Une employée de banque montre les nouveaux billets de 100 yuan, le 12 novembre 2015 à Hadan, dans le nord de la Chine

"La Chine a 30% de risques de perdre le contrôle de sa devise. Si cela se produit, une récession mondiale est inévitable." pronostique l'économiste Andy Xie. (Ici, les nouveaux billets de 100 yuans)

afp.com

Les Européens doivent mutualiser leurs dettes

Paul Jorion, anthropologue, ex-trader, chercheur, écrivain

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Ce qu'il avait prédit: "La bulle financière de l'immobilier résidentiel finira-t-elle par éclater? Les signes avant-coureurs se multiplient." Revue du Mauss, "Vers la crise du capitalisme américain?", second semestre 2005

Ce qu'il pronostique: "Les économies occidentales ne vont pas réussir à sortir de la stagnation. Il n'y a aucun signe de reprise en Europe, ni même aux Etats-Unis."

Cet ex-trader à Wall Street s'est inquiété très tôt des risques provoqués par l'explosion des prêts gagés sur l'immobilier. Il a alors publié le prémonitoire "Vers la crise du capitalisme américain?". Aujourd'hui, il n'est guère optimiste: "Il n'y a eu aucun signe de reprise en Europe depuis la crise et, aux Etats-Unis, cela a été un feu de paille."

Pour cet expert, les économies occidentales sont engluées dans la stagnation du fait même des outils anti-crise des banques centrales: "Avec la fin du quantitative easing, un redémarrage de la croissance ferait remonter les taux d'intérêt à long terme et le marché obligataire s'effondrerait." Mais il s'inquiète surtout de l'absence de régulation du système financier et du refus des pays européens de mutualiser leurs dettes: "Cela a été à l'origine des précédentes crises. Le risque d'une nouvelle catastrophe majeure est donc toujours là."

Stéphanie Benz

>> Notre dossier: Premiers signes de "re-crise" économique

Attention aux krachs immobiliers qui s'annoncent

Jakob Madsen, économiste à l'université de Monash (Australie)

Ce qu'il avait prédit: "Je suis très pessimiste, nous sommes en face de quelque chose qui sera la plus grave récession depuis la Seconde Guerre mondiale." Cité par Dirk Bezemer, de l'université de Groningen, en 2003 in "No one saw this coming"

Ce qu'il pronostique: "Les bulles immobilières chinoise et australienne vont éclater."

Tours en construction à Pékin, le 22 juillet 2015

Tours en construction à Pékin, le 22 juillet 2015.

© / afp.com/Wang Zhao

Cet économiste danois a deux passions: les bulles et l'histoire. Fusionnées dans un esprit malin et anticonformiste, ces deux approches donnent une capacité prédictive hors du commun. En 2003, à l'appui de très longues séries statistiques, le Pr Madsen prédit l'explosion de la bulle immobilière au Danemark mais avance comme explication les risques de voir "la pire récession depuis la Seconde Guerre mondiale". Autant prendre au sérieux l'oracle scandinave.

La prochaine explosion: "Il peut s'en produire un peu partout, mais le risque le plus élevé apparaît avec l'immobilier chinois et australien. La bulle immobilière asiatique pourrait produire de graves effets un peu partout." Mais encore? "Attention aussi aux obligations des entreprises très vulnérables, vu leurs cours, à la moindre hausse des taux d'intérêt qu'entreprendrait une banque centrale au cours de l'année 2016." A bon entendeur!

Franck Dedieu

Les risques politiques et sociaux s'aggravent

Mohamed El-Erian, directeur de la recherche économique d'Allianz

Ce qu'il avait prédit: "La Grèce ne pourra pas rembourser ses dettes et l'Europe dépense de l'argent sans compter pour renflouer une économie malade." Reuters, 22 juin 2011

Ce qu'il pronostique: "Le chômage de masse et la montée des inégalités érodent le consensus social et vont compliquer sérieusement la gouvernance économique."

La crise des dettes souveraines en Europe? Dès 2008, Mohamed El-Erian, alors aux commandes de Pimco, l'un des plus grands fonds obligataires de la planète, la voit venir. Aujourd'hui, alors qu'il a changé de boutique et dirige toute la recherche économique du géant Allianz, il scrute de près les risques politiques et sociaux. "Cette situation de croissance lente depuis des années dans la plupart des grands pays de la planète entraîne une insatisfaction croissance des populations avec comme conséquence la percée de mouvements politiques anti-élites, contestataires et qui souvent n'ont aucune expérience de gouvernement", déplore-t-il.

Et cet économiste, qui a passé plusieurs années aux Etats-Unis, de prendre l'exemple de l'émergence du Tea Party depuis 2010, qui renvoie dos à dos démocrates et républicains. Résultat: la conduite de la politique économique va se compliquer sérieusement. Avec des risques d'explosion sociale sur fond d'accroissement des inégalités. Pour autant, la situation n'est pas perdue. "Rien n'est automatique. Les politiques ont les clés en main pour diminuer ce risque et développer une croissance plus inclusive et soutenable." Avis aux intéressés!

Béatrice Mathieu

Le sort de la monnaie chinoise est déterminant

Andy Xie, économiste indépendant basé à Shanghai

Ce qu'il avait prédit: "Il y aura sans doute un krach financier d'ici à la fin 2008. Et celui-ci devrait coïncider avec une récession mondiale." Reuters, avril 2007

Ce qu'il pronostique: "La Chine a 30% de risques de perdre le contrôle de sa devise. Si cela se produit, une récession mondiale est inévitable."

Un drapeau national chinois brandit par un habitant de Hong-Kong, le 2 octobre 2014

Un drapeau national chinois brandit par un habitant de Hong-Kong, le 2 octobre 2014

© / afp.com/Dale de la Rey

Véritable oiseau de mauvais augure, Andy Xie n'a pas son pareil pour prédire les récessions mondiales. En 2007, ce thésard du MIT vient de quitter Morgan Stanley quand il annonce sur son blog la déconfiture prochaine de la finance mondiale. "La crise partira des Etats-Unis. Vendez vos actifs avant qu'il ne soit trop tard", explique-t-il aux investisseurs, quelques mois à peine avant la faillite de Lehman Brothers.

Aujourd'hui, c'est plutôt la Chine qui inquiète Andy Xie. "Rien ne dit que Pékin parviendra à défendre le yuan. L'offre de crédit explose, il y a des surcapacités partout, les taux d'intérêt baissent... Et n'allez pas croire que les réserves de change pourront éviter le pire. Celles-ci peuvent fondre en quelques jours si, dans un mouvement de panique, les Chinois se mettent à retirer de l'argent en masse et que les entreprises décident de convertir leurs dettes en dollars."

Sébastien Julian

Son pari: un rebond rapide du prix de l'or noir

Alexandre Andlauer, analyste Pétrole et Gaz à AlphaValue

Ce qu'il avait prédit: "Notre étude conclut à une possibilité d'un baril à 50 dollars en 2015." Interview sur La Chaîne Energie, sur L'Expansion.com, octobre 2012

Un puits de pétrole près de Los Angeles aux Etats-Unis, le 2 février 2011

Un puits de pétrole près de Los Angeles aux Etats-Unis, le 2 février 2011

© / afp.com/Mark Ralston

Ce qu'il pronostique: "La production américaine de schiste diminue de 50000 barils par jour. Les cours du BRUT devraient vite remonter à 60-65 dollars le baril."

Ne vous fiez pas à son allure de jeune trader. Alexandre Andlauer a le flair d'un vieux briscard. Fin 2012, il est le seul à prédire, avec deux ans d'avance, la chute des cours du pétrole à 50 dollars. Un coup de maître qui lui vaut d'être écouté par le très réputé Institut d'Oxford pour l'énergie.

Ses pronostics pour 2016? Un rebond rapide des cours à 6065 dollars et de nouvelles difficultés pour l'Opep. "Le baril à 40 dollars avait surtout affaibli les producteurs de schiste aux Etats-Unis. A 60 dollars, les budgets des pays de l'Opep ne seront toujours pas équilibrés, tandis que les acteurs américains du schiste seront de retour."

Sébastien Julian

L'effet dévastateur d'une croissance chinoise à 0%

Pierre Sabatier, économiste, président du cabinet indépendant PrimeView

Ce qu'il avait prédit: "La Chine présente tous les symptômes d'une économie de bulle." "La Chine, une bombe à retardement", 2012

Ce qu'il pronostique: "La vraie croissance chinoise en 2016 devrait approcher 0%."

Il chicane avec les chiffres officiels, cherche la petite bête statistique, traque les erreurs de raisonnement. Mais, à la fin, il trouve et... tombe juste. En 2012, le commerce international retrouve quelques couleurs et la majorité des économistes portent un regard bienveillant sur la Chine. Lui publie avec son compère Jean-Luc Buchalet La Chine, une bombe à retardement. Aujourd'hui, après l'éclatement de la bulle boursière et immobilière, il récidive: " En 2016, la Chine devrait être à 0% de croissance. Sauf à alimenter la bulle, elle va devoir purger des capacités de production excessives."

Franck Dedieu

La bulle high-tech aux États-Unis l'inquiète

Dean Baker, codirecteur du Center for Economic and Policy Research (Cerp), Washington

Ce qu'il avait prédit: "La bulle immobilière finira par éclater, ce qui entraînera une autre récession." "The Los Angeles Times", 18 décembre 2003

Ce qu'il pronostique: "La croissance en 2016 ne dépassera pas 2% aux Etats-Unis, 1,5% en Europe et 1% au Japon."

Dès 2002, cet économiste avait alerté sur les dangers de la bulle immobilière aux Etats-Unis. Aujourd'hui, il s'attend plutôt à la poursuite d'une croissance faible: de l'ordre de 2% aux Etats-Unis et de 1,5% en Europe, du fait du ralentissement des émergents. Sceptique à l'idée d'une crise majeure en Chine, il s'inquiète en revanche de la bulle high-tech aux Etats-Unis. Pour l'Europe, il craint que la remise en cause de l'austérité au Portugal ne plonge le continent dans une crise comparable à celle causée par la Grèce.

Stéphanie Benz

Une déflation à la japonaise nous guette

Steve Keen, économiste, auteur de "L'Imposture économique" (Ed. de l'Atelier, 2014)

Ce qu'il avait prédit: "Plus nous empruntons, plus le choc sur la demande sera sévère quand la correction arrivera." Son blog Debtdeflation.com, 5 août 2007

Ce qu'il pronostique: "Le monde est entré dans une période de stagnation très similaire à celle enregistrée au Japon au cours des vingt-cinq dernières années."

La croissance faramineuse de la dette privée au milieu des années 2000 aux Etats-Unis: voilà ce qui avait alerté Steve Keen et l'avait poussé à tirer la sonnette d'alarme. "L'endettement augmentait très vite et atteignait un niveau jamais vu depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un renversement de tendance risquait d'entraîner la plus grosse crise jamais enregistrée après la grande dépression des années 30", se souvient cet économiste d'origine australienne, auteur du best-seller L'Imposture économique, où il dénonce le manque de fondement scientifique de la théorie néoclassique.

Depuis, ce chercheur n'a pas changé de boule de cristal: il continue de suivre de près l'évolution de l'endettement mondial. Et les enseignements qu'il en tire n'ont rien de réjouissant. "Le rythme de croissance de la dette privée est faible. De ce fait, le risque d'avoir à nouveau une crise majeure est faible aussi. En revanche, comme le crédit augmente peu, la demande ne progresse pas, et l'économie stagne. En clair, l'économie mondiale est entrée dans une période de stagnation similaire à celle enregistrée au Japon au cours des vingt-cinq dernières années."

Seule exception: la Chine, où une crise majeure est en cours. "La dette y a gonflé trois fois plus vite qu'aux Etats-Unis et au Japon pendant les bulles. Mais à présent, l'endettement n'augmente plus, et la demande ralentit fortement. Les autorités chinoises font ce qu'elles peuvent pour prévenir un crash, mais leur action ne suffit pas et la crise va se propager aux pays producteurs de matières premières et aux fournisseurs de biens industriels, comme l'Allemagne et la Corée."

Stéphanie Benz

Gare aux dégâts en cascade de la hausse des taux

Denis Kessler, président de la Scor

Ce qu'il avait prédit: "Nous devons faire face aux risques portant sur notre portefeuille investi en actions." Propos et chiffres issus du rapport annuel 2006 de la Scor

Ce qu'il pronostique: "Je n'exclus pas des ajustements brutaux sur les actions et les obligations."

bourse paris cac 40

A trader speaks on the phone in front of a screen showing the CAC 40, a benchmark French stock market index on August 16, 2011 in Paris in an office of the French investment company created from the merger of ETC Pollak and Aurel, Aurel BGC. France's Nicolas Sarkozy hosts Germany's Angela Merkel in Paris on Tuesday as jittery markets anxiously await any sign that European leaders have a plan to resolve the eurozone debt crisis. AFP PHOTO BERTRAND GUAY

© / AFP PHOTO BERTRAND GUAY

A quoi ressemble l'économie mondiale d'aujourd'hui? "A une machine de Tinguely, où tout se met en mouvement au moindre choc, sans qu'il soit en mesure d'en comprendre le mécanisme, avec un piston mal placé, une bielle boiteuse, une courroie fragile. Une série de mécanismes qui se mettent en branle, créant déséquilibre, instabilité et incertitude." Le bouillant patron de la Scor, ancien vice-président du Medef, Denis Kessler, ne vient pas de faire son "coming out dadaïste". Non, il résume en une image l'univers chaotique de l'économie.

"Elle se présente sous un aspect désynchronisé avec des déséquilibres sur le marché des changes, des capitaux ou des matières premières. Les interactions deviennent illisibles, les mécanismes plus complexes et les variations moins linéaires. Même les vieilles recettes montrent leurs limites: la Banque centrale européenne a injecté 2300 milliards d'euros depuis 2008 sans véritables effets sur la croissance et l'investissement."

Alors, en bon réassureur, enclin à mesurer tous les risques, Denis Kessler n'exclut pas "des ajustements brutaux sur les marchés obligataires et les indices boursiers. Une hausse des taux mal maîtrisée pourrait produire des dégâts en cascade avec, en toile de fond, des crises monétaires et financières dans des pays émergents." Une mise en garde à prendre au sérieux au vu de ses "antécédents": après des ventes massives de titres, il s'était retrouvé avec 5 milliards de trésorerie quand explosa Lehman Brothers.

Franck Dedieu

Il prône l'inflation pour sortir de la récession

Bruno Colmant, directeur de la recherche économique de la banque Degroof Petercam

Ce qu'il avait prédit: "Les banques centrales répondront à l'éclatement de microbulles, par la création monétaire entraînant de nouvelles bulles." "Les Prochaines Conflagrations économiques", mars 2011

Ce qu'il pronostique: "Les banques centrales n'ont d'autre choix que de continuer à inonder la planète de liquidités. La prochaine grande crise sera inflationniste."

En ces temps où les girouettes sont légion, Bruno Colmant, lui, a de la constance. Cet économiste, ancien président de la Bourse de Bruxelles et membre de l'Académie royale de Belgique, n'a pas varié d'un pouce depuis 2008. "La seule issue à la grande crise de surendettement, c'est le retour de l'inflation qui éliminera durablement et sans trop de peine les dettes", ne cesse-t-il de répéter. Dans l'histoire, toutes les situations de surendettement se sont terminées de cette manière. Rares sont les financiers qui en appellent à un dérapage des prix.

Ce keynésien pur jus décortique le cercle vicieux de la déflation dans lequel est tombée l'économie mondiale: la baisse des prix pèse sur les revenus, alors que les dettes, elles, restent au mieux inchangées. Résultat, les taux d'endettement augmentent mécaniquement. "Les banques centrales n'ont d'autre choix que d'injecter toujours plus de liquidités dans le système et de poursuivre leur politique monétaire ultra-accommodante, dans l'espoir de faire redémarrer l'inflation." Une aubaine pour les Etats.

En Europe, les obligations d'Etat achetées par les banques commerciales sont rachetées par la BCE, dans le cadre de son programme de quantitative easing. "Cela permet de maintenir les taux d'intérêt à bas niveau pour soutenir le redémarrage de la croissance." Reste que la reprise sera très faible en Europe: 1 à 1,5% au mieux.

Béatrice Mathieu

La menace du ralentissement des pays émergents se précise

Jean-Pierre Petit, directeur des Cahiers verts de l'économie

Ce qu'il avait prédit: "L'ampleur des déséquilibres aboutira à une croissance très molle. Nous devons nous préparer à une très longue dépression en Occident." L'Expansion, mai 2009

Ce qu'il pronostique: "Tous les pronostics des grandes institutions sur la croissance mondiale sont largement surestimés."

Le retour du risque grec? "Ce n'est pas un danger à court terme." La crainte d'un Brexit? "Le Royaume-Uni n'a pas grand-chose à perdre." Pour Jean-Pierre Petit, ce qui menace réellement l'Europe, c'est le retour du risque émergent. "Tout le monde se rappelle la crise asiatique de 1997, qui a été rapidement résolue. Beaucoup imaginent que les choses ne seront pas très différentes aujourd'hui. Ils se trompent", attaque cet économiste indépendant, qui fut l'un des premiers à tirer la sonnette d'alarme sur les dangers de la bulle immobilière aux Etats-Unis dès 2007. Tout simplement parce que le monde émergent pèse aujourd'hui près de 40% du PIB mondial, contre seulement 26% à l'époque.

Depuis des années, investisseurs et industriels n'ont cessé de fantasmer sur ces pays exotiques aux chiffres de croissance faramineux sans voir que les déséquilibres internes se multipliaient. Perte de compétitivité, trop grande dépendance aux marchés des matières premières, corruption persistante, lenteur des réformes, manque criant d'infrastructures et, surtout, gonflement de la dette. Un exemple: en Indonésie, la dette des entreprises a bondi entre la fin 2008 et la fin 2014 de l'ordre de 38 points de PIB...

"Le problème, c'est que les grands pays riches n'ont pas les ressorts internes pour compenser le freinage du monde émergent. Et l'Europe sera plus touchée que les Etats-Unis", avertit Jean-Pierre Petit. Deux petits chiffres pour s'en convaincre. Les exportations vers les pays émergents représentent 9% du PIB de la zone euro, contre 4,5% seulement pour les Etats-Unis.

Béatrice Mathieu

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