La tante du petit Syrien retrouvé mort noyé sur une plage de Turquie en 2015 s'est dite «dégoûtée» par une récente caricature du magazine satirique français Charlie Hebdo.

Tima Kurdi, de Vancouver, s'est tournée vers Twitter, jeudi, pour critiquer la caricature dépeignant son neveu de deux ans comme un agresseur sexuel en devenir. Elle affirme avoir fondu en larmes lorsqu'elle a vu le dessin.

Dans cette caricature, le dessinateur Riss (Laurent Sourisseau) demande: «Que serait devenu le petit Aylan s'il avait grandi?». À côté: une bulle où l'on voit le cadavre de l'enfant, face contre le sable, comme l'a montré la photo devenue tristement célèbre.

Plus bas, deux hommes courent, les mains tendues, derrière des femmes paniquées. «Tripoteur de fesses en Allemagne», conclut le caricaturiste, en référence aux agressions sexuelles commises la veille du jour de l'An à Cologne, qui ont été attribuées par certains à des migrants nouvellement arrivés en Allemagne.

Le petit Aylan Kurdi est mort noyé, tout comme sa mère et son frère, en septembre dernier, alors que sa famille tentait d'effectuer une dangereuse traversée de la Méditerranée avec d'autres réfugiés. Seul le père a survécu dans la famille de quatre.

La photo du garçon, inanimé et face contre terre sur une plage de la Turquie, a fait les unes du monde entier et marqué un point tournant dans la crise des réfugiés, notamment pour l'opinion publique.

«C'est très douloureux, d'utiliser la photo de ce garçon innocent. Ils sont allés trop loin», a dit Tima Kurdi, en entrevue depuis la banlieue de Vancouver.

«Nous tentons de mettre cela derrière nous. Pourquoi veulent-ils nous rappeler notre douleur?»

Le dessinateur Adrian Raeside, vieux routier de la caricature politique en Colombie-Britannique, estime que l'utilisation de l'image de l'enfant n'était pas nécessaire et que Charlie Hebdo discrédite ainsi le travail de caricaturiste.

«Pour être honnête, il est allé beaucoup trop loin. Un enfant mort? S'il-vous-plaît», s'est-il exclamé.

«J'espère que cela ne donnera pas mauvaise réputation aux caricaturistes éditoriaux.»

M. Raeside s'est donné une règle lorsqu'il dessine pour les journaux: quiconque n'est pas entré de son plein gré dans la vie publique ne fait pas partie de ses oeuvres. La femme et les enfants d'un politicien, par exemple, n'ont pas choisi d'être sous les projecteurs, il ne les caricaturera donc pas.

La caricature controversée est publiée un an après l'attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, à Paris, qui avait fait 12 morts et plusieurs blessés. Le dessinateur Riss avait été lui-même blessé à l'épaule par les tireurs.

Le magazine était la cible constante des attaques verbales et judiciaires de musulmans qui ne lui pardonnaient pas de publier des caricatures mettant en scène Mahomet, alors que l'islam interdit toute représentation du prophète.

Des abonnés de Twitter ont cependant répondu à Tima Kurdi qu'elle «doit apprendre qu'en Occident la liberté d'expression existe encore», ou que «Charlie Hebdo vise tout le monde, sans crainte et sans passe-droits - c'est là le propre de la liberté d'expression».

Photo La Presse Canadienne