"Les femmes sont des ventres pour faire des bébés" : une mère française échappée de Daech témoigne

Publié le Lundi 11 Janvier 2016
Marie Chaumière
Par Marie Chaumière Journaliste
Une femme assise près de la mosquée Umayyad à Damas, en Syrie
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Dans son livre "Dans la nuit de Daech", Sophie Kasiki, une mère ayant rejoint la Syrie en 2015 raconte la vie d'une femme sous le joug de l'Etat islamique. Partie avec son fils de 4 ans, elle est finalement rentrée en France, où elle a été longuement interrogée par la police lors d'un séjour de deux mois en prison.
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Alors qu'elle cherchait à venir en aide à trois jeunes gens partis en Syrie, Sophie Kasiki (ce n'est pas son vrai nom mais le pseudonyme qu'elle a choisi pour se protéger, ndlr), une éducatrice de 34 ans, s'est laissée petit à petit convaincre de partir à son tour là-bas pour participer à une mission humanitaire. C'est ainsi qu'elle s'est envolée début 2015 pour la Syrie avec son fils âgé de 4 ans. Sophie Kasiki a rapidement déchanté en découvrant la situation à Raqqa et notamment la manière dont les femmes sont traitées par l'Etat islamique. Rentrée en France non sans mal, elle s'est confiée dans un livre qui vient de paraître.

Dans cet ouvrage intitulé Dans la nuit de Daech, Sophie Kasiki raconte notamment comment, lorsqu'elle a voulu quitter le pays après quelque temps à Raqqa, elle été placée d'office dans une mafada, un centre où sont enfermées les femmes mariées à des combattants de l'Etat islamique ou en attente d'être unies à des djihadistes. Les moindres faits et gestes des pensionnaires sont surveillés et les déplacements à l'extérieur du centre sont interdits . Interviewée sur France Inter, voici comment elle décrit la mafada où elle a atterri avec son fils :

"C'était une espèce de crèche pour femmes, avec enfants. Toutes les portes étaient fermées. Les clefs étaient tenues par une espèce de matrone, qui les gardait autour du cou. Elle portait aussi des sangles et des menottes. Dans cette maison, certaines femmes étaient là "déposées" par leurs maris partis au combat. "D'autres étaient là parce que divorcées, d'autres encore attendaient d'être mariées."

Sophie Kasiki insiste sur le contraste saisissant entre les attentes des femmes désireuses d'épouser un djihadiste et la manière dont l'organisation terroriste les considère. Comme elle l'explique à The Observer, "ces femmes occidentales sont vues comme des ventres servant à fabriquer des bébés destinés à se battre pour Daech". Ce romantisme déconnecté des réalités expliquerait en partie le comportement des femmes attirées par la cause djihadiste.

Aussi effrayant, la manière dont les enfants sont conditionnés par Daech. Sophie Kasiki raconte en effet que ceux-ci sont habitués à voir des images atroces comme des décapitations. A la télévision, ces vidéos de propagande sont diffusées en effet en alternance avec des dessins animés à caractère religieux. De retour en France, Sophie Kasiki a découvert avec effroi qu'on avait fait poser son fils avec une arme d'assaut alors qu'elle avait le dos tourné.

Malgré la surveillance étroite au sein de la mafada où elle était parquée, la jeune mère a réussi à s'enfuir avec son fils, profitant du fait qu'une porte du centre était restée ouverte? Elle a ensuite trouvé refuge chez des voisins et a pu rentrer grâce à l'aide de son mari en France.