La lutte française contre le financement du terrorisme freinée par l’UE

Même si un plan d'action est attendu pour février, l'exécutif a prévenu qu'il faudrait plus de temps pour trouver un juste équilibre dans les propositions. [Colville-Anderssen]

La volonté de la France d’intensifier la lutte contre le financement du terrorisme risque de se heurter à la prudence des institutions européennes et des États membres lors d’une réunion des ministres des Finances le 15 janvier.

Le Conseil Ecofin permettra de tenir un premier débat sur la manière de stimuler la coopération entre les services de renseignement financier des États membres dans leur lutte contre le financement du terrorisme.

Les ministres européens vont examiner les moyens sophistiqués utilisés par les terroristes pour obtenir des financements à travers l’Europe et au-delà.

Paiements électroniques et monnaies numériques dans le viseur

Cela inclut le transfert d’or et de métaux précieux et le commerce illicite de biens culturels volés en Irak ou en Syrie. Les terroristes utilisent aussi les paiements électroniques et les monnaies numériques (comme le Bitcoin et les applications de téléphone portable), ou encore des cartes prépayées, comme celles utilisées en novembre à Paris, pour de petits paiements.

C’est le premier échange de points de vue depuis que le ministre français des Finances, Michel Sapin, a soumis ses propositions en décembre, pour tarir les sources financières des groupes terroristes.

>> Lire : Pourquoi la France reste seule ou presque en première ligne face aux terroristes

Le vice-président de la Commission européenne pour l’Euro et le dialogue social, Valdis Dombrovskis, avait alors annoncé qu’il présenterait des « suggestions détaillées » dans les semaines suivantes, qualifiant la lutte contre le financement du terrorisme de « priorité absolue ».

La France est largement soutenue dans sa volonté de combattre le financement du terrorisme, ont déclaré à l’unisson plusieurs sources. Néanmoins, certains responsables nationaux et européens ne souhaitent pas mettre en place ces nouvelles règles aussi rapidement que le souhaiterait Paris.

Doutes sur les aspects juridiques

Sous couvert d’anonymat, des sources européennes ont déclaré à EURACTIV que l’Autriche s’inquiétait de certains aspects juridiques des propositions françaises. Le Royaume-Uni aurait averti du risque de surrèglementation dans des domaines comme les monnaies virtuelles.

Londres estime que les contrôles devraient se concentrer sur les transactions où l’argent est converti en monnaie virtuelle et vice et versa, et non sur les transactions quotidiennes.

Un diplomate français a expliqué que l’intention du gouvernement français était de maintenir la dynamique de lutte contre le terrorisme. « Nous voulons réagir rapidement et avec ambition », a assuré la source française.

Un plan d’action en février

La Commission a l’intention de présenter un plan d’action en février, afin d’esquisser les initiatives des prochains mois. Cependant, pour certains responsables, il est pour l’instant « trop tôt » pour proposer une loi. Une nouvelle série de règles « nécessiterait de trouver le juste équilibre » pour éviter de tomber dans la surréglementation, a déclaré Vanessa Mock, porte-parole de la Commission pour les services financiers.

Dans des cas comme celui des cartes prépayées, la Commission est consciente du problème posé par l’anonymat des utilisateurs, mais des règles excessives pourraient pénaliser le secteur, défend l’exécutif.

La direction générale de la Commission pour la stabilité financière, les services financiers et l’union des marchés des capitaux a envoyé un questionnaire aux gouvernements nationaux avant les vacances de Noël afin de les sonder sur les domaines qu’ils souhaiteraient réguler davantage. Seule une poignée d’États membres a répondu à ce jour et attend le premier échange de position lors de la réunion Ecofin avant de formaliser leur point de vue par écrit.

La Commission discute aussi avec le secteur des services de paiement sur de possibles solutions techniques pour régler le problème du financement du terrorisme.

>> Lire : Peut-on gagner une guerre contre Daech ?

En décembre dernier, les dirigeants européens ont appelé la Commission et le Conseil à « agir rapidement contre le financement du terrorisme », et à mettre en place le gel des avoirs et « d’autres mesures restrictives ». Les dirigeants ont placé la priorité sur le « renforcement et, si besoin, le prolongement des mesures pour s’attaquer aux activités de Daech à travers l’UE ».

Après les attentats terroristes de Madrid en 2004, l’Union européenne a renforcé tous les aspects de sa lutte contre le terrorisme, donc le financement du terrorisme.

Suivre les transactions financières est un moyen efficace de localiser les terroristes et de contrer leurs activités.

Les autorités de régulation ont jusqu’à présent appliqué des techniques de lutte contre le blanchiment d’argent pour localiser les fonds des terroristes. Elles souhaitent également renforcer la transparence des transactions financières et des entités juridiques pour que les terroristes aient plus de difficultés à collecter des fonds.

La Commission européenne a mis en place des initiatives visant à empêcher de tels financements : une coopération améliorée sur les échanges d’information, une plus grande traçabilité des transactions financières et une plus grande transparence des entités juridiques.

  • Février : La Commission européenne doit présenter son plan d’action pour combattre le financement du terrorisme.

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