Lutte antiterroriste : le détail du projet de loi Taubira dévoilé

Lutte antiterroriste : le détail du projet de loi Taubira dévoilé

    Le 16 novembre, trois jours après les attentats à Paris qui ont fait 130 morts, François Hollande avait présenté son plan de bataille contre le terrorisme devant les parlementaires réunis en Congrès à Versailles (Yvelines). Il souhaitait notamment doter les services et magistrats antiterroristes de davantage de moyens technologiques et élargir les pouvoirs de la police et de la gendarmerie. La garde des Sceaux, Christiane Taubira, avait présenté les grandes lignes de ce projet de loi le 23 décembre, espérant le voir présenté en Conseil des ministres en février. Selon le texte dévoilé mardi par Le Monde, il s'agit d'adapter «notre dispositif législatif de lutte contre le crime organisé (...) et le terrorisme» afin de «renforcer de façon pérenne les outils et moyens mis à la disposition des autorités administratives et judiciaires», en dehors du cadre temporaire de l'état d'urgence instauré après les attentats.

    Usage des armes pour les policiers. Parmi les dispositions les plus marquantes figure un assouplissement des règles d'engagement armé des policiers, une mesure réclamée de longue date par les forces de l'ordre. Est ainsi retenu le principe d'une «irresponsabilité pénale» en raison de «l'état de nécessité» pour tout fonctionnaire de police ou gendarme qui «hors cas de légitime défense fait un usage de son arme rendu absolument nécessaire pour mettre hors d'état de nuire une personne venant de commettre un ou plusieurs homicides volontaires et dont il existe des raisons sérieuses et actuelles de penser qu'elle est susceptible de réitérer ces crimes dans un temps très voisin des premiers actes».

    Retour du Jihad. Une autre disposition vise les personnes soupçonnées d'avoir fait le jihad en Syrie ou en Irak et de vouloir commettre des attentats en France. Elle renforce le contrôle administratif des personnes «dont il existe des raisons sérieuses de penser qu'elles ont accompli (...) des déplacements à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes (...) dans des conditions susceptibles de les conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de leur retour sur le territoire français».

    Ces personnes contre lesquelles il n'existe pas aujourd'hui d'éléments suffisants pour les mettre en examen pourraient dans ce cadre être assignées à résidence ou subir des contrôles administratifs, des mesures décidées par le ministère de l'Intérieur. Ces mesures pourraient être suspendues si la personne se soumet à une action de réinsertion et d'acquisition des «valeurs de citoyenneté» dans un centre habilité.

    Fouilles et perquisitions de nuit. La possibilité offerte aux policiers et gendarmes de procéder à des fouilles de bagages et véhicules, sous l'autorité du préfet et non plus du procureur, est élargie «aux abords d'installations, d'établissements ou d'ouvrages sensibles».

    Les perquisitions de nuit, jusqu'alors réservées aux juges, pourront désormais être ordonnées dans les enquêtes préliminaires du parquet, y compris dans les logements et même pour «prévenir un risque d'atteinte à la vie ou à l'intégrité physique».

    Interceptions des communications. Le texte entend également donner au parquet et aux juges d'instruction l'accès à de nouvelles mesures d'investigation en matière de communication électronique et à de nouvelles techniques comme les «Imsi-catcher, qui interceptent les communications dans un périmètre donné en imitant le fonctionnement d'un relais téléphonique mobile».

    Protection des témoins. Le projet de loi vise aussi à mieux protéger les témoins avec des déclarations «sous numéro» et en prévoyant le recours au huis clos durant leur témoignage dans certains procès sensibles.

    Lutte contre le financement du terrorisme. Elle sera également facilitée par un encadrement et une traçabilité des cartes prépayées, la possibilité pour Tracfin, organisme antiblanchiment du ministère de l'Ã?conomie, de signaler aux banques des opérations et des personnes à risque, et une extension du champ du gel des avoirs.

    Pillage de patrimoine. Enfin, une incrimination nouvelle visant à réprimer le trafic des biens culturels sera créée pour éviter que des groupes terroristes syriens ou libyens puissent «recycler sur notre sol le fruit du pillage du patrimoine de l'humanité».