In memoriam : Aaron Swartz (1986-2013), un millenial brillant

« Le jeune prodige de l’informatique Aaron Swartz a été retrouvé mort dans son appartement de Brooklyn ce vendredi 11 janvier à seulement 26 ans (…) ». Voilà ce qu’on pouvait lire ou entendre dans tous les médias américains il y a trois ans jour pour jour. Aaron Swartz était un jeune prodige de l’informatique, et surtout un hacktiviste engagé et militant pour les libertés numériques.

Il se fit connaître à l’âge de 12 ans déjà lorsqu’il créa The Info Network – une encyclopédie en ligne à laquelle n’importe quel internaute pouvait contribuer, un précurseur de Wikipédia. Il reçut pour cela l’Ars Digital Prize – prix qui récompensait les jeunes développeurs de sites non-commerciaux –  à l’âge de 13 ans. On lui doit également une contribution essentielle au développement du format RSS alors qu’il n’avait que 14 ans. Il fut respecté et admiré par la communauté informatique dès son plus jeune âge : il donnait des conférences dans des lieux prestigieux comme le Massachusetts Institute of Technology (MIT), où il continua à travailler jusqu’à sa mort. Vous l’aurez compris, Aaron Swartz était bel et bien un prodige.

La défense des libertés numériques : le combat de sa vie

Aaron Swartz était mu par une réelle volonté de changer la société, au niveau politique et numérique. Il s’est battu toute sa vie pour l’accès gratuit et total à toutes sortes de données. En 2008, il téléchargea 2.7 millions de documents juridiques américains, censés être publics et gratuits mais dont le site PACER faisait payer le téléchargement. Il considérait cela comme une injustice car le public devait légalement avoir accès à ces documents gratuitement.

Mais ce qui le révoltait le plus était l’accès payant aux connaissances scientifiques. Pour lui, les articles scientifiques étaient exploités par les éditeurs à des fins uniquement lucratives et il soutenait que la connaissance ne devait en aucun cas être monnayée. En octobre 2010, Aaron Swartz brancha son ordinateur directement sur le réseau internet du MIT, dans la salle de câblage, pour télécharger la quasi-totalité des publications scientifiques – soit 4.8 millions d’articles – disponibles sur JSTOR, une plateforme payante d’archivage en ligne de publications scientifiques. Il sera pris en flagrant délit par une caméra de surveillance installée dans cette salle. De lourds chefs d’accusations sont alors retenus contre lui par un procureur des Etats-Unis et sa surveillance par le FBI confinera au harcèlement. Le procureur requerra une peine pouvant aller jusqu’à 35 ans de prison et une amende de près d’un million de dollars. Le jeune Aron Swartz plaida non coupable, mais ne fut jamais jugé : on le retrouva pendu à son domicile, peu de temps avant son procès. Tout porte à croire que les pressions exercées à son encontre par le gouvernement américain auront été la principale raison de son geste fatal du 11 janvier 2013.

Jugé en exemple ?

Aaron Swartz n’avait pas le projet de vendre les données qu’il avait téléchargées, mais de les rendre disponibles gratuitement. Il ne l’avait même pas encore fait au moment de l’accusation. Et pourtant, la lourdeur de la peine potentiellement requise fut inimaginable et beaucoup dénonceront le gouvernement américain d’avoir voulu faire de l’inculpation du jeune prodige un exemple. Son seul « crime » aura été de vouloir rendre la connaissance accessible pour que tout un chacun puisse l’utiliser et participer à sa production. Défendre la noble cause de la liberté numérique et de l’accès à la connaissance fut le combat de sa courte vie, et ce millenial brillant aurait certainement continué à se battre pour cette cause encore bien longtemps.


 

Photographie: Sage Ross – Flickr

Elio Panese

Elio Panese, étudiant en Master d'études du développement à l'Institut de hautes études internationales et du développement (Graduate Institute). Il est passionné d’écriture et souhaite partager et analyser différents sujets avec son expérience et sa vision de «Millennial».