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« Je suis Charlie » et « Je ne suis pas Charlie » intègrent Harvard

La bibliothèque de l’université américaine collectionne des milliers de documents relatifs aux attentats qui ont frappé la France en janvier 2015.

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Publié le 09 janvier 2016 à 17h27, modifié le 11 janvier 2016 à 15h39

Temps de Lecture 3 min.

The President and Fellows of Harvard College have a Creative Commons (CC) license to distribute and disseminate the concerned content for strictly non-commercial purposes. The President and Fellows of Harvard College make no representation that they are the owner of the copyright; anyone wishing to make use of an image must therefore assume all responsibility for clearing reproduction rights and for any infringement of Title 17 of the United States Copyright Code.

Charlie a traversé l’Atlantique. Il a même intégré l’une des plus prestigieuses universités américaines. Depuis quelques mois, la bibliothèque d’Harvard collectionne des milliers de documents relatifs aux attentats qui ont frappé la France en janvier 2015.

Dans ses dossiers, virtuels ou en carton : près de deux mille photographies, des centaines d’affiches, soixante vidéos, des milliers de tweets, plus de dix mille captures de sites Web… Et même une peinture de 19 × 24 centimètres représentant Cabu. Achetée spécialement à Paris.

Quelques jours après les attaques terroristes, Nicole Mills avait rapporté de Paris les premières pièces du catalogue, qui n’en était alors pas encore un. Un voyage prévu de longue date, mais le hasard a voulu que l’enseignante et responsable du programme en français débutant d’Harvard atterrisse le 11 janvier 2015. Date de la manifestation qui allait rassembler des millions de personnes autour de la place de la République à Paris.

Alors que d’aucuns auraient rempli leur valise de vin et de fromage (sans lait cru), Nicole Mills y a entassé des journaux et des magazines. Dans son album de vacances, les photographies de la tour Eiffel ont été remplacées par les murs tagués de Paris et des gros plans de la place de la République. Objectif braqué sur les fleurs, bougies et, surtout, les milliers de messages de soutien, d’amour et de « même pas peur » déposés par ceux qui se sentaient Charlie après l’assassinat de dix-sept personnes, dont huit membres de la rédaction de l’hebdomadaire satirique.

Dès son retour à Cambridge (Massachusetts), Nicole Mills utilise photographies et coupures de presse avec ses élèves. Un outil pédagogique qui prend une tout autre ampleur lorsqu’elle décide de les mettre en ligne. Sa collègue Virginie Greene, spécialiste de la littérature médiévale française, lui conseille en effet d’en discuter avec les bibliothécaires, pour « toutes ces questions de droit à l’image ». Un trésor pour Lidia Uziel, bibliothécaire pour l’Europe de l’Ouest à Harvard, qui clame l’évidence : il faut en faire quelque chose. Et pas uniquement pour les élèves débutants en français.

Un déclic pour Mme Mills :

« On a compris que cela allait bien au-delà des étudiants et des professeurs d’Harvard. Que collecter ce matériel était un acte citoyen pour que ces événements ne soient pas oubliés et qu’on garde la trace de ce débat public. »

En mars est donc monté le projet des « archives Charlie ». Très vite, un appel est lancé à tous ceux qui veulent contribuer. La première étape, explique Virginie Greene, directrice du département des langues et littérature romanes à Harvard, est d’expliquer « ce que vous voulez donner, et on vous dira si ça convient ». Mais alors, qu’est-ce qui convient ? Pratiquement tout, à vrai dire. « Cela doit juste concerner les attentats de janvier 2015… Et ne pas être un monument énorme. » Peu importe que cela soit physique ou numérique, que vous soyez Charlie ou non.

The President and Fellows of Harvard College have a Creative Commons (CC) license to distribute and disseminate the concerned content for strictly non-commercial purposes. The President and Fellows of Harvard College make no representation that they are the owner of the copyright; anyone wishing to make use of an image must therefore assume all responsibility for clearing reproduction rights and for any infringement of Title 17 of the United States Copyright Code.

La diversité, c’est justement ce qui fait la richesse et l’intérêt de ce moment, aux yeux de Mme Greene. « Qu’il ait été reflété dans tous ces médias », du plus artisanal au plus high-tech, en fait un moment exceptionnel. « Une vision de la société française » saisie à travers des modes d’expression très différents, et qui permet donc de rendre compte de toutes les opinions politiques, de tous les milieux sociaux. Nicole Mills acquiesce. En janvier, à Paris, se souvient-elle, « tout le monde voulait parlait de cet événement, tout le monde avait quelque chose à en dire ».

Aux Etats-Unis aussi, l’émotion s’était accompagnée d’un débat entre les défenseurs de la liberté d’expression et ceux qui soutenaient leur droit à condamner l’attaque contre Charlie Hebdo, sans en embrasser les idées. Le New York Times avait par exemple choisi de ne pas publier la « une » du numéro qui avait suivi les attentats, qualifiant de « provocation » le dessin de Luz, représentant Mahomet surmonté de la phrase « Tout est pardonné ». Un débat sur le droit au blasphème que la bibliothèque d’Harvard espère saisir, en collectant les messages déposés par les deux parties.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Reproduire la « une » ou pas, le dilemme des médias

Et maintenant, que faire de cette récolte ? Aucun des membres de la petite équipe ne le sait vraiment, et c’est justement le plus intéressant. Au-delà des expositions qu’ils projettent de monter dans quelques semaines, ils attendent surtout que d’autres s’en emparent. Des chercheurs italiens travaillant sur les mouvements sociaux et le débat démocratique ont d’ailleurs déjà contacté l’université américaine.

Harvard n’est évidemment pas la seule à avoir entrepris ce travail. La mairie de Rennes s’y était attelée dès janvier, et les archives de Paris lui ont emboîté le pas après les attentats de novembre. Virginie Greene s’en réjouit. « Il n’y a aucune idée de compétition dans ces collections. Plus on est à le faire, mieux ce sera. » Car, ainsi, les historiens qui se pencheront sur cette période seront plus à même de comprendre ce qui s’est joué à Paris en ce mois de janvier 2015.

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