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Le plan « 500 000 formations » de Hollande : un air de déjà-vu

Le président de la République a annoncé la création de 500 000 places de formation supplémentaires pour les demandeurs d’emploi. Il s’agit en réalité du renforcement d’un dispositif en place depuis 2013.

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Publié le 06 janvier 2016 à 12h03, modifié le 07 janvier 2016 à 10h02

Temps de Lecture 5 min.

Un stand Pôle emploi dans un salon du chômage à Lille, le 28 mai.

Dans ses vœux présidentiels du 31 décembre, François Hollande a orienté une partie de son discours sur l’urgence de l’accès à l’emploi. Outre le terrorisme, « la lutte contre le chômage reste ma première priorité », a déclaré le président, qui a lié une nouvelle candidature en 2017 à l’inversion de la courbe du chômage.

La principale mesure annoncée est un « plan massif » de formation des demandeurs d’emploi. L’opposition n’a pas manqué de critiquer l’aubaine statistique que pouvait constituer cette opération, en transférant les chômeurs des catégories A, B et C, traditionnellement utilisées pour compter le nombre de demandeurs d’emploi, vers la catégorie D, qui regroupe les personnes en formation.

Un dispositif qui existe depuis 2013

L’autre interrogation provient du fait que ce plan est loin d’être totalement nouveau. Les « 500 000 personnes de plus » qui « seront accompagnées vers les métiers de demain » devraient s’inscrire dans la continuité d’un dispositif d’« urgence » lancé par le gouvernement en 2013, comme l’a confirmé la ministre du travail Myriam El Khomri.

Cette année-là, le premier ministre Jean-Marc Ayrault s’était fixé l’objectif de 30 000 demandeurs d’emploi formés pour occuper les emplois traditionnellement non pourvus de l’économie française : les métiers « en tension ». Ce plan d’urgence a finalement été reconduit les années suivantes : 100 000 chômeurs bénéficiaires en 2014, puis encore 100 000 en 2015 (répartis entre le compte personnel des demandeurs d’emploi et le plan « 40 000 formations pour les recrutements des TPE et PME »).

Ces formations sont dirigées au niveau de chaque région par l’Etat, Pôle emploi, les conseils régionaux et les partenaires sociaux. Le nouveau plan de François Hollande n’est donc qu’une extension – certes, très massive – de ce dispositif existant.

Qu’est-ce qui diffère d’une formation classique ?

Ces formations prioritaires sont intégrées à l’ensemble de l’offre pour les chômeurs mais bénéficient d’un effort de financement spécifique. L’idée est de compléter le dispositif existant avec des formations censées répondre directement aux besoins des entreprises.

Certaines particularités sont également mises en avant par Pôle emploi : elles sont plus courtes – le volume d’heures est en moyenne de 324 contre 629 heures pour les autres formations – et s’adressent en priorité à des demandeurs d’emploi d’un niveau d’étude moins élevé que l’ensemble. Les domaines professionnels sont aussi différents. Dans ce dispositif d’urgence les chômeurs sont formés prioritairement aux domaines « échange et gestion », alors que la catégorie « formation générale, lettre et langue » est sous représentée avec seulement 1 % contre 18 % pour l’ensemble. La moyenne d’âge est cependant sensiblement équivalente.

En 2014, ces formations prioritaires représentaient seulement un quart de l’ensemble selon Pôle emploi.

Les formations prioritaires sont-elles efficaces ?

Le 20 août 2015, à l’occasion d’une question parlementaire au Sénat, le ministère du travail s’était félicité de la réussite du dispositif de formations prioritaires :

« Les résultats sont encourageants, deux demandeurs d’emplois sur trois étaient en emploi six mois après la fin de la formation. »

42 % des formés obtiennent un emploi durable

Le ministère se base sur les résultats d’une enquête menée par Pôle emploi auprès des bénéficiaires de ces formations en 2013. Si l’accès au travail est encourageant, la situation de ces personnes reste précaire, seulement 41,6 % bénéficiant d’un emploi qualifié de durable (ensemble des contrats d’une durée de 6 mois ou plus). D’autant que les résultats étaient un peu moins bons en 2014 : 57 % des personnes qui ont bénéficié d’une formation avaient un emploi six mois après la fin de la formation et 41,8 % étaient en situation d’emploi durable.

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Mais ces formations prioritaires donnent tout de même de meilleurs résultats que les formations « classiques ». En 2014, sur l’ensemble des formations, un chômeur sur deux était en emploi six mois après sa formation, tandis que le taux d’accès à un emploi durable s’établissait à 37,2 %.

Pour Hadrien Clouet, doctorant au Centre de sociologie des organisations (CNRS - Sciences Po), la formation comme réponse au chômage, ce n’est pas nouveau. « Ça fait 40 ans qu’on enchaîne les plans nationaux d’adaptation entre les demandeurs d’emploi et l’offre de travail », explique le chercheur.

Le premier problème est, selon lui, que le volume d’emplois non pourvus généralement mis en avant (300 000 à 600 000) est surestimé. À Pôle emploi, entre 120 000 et 130 000 offres ne trouvent pas preneur tous les ans. Comme l’organisme accueille un tiers des offres d’emploi, « on se contente de tripler ce nombre pour obtenir une estimation de la situation dans l’ensemble de l’économie », assure Hadrien Clouet.

Mais Pôle emploi reçoit les offres les plus complexes et toutes ne se valent pas. Beaucoup de contrats sont courts et ne proposent qu’un volume d’heures très réduit. Même si ces offres trouvaient preneurs, elles ne permettraient pas de faire baisser durablement le chômage de masse.

Deuxièmement, il est difficile d’adapter des formations de plusieurs mois aux besoins, le marché évoluant très rapidement. Entre le début et la fin d’une formation, l’offre d’emploi ne correspondra plus forcément à ce que l’on espérait.

Lire la tribune (édition abonnés) : Emplois non pourvus : les chiffres et les mythes

Qu’apporte le nouveau plan de Hollande ?

François Hollande ne parle plus de « métiers en tension », regroupant les emplois pour lesquels les employeurs rencontrent des difficultés de recrutement mais les « métiers de demain ». Myriam El Khomri a précisé que cela concerne les secteurs liés à la transition numérique et énergétique. Dans le discours, cette fois, le chef de l’Etat veut avoir un coup d’avance sur le marché du travail.

Mais la démarche semble tout de même assez proche des plans précédents. La ministre du travail explique que les besoins seront recensés dans les territoires. Une méthodologie déjà utilisée depuis de longues années par Pôle emploi dans son enquête annuelle « Besoins en main-d’œuvre ».

1 milliard mobilisé ?

La principale différence devrait être la rallonge budgétaire accordée par l’Etat pour organiser ces nouvelles formations. Pour l’instant, le chiffre d’un milliard d’euros a été avancé par Les Echos et confirmé sur RTL par Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement. Myriam El Khomri se veut plus prudente, assurant que les arbitrages budgétaires sont en cours.

En 2012, Nicolas Sarkozy avait déjà annoncé un plan de formation semblable à l’approche de l’élection présidentielle. Il proposait à l’époque un investissement de 150 millions d’euros et 16 000 formations supplémentaires pour permettre à tout chômeur sans emploi depuis plus de deux ans de se voir proposer « soit une formation, soit un emploi, soit un processus de resocialisation ».

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