Il n’y a pas qu’au Festival international de BD d’Angoulême que les femmes sont sous-représentées. C’est ce que montre une rapide analyse des prix les plus prestigieux attribués dans le cinéma, la musique, la photographie, le théâtre, la littérature et de la place que les femmes occupent dans ces palmarès.
Au total, 1 129 récompenses, provenant de onze festivals ou prix différents, ont été compilées depuis leur création. À chaque fois, l’inégalité est notable, même s’il est difficile de la mettre en perspective, par manque de données sur le taux et la vitesse de féminisation de certaines professions.
La BD dominée par les hommes
Même si la sélection officielle du Festival d’Angoulême compte un nombre grandissant d’œuvres réalisées par des femmes, le palmarès reste très inégalitaire. Seules sept femmes ont remporté un Grand Prix (récompensant l’ensemble d’une œuvre) ou le prix du meilleur album – contre 124 hommes depuis la création du festival en 1973.
La profession d’auteur et de graphiste se féminisant (actuellement, les femmes représentent environ 12,5 % des auteurs de romans graphiques), il serait logique de retrouver cette évolution dans le temps. Ce n’est pourtant pas le cas. Les deux Grands Prix féminins datent de 1983 et de 2000.
Concernant les prix des meilleurs albums, ils sont répartis uniformément depuis 1973. La dernière distinction remportée par une femme remonte à 2006, c’est-à-dire il y a dix ans.
Sur les deux récompenses étudiées, il y a 18 fois plus d’hommes que de femmes dans le palmarès du festival.
La palme de l’inégalité pour le cinéma
Le cinéma est le grand vainqueur de la misogynie, si on étudie quatre récompenses internationales majeures : l’Oscar du meilleur film, la Palme d’or du Festival de Cannes, l’Ours d’or du Festival de Berlin et le Lion d’or de la Mostra de Venise.
Sur 320 récompenses, 310 ont été obtenues par des réalisateurs, contre seulement 10 pour des réalisatrices (un Oscar, une Palme d’or, quatre Ours d’or et cinq Lions d’or). Il y a donc 28 fois plus d’hommes que de femmes dans ces quatre palmarès. Et cette sous-représentation ne peut pas totalement s’expliquer par le faible nombre de réalisatrices.
Durant les dix dernières années (2006-2015), les choses se sont améliorées puisque 4 des 41 distinctions ont été obtenues par des réalisatrices, soit à peu près 10 % du total, un chiffre proche de la représentation féminine de la profession.
La proportion de distinctions obtenues par des femmes monte à 12,8 % sur les vingt dernières années (alors qu’elle n’était que de 4 % avant 1975). Ainsi, malgré la très longue domination masculine dans l’histoire du cinéma, la féminisation de ces dernières décennies est prise en compte.
Une tendance lente à la féminisation
On retrouve la même tendance dans les prix littéraires que nous avons choisi d’examiner (le prix Goncourt, le Nobel de littérature et le prix Neustadt). Malgré une importante disparité (224 hommes pour seulement 32 femmes), ces trois prix ont tendance à devenir plus égalitaires avec le temps.
Les distinctions des vint dernières années ont récompensé 18 auteures, soit 4 de plus que durant les quatre-vingt-dix années précédentes. Sur la même période, les hommes ont en revanche reçu deux fois plus de distinctions (40).
Le constat est le même pour les deux prix musicaux retenus (Grammy Award pour le meilleur album et la meilleure chanson) : il y a eu autant de femmes récompensées depuis vingt ans que durant les trente ans qui ont précédé. Depuis 2007, les Grammy Awards de la meilleure chanson ou du meilleur album ont récompensé des auteures et artistes féminines chaque année, à l’exception de 2015.
En revanche, au niveau du théâtre, on ne constate pas de féminisation récente pour les Molières de l’auteur et du metteur en scène, décernés depuis 1987. En effet, les 9 femmes lauréates l’ont toutes été entre 1987 et 2004. Aucune metteuse en scène ou auteure n’a remporté un de ces deux Molières depuis onze ans.
La photographie est quant à elle la discipline la moins inégalitaire parmi les distinctions étudiées. Le palmarès des deux festivals retenus compte toutefois 109 hommes pour 37 femmes, soit tout de même trois fois plus d’hommes que de femmes.
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