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Déchéance de nationalité : majorité recherche compromis

Début février, le projet de réforme de la Constitution arrivera à l’Assemblée nationale. Divisés, les socialistes espèrent toujours un accord avec l’exécutif.

Arthur Nazaret , Mis à jour le
Manuel Valls et Jean-Christophe Cambadélis, ici en juin 2015 au congrès du PS à Poitiers.
Manuel Valls et Jean-Christophe Cambadélis, ici en juin 2015 au congrès du PS à Poitiers. © Reuters

Des errances de rationalité. Sur ce point, au moins, les socialistes sont d'accord. Ils savent qu'avec la déchéance de nationalité pour les binationaux ils se sont piégés tout seuls. Ils ont fracturé une gauche déjà en mauvais état et se sont mis au pied un boulet qu'ils vont traîner jusqu'à la réunion du Congrès à Versailles. Le tout pour une mesure qui ne fera pas reculer le terrorisme. Du coup, plusieurs dirigeants hollandais cherchent encore la synthèse magique tout en souhaitant que la question soit tranchée au plus vite, d'ici lundi ou mardi.

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En milieu de semaine dernière, alors que la piste d'une déchéance pour tous prenait de l'ampleur, Manuel Valls a voulu sonner la fin de la récréation en écartant cette hypothèse pour revenir au texte initial du gouvernement : pas question de faire des apatrides. Samedi, à Évry, le Premier ministre a réaffirmé que le discours de ­Hollande devant le Congrès était "un pacte, un serment", un "bloc [dont] on ne peut pas enlever tel ou tel élément". Un bloc auquel la droite a dit oui. Or pour faire adopter une modification de la Constitution, il faut les trois cinquièmes au Congrès, et donc un compromis avec la droite. Fin de la discussion?

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"Ce n'est pas Valls qui décide, c'est au Parlement de le faire"

"Nous ne sommes pas dans un débat entre l'exécutif et le PS. Le débat parlementaire est libre, mais il faut, avant de convoquer le Congrès, que la réforme soit votée de façon identique dans les deux chambres, dont une, le Sénat, est à droite", rappelle-t-on à l'Élysée. "Sur un sujet comme celui-ci, ce ne peut pas être 'silence dans les rangs', mais il faut aller vite", avertit Didier Guillaume, le patron hollandais du PS au Sénat.

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L'exécutif le sait : la grogne va bien au-delà de l'habituel cercle des frondeurs. "Au sein du groupe, c'est environ 80 contre, 30 pour, et le reste d'indécis", avance un pilier de l'Assemblée nationale. Vendredi, lors d'un repas de travail, une vingtaine de députés PS de la commission des lois se sont réunis pour faire le point. S'il n'y a pas eu formellement de vote, le tour de table a au moins permis un constat : à une très grande majorité, le projet de réforme actuel de la Constitution ne leur convient pas : "Il faut que l'exécutif sache que les plus fidèles des hollandais ne se laisseront pas embarquer là-dedans. Ce n'est pas Valls qui décide, c'est au Parlement de le faire", lance un des convives. "Aucune proposition nette n'est sortie de cette réunion", regrette toutefois un autre député.

Avant Noël, soucieux de trouver une solution, le président de la République avait reçu Claude Bartolone et Dominique Raimbourg, le vice-président de la commission des lois. Devant un François Hollande attentif et ­intéressé, Raimbourg avait plaidé pour une "dégradation républicaine", une peine privative des droits civiques ressemblant fort à l'indignité nationale et susceptible de faire consensus à gauche. Mais le président ne l'a finalement pas retenue.

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"On est du côté obscur du bordel"

Alors, les socialistes moulinent encore. "Valls va devoir atténuer sa position. Sinon, il n'y aura pas de piste d'atterrissage", prévient un député pourtant très loyaliste. "Les textes internationaux prévoient des exceptions sur la question de l'apatridie. La déchéance de nationalité pour tous est la seule solution. Il n'y aurait pas de discrimination entre les Français, et cela respecte ce qu'a dit le président", poursuit-il. "Pour que les binationaux ne se sentent pas stigmatisés, il faut trouver des ­mesures qui amènent plus de sérénité", lance Didier Guillaume, imaginant compléter le projet avec une forme d'indignité nationale pour tous ou alors revenir "à la déchéance pour tous s'il est possible de régler la question de l'apatridie". "Pourquoi, comme le fait Valls, s'enferrer dans la proclamation autoritaire d'une solution et fermer toute possibilité de dialogue?", se demande Christian Paul, l'un des leaders de l'aile gauche du PS. "Nous ne nous opposerions pas à l'indignité nationale", ajoute-t-il.

S'il fallait un signe de plus du malaise socialiste, la fédération de Haute-Garonne - une des plus grosses - vient de voter à ­l'unanimité une résolution refusant la déchéance. D'autres pourraient suivre et amplifier la rébellion de la base. Dès lundi, celle des Hauts-de-Seine doit se prononcer. Le PS, lui, tranchera le 18 janvier, au risque d'arriver après la bataille. "À ce stade, il n'y a pas de majorité au PS pour avaliser le texte du gouvernement", assure un membre de la direction. "C'est une saga comme Star Wars. Il y a tous les jours un épisode, et là on est du côté obscur du bordel", conclut un socialiste dépité.

Source: JDD papier

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