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Économie

Chômage, grandes entreprises, compétitivité : annus horribilis pour la France

Le bilan de l'Hexagone en 2015 est plus que sombre. C'est celui d'une impasse économique spectaculaire, malgré un contexte très favorable. Quand nos voisins européens, du Nord au Sud, redressent la barre.
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Nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A en France
Nombre de demandeurs d'emploi de catégorie A en France (données CVS-CJO)
Challenges

« La France a tout pour réussir ! », martèle quotidiennement BFM Business à ses auditeurs. C’est vrai… mais cela ne l’empêche pas d’échouer lamentablement. 2015 aura été, pour ceux qui se faisaient encore des illusions, l’année où cette triste vérité aura éclaté au grand jour. Difficile, en effet, d’imaginer une plus lamentable litanie de mauvaises nouvelles que celles que nous avons enregistrées sur le front économique au cours de la défunte année.

  1. Le chômage a continué de croître. Ce sont près de 90 000 personnes supplémentaires qui sont encore venues grossir l’immense cohorte des demandeurs d’emploi (novembre 2014/novembre 2015). La courbe du chômage finira certes par s’inverser, sans doute en 2016. Piètre consolation pour l’exécutif qui nous annonce à tort cette inflexion depuis plus de deux ans… Notre contreperformance est d’autant plus désespérante qu’elle contraste aujourd’hui avec les bons, et souvent même très bons résultats enregistrés, du Nord au Sud, par la quasi-totalité de nos voisins. Le Royaume-Uni a créé 500 000 emplois et plus en 2015 et son taux de chômage est très près du minimum incompressible. L’Espagne et l’Italie voient le chômage baisser mois après mois. Au total, pour la première fois depuis 2007, notre chômage est, depuis novembre, supérieur à la moyenne de la zone euro.
  1. La croissance s’est une fois de plus trainée. Le PIB aura crû de 1,1% ou 1,2% seulement. C’est mieux que certaines années récentes. Mais cela demeure très faible – bien trop faible, justement, pour faire baisser le chômage. Sept ans après le début de la crise, qui est aujourd’hui oubliée dans la plus grande partie du monde développé, ce très maigre résultat est tout sauf satisfaisant. Il est même assez ridicule sachant que le pays a bénéficié d’un contexte économique extraordinairement propice: taux d’intérêt extrêmement faibles, euro fondant, pétrole au plus bas. A part une pluie de billets de banque, on ne voit pas bien quelle météo conjoncturelle aurait pu nous être plus favorable. Cela ne nous a pas suffi.
  1. Nos grandes entreprises continuent à ficher le camp. En douze mois, Alcatel, Lafarge et Alstom (pour sa branche énergie, la plus stratégique) sont passées sous contrôle étranger. Bien plus petit, mais jeune fleuron français prometteur, Dentressangle a suivi. Très peu de prises de contrôle ont eu lieu dans l’autre sens : seul ou presque Air Liquide a sauvé l’honneur avec l’acquisition de l’américain AirGas. Le temps est décidément révolu où nos grands groupes plantaient le drapeau tricolore aux quatre coins du monde… Celui n’est plus très loin, en revanche, où le CAC-40, historiquement l’une des forces du pays, se sera épuisé, ramenant la France à l’état de Province de l’empire brillant vestigialement dans quelques secteurs – luxe, banque et assurance. Sur le plan boursier, ce déclin est déjà consommé: la bourse de Paris qui, à la fin des années quatre-vingt, était un parangon de créativité et rayonnait sur l’Europe, voit son rang s’effriter tandis que Londres prospère et devient LA place où l’on traite les actions de ce qui subsiste de nos grands groupes. Sur tous ces sujets, nous avons descendu une marche de plus en 2015. Et ce ne sont pas les succès - très médiatisés mais modérément convaincants sur le plan de la création de valeur - de la « French Tech » qui peuvent compenser ce recul.

 La nuit économique continue donc à tomber sur la France, et les lueurs d’espoir sont rares. La seule bonne nouvelle de 2015 – si l’on peut dire… - est que l’exécutif a fini par reconnaître la faute énorme qu’il avait commise en assommant le pays d’impôts entre 2012 et 2014. François Hollande l’a confessé en septembre au détour d’une conversation avec un journaliste, ce qui, s’agissant d’une erreur aussi considérable, ne manque pas de piquant. Manuel Valls l’a admis explicitement en octobre. Mais ces tardifs mea culpa ne se traduisent par aucun acte, ce qui les rend de peu d’intérêt pratique : si l’on regrette, en haut lieu, d’avoir alourdi la fiscalité des ménages, on n’envisage pas un instant de la diminuer pour autant… Allez comprendre.

Le poids de la dépense publique et celui des impôts, en particulier sur le capital, est pourtant à la racine de tous nos maux – manque d’investissement, exil des entrepreneurs, compétitivité amoindrie pesant sur les comptes extérieurs, faibles marges des entreprises les rendant vulnérables aux raiders. Sans réduire drastiquement l’un et l’autre – effort que le CICE ne fait qu’amorcer –, le pays n’a pas la moindre chance d’infléchir sa funeste trajectoire.

 Comment nourrir, sur ce sujet, le moindre espoir pour 2016 dès lors que le pouvoir, tétanisé par l’approche de la présidentielle, ne peut que relâcher les efforts déjà très insuffisants qu’il a faits à grand peine depuis quelques mois, que l’opposition de droite tremble à l’idée de proposer autre chose que le même étatisme repeint à ses couleurs et que le Front National, désormais troisième force politique du pays, a endossé la quasi-totalité des recettes des communistes des années soixante-dix ? Dans aucun autre grand pays le paysage politique n’est aussi uniment attaché à des politiques publiques dont l’échec est à ce point incontestable.

On peut, on doit souhaiter au pays une bonne année. Mais il faut aujourd’hui, pour espérer, croire aux miracles.

 

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