ceux qui ont très peu de moyens, notamment les 900 000 personnes sans logement.

Quelles solutions ?

En diminuant fortement les charges pour les TPE, les indépendants et les artisans, on peut créer près d'un million d'emplois en très peu de temps et redynamiser le tissu économique, même dans les zones délaissées où des logements vacants attendent de nouveaux occupants. Ces mesures auraient un impact positif direct sur les zones économiquement sinistrées et permettraient de désengorger les zones "en tension".

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Commentaires (15)

  • Le sanglier de Génolhac

    Pour comprendre pourquoi peu de gens se lancent dans l'immobilier de rapport. Avant de liquider notre patrimoine locatif (1985), les derniers à nous avoir plantés étaient un couple de fonctionnaires de mairie. Alors condoléances à ceux qui persistent. En plus, nous avons eu la chance de tomber à l'époque où à Uzès, tout se vendait à des prix délirants. Notre argent a fructifié et nos ennuis ont disparu. Que du bénef ! Aprés, si certain(e) s n'ont pas de toit...

  • FYI76

    On n'a pas avancé : "Mon message ? Il n'y en a qu'un, je crois, qui est un cri : " Partagez ! Donnez ! Tendez la main aux autres ! Gardez toujours un carreau cassé dans vos univers bien feutrés pour entendre les plaintes qui viennent de l'extérieur. "
    Abbé Pierre

  • ISIS85

    Cette excellent article au-dessus du bruit médiatique ambiant. Il fait écho à l'article du Point du même jour "un bébé mort de froid dans une poubelle" ! Ces deux articles devraient faire la UNE

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