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Faute(s)

Sur la déchéance, Manuel Valls révèle ses lacunes sur Facebook

En voulant défendre une mesure qui fait débat au sein du PS, le Premier ministre se livre à des comparaisons internationales dont certaines sont erronées.
par Alain Auffray, Rachid Laïreche, Baptiste Bouthier et Juliette Deborde
publié le 29 décembre 2015 à 15h16
(mis à jour le 29 décembre 2015 à 19h12)

Edit mardi à 19 heures. Pan sur notre bec... Il semblerait bien que concernant la suppression des droits à la nationalité chez les esclavagistes, c'est Libération qui s'est trompé en interprétant trop hâtivement le décret de 1848, ainsi que nous l'a signalé l'historien Patrick Weil, spécialiste du sujet. L'expression «perte de la qualité de citoyen français» envers les esclavagistes, instaurée sous la IIe République, correspondait bien à l'époque dans ce cas à une menace de perte de nationalité. Nous modifions donc l'article ci-dessous en conséquence, avec nos excuses.

Un Premier ministre 2.0. Lundi, Manuel Valls a défendu la mesure de déchéance de nationalité pour les binationaux convaincus de terrorisme sur Facebook. Derrière son écran, il s'agace – «Comment peut-on dire que priver de la nationalité française des terroristes condamnés serait une idée d'extrême droite ?» – prend en exemple la Grande-Bretagne, l'Allemagne, le Canada ou les Pays-Bas. En conclusion, il se défend en précisant qu'il a naturalisé des milliers de personnes lorqu'il était ministre de l'Intérieur.

Mais, manque de bol, l'argumentaire contient des erreurs factuelles. Du genre, «la binationalité n'est pas autorisée en Allemagne», alors que c'est faux. Depuis juillet 2014, l'Allemagne a modifié sa législation pour que les Allemands d'origine étrangère puissent obtenir la double nationalité. Autre exemple tronqué, le cas de la Belgique. Manuel Valls avance que «le débat existe» à ce sujet. Le post a dépassé les frontières et les Belges lui ont apporté la contradiction. Pris par la patrouille, le Premier ministre s'est de nouveau connecté sur son profil Facebook pour supprimer le passage sur l'Allemagne. Mais lundi, quelques minutes, après le post, Libération relevait quelques erreurs du Premier ministre.

Dans sa tribune publiée sur Facebook, Manuel Valls prétend que «la binationalité n'est pas autorisée en Allemagne». Même s'il existe, comme dans tous les pays, des conditions strictes pour obtenir cette double nationalité, c'est en effet largement possible pour les ressortissants de l'Union européenne et de Suisse, mais aussi, depuis un peu plus d'un an et l'adoption d'une nouvelle loi, pour les autres étrangers, à condition d'avoir vécu au moins huit ans en Allemagne.

«Il faut de toute urgence que Manuel Valls retourne à l'école», explique à Libération Daniel Cohn-Bendit, sidéré de lire sous la plume du Premier ministre que la question de la déchéance ne se pose pas en Allemagne parce que la double nationalité ne serait pas reconnue. Cohn-Bendit est la preuve vivante du contraire : depuis mai, il a un passeport français en plus de son passeport allemand. «Et c'est Bernard Cazeneuve lui même qui m'a appelé pour me l'annoncer !» ajoute l'ex-député européen. Depuis 2014, les enfants nés en Allemagne de parents étrangers peuvent devenir allemands sans renoncer à leur nationalité de naissance. Valls a donc tout faux.

Le Premier ministre a aussi argué que d'autres pays démocratiques ont adopté le même principe, comme en Belgique, où «le même débat existe». «Le Premier ministre français est mal informé», le reprend la Libre Belgique, qui explique que «le débat n'existe plus», puisque «la majorité fédérale a adopté en juillet une loi autorisant un juge à prononcer la déchéance de nationalité pour les auteurs de crimes terroristes.» Sauf que ce texte n'a pas grand-chose à voir avec celui que Valls veut soumettre au Parlement français : la loi belge permet en effet la déchéance, mais uniquement pour ceux qui ne sont pas nés Belges ou qui ont acquis la nationalité par naturalisation.

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