Un test de mémoire à la garderie permet de cibler les enfants qui sont le plus à risque de décrochage au secondaire, selon une nouvelle étude montréalaise. Ses auteurs suggèrent d'incorporer des exercices pour ce type de mémoire à la maternelle et durant l'école primaire.

« Il est étonnant de voir que la mémoire de travail mesurée à un si jeune âge a des impacts aussi importants 10 ans plus tard », explique l'auteure principale de l'étude publiée dans la revue Intelligence, Caroline Fitzpatrick, de l'Université Concordia. « On s'en doutait à cause d'une autre étude sur les mêmes enfants, quand ils étaient en 1re année. Mais il reste que l'effet est plus grand que le sexe et comparable aux effets de l'intelligence. »

Les chercheuses de Concordia suivent 1800 enfants nés en 1997 et en 1998 au Québec, qui ont fait des tests de mémoire de travail à 29 et 41 mois. La mémoire de travail est un type de mémoire à très court terme - par exemple, montrer un jouet à un enfant de 3 ans et lui demander d'aller en chercher un semblable dans la pièce voisine. Elle permet notamment de suivre les consignes d'un travail en classe. « On traite un ou deux morceaux d'information pour les manipuler mentalement pendant une brève période de temps », explique Mme Fitzpatrick, qui enseigne aussi la psychologie à l'Université Sainte-Anne, en Nouvelle-Écosse.

Le risque de décrochage au secondaire était évalué en 1re secondaire à partir de plusieurs indicateurs, notamment le fait d'avoir doublé une année au primaire. Les chercheuses montréalaises ont considéré que le risque était élevé quand il atteignait 30 %, deux fois plus que la moyenne de l'échantillon.

Introduire des exercices

L'avantage avec la mémoire de travail, c'est qu'on peut l'exercer, et qu'à partir d'un certain point, elle atteint un plateau. « Le statut socioéconomique des enfants a un impact cinq fois plus important sur le risque de décrochage que la mémoire de travail à 3 ans, dit Mme Fitzpatrick. Mais il est difficile d'intervenir à l'école sur ce facteur. Et si on introduit des exercices pour la mémoire de travail en maternelle et au début du primaire, on ne va pas augmenter l'écart entre les élèves moins performants et les autres, parce que la mémoire de travail plafonne à un certain point. »

Des exercices d'amélioration des « fonctions exécutives » - la capacité de suivre des directives et d'inhiber son comportement pour accomplir une tâche - aident aussi la mémoire de travail, selon Mme Fitzpatrick. Les jeux de rôle au préscolaire favorisent aussi la mémoire de travail, parce que l'enfant doit se souvenir du rôle qu'il joue. 

Il n'existe pas de test diagnostique pour la mémoire de travail, mais les problèmes sont facilement décelables, selon Mme Fitzpatrick : « On parle d'enfants pour qui les informations entrent par une oreille et sortent de l'autre. »

Les enfants de la cohorte que suivent les chercheurs de Concordia ont maintenant 16 ans et sont actuellement réévalués. Le suivi continuera jusqu'à l'âge de 20 ans pour tenir compte des « raccrocheurs » qui reprennent leurs études secondaires après avoir décroché.