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Les risques d'une troisième guerre mondiale

N'oublions pas, Hitler et Mussolini ne sont pas arrivés au pouvoir par la force.
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Avec une actualité qui nous rappelle chaque jour les conflits à travers le monde, principalement au Moyen-Orient et en Afrique subsaharienne, et ce qu'il est désormais convenu de nommer «la crise des migrants» en Europe, nombreuses sont les personnes qui expriment leurs opinions sur ces sujets, avec retenue ou véhémence. La situation géopolitique exacerbe alors les sentiments d'appartenance à un pays, une race, une religion et on constate une avancée des partis alternatifs, qu'ils soient d'extrême droite ou gauche. Lassés des politiques et du bipartisme, les citoyens s'orientent vers des partis, selon eux, porteurs de nouveaux espoirs. J'ai alors souhaité faire un parallèle entre la situation d'entre deux guerres en Europe (1918 -- 1939) et aujourd'hui pour s'interroger sur la montée des partis extrêmes et une possible troisième guerre mondiale.

1. Les facteurs d'émergence des divers régimes des extrêmes

Ils doivent être considérés comme un tout indissociable, chaque facteur en entraînant un autre, dans une sorte de «spillover» selon une approche fonctionnaliste. Voici les 6 facteurs principaux que l'on peut retenir.

a. Frustration des peuples et minorités

L'amertume et les ressentiments des États vaincus à l'issue de la Première Guerre mondiale n'ont fait qu'envenimer les frustrations nationales et les problèmes des relations internationales de l'entre-deux-guerres. L'Allemagne voyait son territoire réduit et partagé entre les vainqueurs, était désarmée et astreinte à d'énormes réparations, le tout étant consigné dans le traité de Versailles. En effet, le journaliste Paul Chauveau écrit en 1948 :« l'Allemagne étant l'agresseur, il est juste et normal que ses victimes, aujourd'hui victorieuses, lui réclament la réparation des dommages causés par sa faute ». À cela, il fallait ajouter les autres changements géopolitiques : la recomposition de l'Europe suite à la fin des grands empires (austro-hongrois et ottoman). À la naissance de nouveaux États comme la Yougoslavie, la Pologne, la Hongrie et les républiques baltes succède l'émergence de «problèmes de construction nationale en raison de l'existence d'importantes minorités ethniques et linguistiques» selon le politologue et sociologue espagnol Juan Linz.

En 2016, on retrouve cette frustration nationale des peuples opprimés par d'autres, les divergences au sein de l'Union européenne dans l'accueil des migrants, les problèmes des minorités, les conflits en Ukraine, en Syrie, en Afrique, en Palestine et en Israël, les attentats et les groupes terroristes, les récents essais nucléaires en Corée, la rupture des relations diplomatiques de l'Arabie Saoudite avec ses partenaires... en quelque sorte, en un siècle, presque rien n'a changé dans les relations internationales!

b. La crainte de l'autre

Pour l'historien canadien Michael Jabara Carley, dans leur crainte du «péril bolchévique», les leaders anglais et français «voyaient l'Allemagne nazie comme une digue contre "le bolchévisme", ils admiraient le fascisme comme une "force" contre le socialisme et le communisme et comme une nouvelle expression "virile" des valeurs bourgeoises de l'élite européenne».

Aujourd'hui, c'est la peur de ce que l'on pourrait nommé comme le « péril islamiste » qui pousse les classes sociales vers le choix des extrêmes. Toutefois, bien que les élites craignent l'éviction de leurs partis respectifs de la scène politique dans l'hypothèse de l'accession au pouvoir de ces extrêmes, ceci ne les empêche pas de nouer des alliances à des fins électorales.

c. La crise des valeurs démocratiques libérales

Au sortir de la Première Guerre mondiale, le triomphe de la démocratie était consacré. Même si les régimes d'extrême droite rejetaient les fondements et principes de la démocratie libérale, pour Juan Linz, « les mouvements fascistes ont en général échoué dans leur entreprise de destruction des démocraties européennes, mais ont réussi à les mettre en crise; certains obtinrent le pouvoir ou tout du moins un partage du pouvoir». Les démocraties libérales n'ont certes pas toutes été remplacées par les régimes d'extrême droite, mais elles ont été ébranlées dans un contexte exacerbé par « L'échec de la classe politique libérale-démocrate, l'instabilité et l'inefficacité gouvernementales ».

Après le face à face des partis de droite et d'extrême droite aux élections présidentielles de 2002 en France, voilà que le scénario des élections présidentielles de 2017 semble prendre la même tournure. Les échecs des tentatives de mise en place des idéologies démocratiques, libérales, occidentales en Irak, en Libye montrent les limites de leurs mises en œuvre.

d. La crise économique

La France et l'Allemagne devaient se reconstruire après la Première Guerre mondiale, mais le krach boursier de 1929 a marqué le début de la Grande Dépression. Leurs monnaies ont été dévaluées et, selon l'agrégé d'histoire François Delpla, «la crise de 1929, d'emblée très sévère en Allemagne, voit le parti socialiste, qui gouvernait depuis 1928, déchiré entre ceux qui ne veulent pas entamer le niveau de vie ouvrier et les "réalistes" qui, au nom des "sacrifices nécessaires", sont prêts à gouverner avec une partie de la droite». Cette crise, perçue comme un produit du capitalisme, justifiait son rejet par l'idéologie communiste. Les démocraties adoptaient des mesures protectionnistes dans un contexte de hausse du chômage, de montée de la xénophobie et de l'antisémitisme ainsi que des mouvements antiparlementaires, d'ouvriers et de chômeurs. On passait alors à une période d'interventionnisme économique de l'État.

Depuis 2007 et la crise des «subprimes», l'économie mondiale est au plus mal: des taux de chômage jamais atteints, des tensions raciales fortes et une intervention souvent vaine des États dans tous les domaines. Paradoxalement, c'est aujourd'hui l'Allemagne qui s'en sort le mieux!

e. Les traditions autoritaires

Comme le soulignait la philosophe française Catherine Colliot-Thélène, Max Weber n'est pas seul à l'origine de la notion de monopole de la violence légitime des États, car elle est avancée par d'autres auteurs tels que Rudolph von Jhering (monopole de la contrainte) et Rudolph Sohm (la contrainte juridique est le monopole de l'État).

Cette caractéristique de l'État est un autre facteur légitimant la montée en puissance des groupes d'extrême droite dont la mise en pratique de ce paradigme trouve, de nos jours, moins d'obstacle d'ordre moral.

f. La violence coloniale

C'est avec ce facteur que se situe toute l'ambiguïté de l'émergence des régimes d'extrême droite. Dans une Europe où les principaux acteurs, que sont la France et la Grande-Bretagne, étaient des puissances coloniales, elles exerçaient un pouvoir autoritaire sur leurs colonies. Pour Raphaëlle Branche, historienne française, spécialiste des violences en situation coloniale, «La puissance coloniale trouve dans ces actes violents des instruments pour maintenir sa domination. Ils s'articulent avec le projet colonial. En maintenant actif le souvenir de la soumission initiale - tout en le circonscrivant le plus souvent à des moments et à des lieux spécifiques -, le pouvoir colonial rend manifeste la construction politique qu'il entend perpétuer: la colonisation repose sur le maintien de la population colonisée dans une situation subordonnée».

En 2016, il n'est alors pas surprenant de voir se perpétuer des idéologies aux tendances autoritaires et totalitaires, calquées sur les comportements des colonisateurs, et de voir apparaître les velléités d'expansion territoriale de certains États dans un contexte de tensions entre races, ethnies et religions.

2.Le processus d'accession au pouvoir par les groupes politiques des extrêmes

Robert Paxton, historien américain, spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, écrit en 1995: «Ni Hitler ni Mussolini n'ont pris la barre par force, même s'ils ont utilisé la force par la suite pour transformer leur gouvernement en dictature. Ils ont été invités à partager le pouvoir par le chef de l'État, conseillé par ses intimes, dans des circonstances bien précises». Ces régimes ont évolué selon plusieurs étapes, allant de leur accession au pouvoir au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Les différents facteurs expliqués précédemment font apparaître les premiers mouvements fascistes (tel que le Ku Klux Klan aux États-Unis), qui ensuite s'enracinent, jusqu'à parvenir au pouvoir. C'est dans l'exercice du pouvoir fasciste que l'on détermine son rôle dans le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, «Les chefs fascistes qui atteignent le pouvoir sont condamnés à gouverner avec l'élite conservatrice du pays, qui leur a ouvert les portes». Le nouvel espoir apporté par ces mouvements politiques, modernes et révolutionnaires subjuguait alors la société par une idéologie. Les divers régimes d'extrême droite qui accèdent au pouvoir dans la période entre-deux-guerres profitaient des bouleversements pour rallier à leur idéologie la paysannerie (victime de la chute des exportations agricoles), la petite et moyenne bourgeoisie (menacées de prolétarisation) et les chômeurs. L'Allemagne et l'Italie devenaient ensuite des dictatures. Toutes les conditions précédemment énoncées étaient alors requises, politiquement, économiquement, temporellement, pour mettre en œuvre les idéologies des dirigeants par l'instrument ultime du fascisme : la guerre. Comme le rappelle le professeur français d'histoire Philippe Foro, pour Mussolini, « la guerre est l'épreuve suprême à travers laquelle doit se réaliser "l'homme nouveau" cher au fascisme ». Pour Hitler, c'était l'esprit de revanche qui l'a amené au déclenchement des hostilités.

Conclusion

Une frange de la population de certains pays paraît aujourd'hui convaincue que les partis des extrêmes vont être la solution à tous les maux. Les discours de Donald Trump, aux États-Unis, au sujet des musulmans, démontrent que cette ligne de conduite rassemble de nombreux partisans. Les paroles du Front national en France suscitent le même engouement. Mais, les espoirs déçus des Grecs dans un gouvernement alternatif, ne sont-ils pas l'exemple que la tâche n'est pas si aisée pour les dirigeants politiques que ce qu'ils veulent bien faire paraître? Portant les valeurs d'un État Nation, de nationalisme, de populisme, de patriotisme, au nom d'un idéal collectif, les partis des extrêmes jouent sur les peurs. Alors, n'oublions pas, Hitler et Mussolini ne sont pas arrivés au pouvoir par la force. Les Allemands et les Italiens à l'époque étaient loin de s'imaginer des conséquences dramatiques de leurs actes politiques et civiques. La haine engendre la haine. Les points communs du passé et de notre présent doivent nous interpeller sur les scénarios possibles car l'histoire se répète. Finalement, à la lecture de ce parallèle, il semble que tous les éléments sont à nouveau réunis pour une troisième guerre mondiale...

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Mai 2017

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