Réformes

Les manœuvres des conservateurs divisent la Pologne

Récemment élu, le parti Droit et Justice a fait voter une taxe sur les banques et les assurances afin de financer le volet social de son programme. Avec dans l'idée de «repoloniser» le pays. Il s'est également donné les moyens de contrôler les médias publics.
par Hélène Gully
publié le 30 décembre 2015 à 17h07

Les promesses électorales ont un prix. Le parti polonais Droit et Justice (PiS), au pouvoir depuis octobre, a fait voter mardi soir un impôt sur les banques et les assurances. Puisqu'il détient la majorité absolue à la Diète (la Chambre basse du Parlement), le PiS n'a pas eu de difficultés à faire approuver sa nouvelle réforme. Conçue pour aider à financer le programme social onéreux du parti, la nouvelle taxe entrera en vigueur le 1er février. Le PiS n'a jamais dissimulé son ambition de «repoloniser» l'économie. Le parti en campagne avait promis de taxer les institutions financières et de renationaliser certaines banques. Le premier volet vient d'être réalisé. Le second risque de faire grincer des dents.

Une autre loi, qui doit encore recevoir l'assentiment du Sénat - une formalité puisqu'il est lui aussi à majorité conservatrice - suscite déjà le mécontentement de l'Union européenne et des ONG : il s'agit d'un texte approuvé mercredi par la Diète qui donne aux conservateurs de Droit et Justice le contrôle des médias publics. Les nouvelles dispositions font expirer avec effet immédiat les mandats des membres des directions et des conseils de surveillance de la télévision et de la radio publiques. C'est au ministre du Trésor qu'il reviendra désormais de nommer et de révoquer les nouveaux chefs des médias publics, jusque-là choisis sur concours par un Conseil de l'audiovisuel.

Risque de déstabilisation du système financier

Sur le plan financier, le nouvel impôt, fixé à un taux annuel de 0,44% des actifs des banques et des sociétés d’assurance, doit apporter plus de 4 milliards de zlotys (près de 950 millions d’euros) supplémentaires dans les caisses de l’Etat, selon les calculs officiels. Des recettes bienvenues pour réaliser tous les engagements du PiS : médicaments gratuits pour les personnes de plus de 75 ans, allocations familiales mensuelles de 500 zlotys par enfant ou encore baisse de l’âge de départ à la retraite à 60 ans pour les femmes et 65 ans pour les hommes (contre 67 ans aujourd’hui). Ces mesures sociales coûteront entre 40 et 60 milliards de zlotys à l’Etat polonais.

«Les institutions financières vont certainement répercuter cette taxe sur le coût des crédits, voire augmenter la facturation des services bancaires», pense Catherine Lubochinsky, membre du Cercle des économistes et professeur à l'université de Paris-II Panthéon-Assas. Mais «l'impact sur l'activité économique de ce renchérissement du crédit sera atténué si l'Etat redistribue ces fonds à des ménages à faible pouvoir d'achat dont la propension marginale à consommer est élevée», rassure l'agrégée d'économie. En clair, ces derniers seront les plus enclins à consommer si leurs revenus augmentent.

Un joli CV taché

Cependant, il existe un risque de déstabilisation du système financier du pays. Un revirement radical de politique économique n’est pas sans conséquences. La santé de l’économie polonaise est par ailleurs directement liée à son adhésion à l’UE, il y a onze ans. Premier bénéficiaire des fonds de cohésion européens de 2007 à 2013, la Pologne a obtenu 69 milliards d’euros, injectés dans son économie (soit 20% de la richesse du pays au cours de la période). Aussi, en accédant au marché européen de plus de 500 millions de consommateurs, les investissements étrangers se sont envolés. Selon la Conférence des Nations unies sur le comerce et le développement (CNUCED), le stock d’investissements directs étrangers (IDE ou FDI en anglais) en Pologne a plus que quadruplé de 2003 à 2013, passant de 57,9 milliards de dollars à 252 milliards. La politique économique souverainiste du nouveau gouvernement pourrait faire fuir ces capitaux étrangeCVrs.

Cette polémique fait suite à une autre, autour de la réforme du Tribunal constitutionnel, entérinée lundi par le président Andrzej Duda. D'autres lois en préparation provoquent également le malaise, notamment celle qui vise à placer le parquet, actuellement indépendant, sous l'autorité du ministre de la Justice. De quoi tacher le joli CV de «bon élève européen» du pays, même s'il n'y a pas encore eu de réactions officielles de l'UE.

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