La propagande médiatique de Daech passée au crible par Reporters sans Frontières

La communication est l’autre nerf de la guerre de Daech. Des techniques rompues de propagande détaillées dans un rapport documenté de Reporters sans Frontières.

Par Jérémie Maire

Publié le 04 janvier 2016 à 17h15

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 02h21

On le sait, Daech dote son organisation de moyens bien spécifiques et de grande ampleur pour communiquer. Le but : éradiquer l’information émanant des autres médias et imposer la sienne. Dans un rapport publié le 4 janvier par Reporters sans Frontières, un an après la tuerie de Charlie Hebdo, les techniques de propagande de l'organisation Etat islamique sont racontées par le menu.

Le djihad contre les journalistes explique que « le “califat” se comporte comme un État totalitaire, exerçant un contrôle sans faille sur son image et éliminant avec une grande brutalité les voix dissidentes ».

L’ONG compare même les « brigades médiatiques », divisées en sept branches avec chacune sa spécialité (vidéo, texte, photo, radio, traductions…) à « un empire de presse aussi tentaculaire que puissant ».

Si tout est décidé au plus haut de l’organisation, ce qui indique toute l’importance portée par Daech à sa propagande, la production est réalisée par des soldats non pas armés de kalachnikov mais de caméras. Ils sont anciens journalistes, vidéastes amateurs, animateurs de forums ou de sites Internet, sont sept fois mieux payés que leurs camarades combattants et bénéficient d’avantages en nature… mais sont aussi soumis à la vindicte possible des chefs. « Vous savez que vous pouvez à tout moment prendre la place des suppliciés que vous filmez », explique d’ailleurs un repenti.

Ces vidéos font l’objet d’un traitement professionnel : cadre, éclairage, prise de vue… les tournages (qu’ils montrent des exécutions comme des scènes de la vie quotidienne) peuvent durer des heures et sont réalisés à l’aide de grues pour les travellings, de plusieurs caméras haute-définition, de musique et d’effets spéciaux. Le tout pour délivrer le message le plus efficace possible. Un autre repenti témoigne que c’est souvent le cameraman qui donne le top au bourreau pour l’exécution.

Le rapport s’arrête aussi sur le cas de John Cantlie, journaliste britannique capturé en compagnie de James Foley en novembre 2012. Ce dernier a été assassiné, mais Cantlie, lui, toujours otage, sert de vitrine à la branche média de Daech. Le journaliste apparaît régulièrement, tantôt en tenue de prisonnier, tantôt habillé comme un local, dans des vidéos tournées sous la forme de publi-reportages.

En multipliant les canaux de diffusion, l'organisation Etat islamique inonde les ondes locales, mais aussi Internet et les réseaux sociaux, véritable levier de recrutement. Si bien qu’en un an, Daech a été capable de produire 15 000 documents de propagande, dont 800 vidéos et une vingtaine de magazines traduits en 11 langues, dont le mandarin.

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