Le mercato (culturel) de François Hollande

Château de Versailles, BNF, musée d'Orsay... Le chef d'État joue au DRH en chef pour nommer les futurs dirigeants d'une dizaine de lieux prestigieux.

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C'est à croire qu'une succursale de Pôle emploi spécialisée dans le  secteur de la culture vient de s'ouvrir au cœur même de l'Élysée...
C'est à croire qu'une succursale de Pôle emploi spécialisée dans le secteur de la culture vient de s'ouvrir au cœur même de l'Élysée... © AFP

Temps de lecture : 5 min

C'est à croire qu'une succursale de Pôle emploi, spécialisée dans le secteur de la culture, vient de s'ouvrir au cœur même de l'Élysée. Une dizaine de postes de dirigeants sont en effet à pourvoir dans les prochaines semaines, à la tête de lieux de prestige : Réunion des musées nationaux-Grand Palais (fin janvier), théâtre de la Colline (février), musée d'Orsay (mars), Bibliothèque nationale de France (mars), Château et domaine de Versailles (octobre)... Et qui décide, en dernier ressort, qu'untel atterrira là et un autre là ? François Hollande. « Il décide de tout, tout seul, peste un très bon connaisseur du sujet. En novembre, la nomination de Stéphane Braunschweig à la tête du théâtre de l'Odéon s'est faite en vingt-quatre heures à l'Élysée, sans consulter personne. » Quelques autres parachutages récents rappellent que le chef de l'État ne diffère guère de ses prédécesseurs. En septembre 2015, la nomination de Muriel Mayette, passée d'un coup de baguette presque magique de la Comédie-Française à la Villa Médicis, à Rome, avait beaucoup fait jaser le petit monde de la culture, et pour cause. « C'est Manuel Valls, dont elle est une proche, qui avait dit : Il faudra lui trouver quelque chose. » Comme quoi, Hollande est ouvert à la discussion : il entend les doléances des uns et des autres.

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Autre exemple, autre motivation avec l'arrivée assez tourmentée de Serge Lasvignes à la tête du centre Pompidou. En mars, cet énarque, alors secrétaire général du gouvernement, est appelé à la surprise assez générale à remplacer Alain Seban. Le patron de Pompidou, dont le bilan est reconnu, espère alors un troisième mandat. C'est sans compter sur les besoins du pouvoir : il veut nommer Marc Guillaume secrétaire général du gouvernement, Lasvignes doit donc céder sa place, et tant pis pour Seban, victime collatérale de ce jeu de chaises musicales.

Hollande cajole les chiraquiens

Désormais, dans le grand jeu qui s'ouvre en ce début d'année, Alain Seban compte retrouver une chaise – enfin, un fauteuil. « Il s'est senti insulté, donc il veut autre chose », confie un observateur du milieu. Seban a une qualité (entre autres) : il est chiraquien, une famille que François Hollande se plaît à cajoler. Quelques espoirs lui sont donc autorisés. Il serait notamment candidat à la Réunion des musées nationaux-Grand Palais, comme l'est aussi Olivier Poivre d'Arvor. « OPDA est candidat à tout ! » ricane un observateur. Ses compétences et son expérience plaident pour lui, comme son penchant à gauche. C'est aussi le cas de Christophe Girard, maire du 4e arrondissement, qui a déjà fait acte de candidature pour diriger, lui aussi, la Réunion des musées nationaux-Grand Palais. Le 15 octobre, Christophe Girard a même présenté son projet aux DRH du secteur, François Hollande, Manuel Valls et Fleur Pellerin, ministre de la Culture. Décidément très convoitée, la RMN-Grand Palais pourrait échoir à Valérie Vesque-Jeancard, actuelle numéro deux, ou à Sylvie Hubac, ex-directrice de cabinet de François Hollande à l'Élysée. Sylvie Hubac a deux atouts dans sa manche : elle est une femme, donc, et énarque de la promotion Voltaire, le plus précieux des sésames en Hollandie.

Le jeu de chaises musicales actuel pourrait favoriser quelques personnes inattendues, pour des raisons tout aussi inattendues. Laurence Engel est ainsi pressentie pour prendre la tête du plus convoité de ces lieux de prestige, la Bibliothèque nationale de France. Elle a sans doute des qualités, puisqu'elle dirigea, notamment, le cabinet d'Aurélie Filippetti au ministère de la Culture, et dirigea les affaires culturelles de Paris sous Delanoë. Elle est aussi la compagne d'Aquilino Morelle, conseiller de François Hollande évincé de l'Élysée en 2014. Le disgracié menace depuis plusieurs mois de publier un livre ravageur sur le chef de l'État ; nommer sa compagne à la tête de la BNF serait donc, colporte Paris, une façon de le ramener à la raison. Laurence Engel doit être blindée : lorsqu'elle avait été nommée, en 2012, directrice de cabinet de Filippetti, on disait que c'était... grâce à son compagnon.

À la tête du client

Au début du quinquennat, Aurélie Filippetti avait tenté de concrétiser l'un des engagements du candidat Hollande : ne plus s'immiscer dans les nominations à ce type de postes sensibles. Elle avait mis sur pied une commission, avec mise en concurrence des candidats, appel à projets, etc. La promesse a fait long feu. « Aujourd'hui, à quelques jours de certaines nominations, personne ne sait comment les candidats seront choisis », constate un acteur important du monde de la culture. Un autre est encore plus direct : « On nomme des gens qui n'ont jamais dirigé une MJS, juste parce qu'ils sont des amis du pouvoir. »

Les règles en vigueur n'arrangent rien. Prenons la limite d'âge. Elle varie selon les établissements, et la règle est ou non contournable. Dans certains lieux, le mandat entamé peut être achevé même si son patron a dépassé la limite ; dans d'autres établissements, c'est impossible. Il est donc facile de soupçonner le pouvoir d'agir en fonction de la tête du client... Laurent Bayle, président de la Philarmonie de Paris, aurait été d'ores et déjà reconduit à la tête de l'établissement de la Villette, par dérogation (il a 64 ans). En l'espèce, la plupart des observateurs s'accordent à penser que cette dérogation est justifiée.

La multiplication des candidatures se comprend aisément. Lustre, entregent et rémunérations rondelettes caractérisent ces postes. Le directeur de la BNF est par exemple classé « Hors échelle E », ce qui dans le dernier échelon de la grille indiciaire équivaut à 6 112 euros brut par mois, un traitement qui, grâce aux diverses primes et négociations avec Bercy, est souvent multiplié par... deux, selon une source gouvernementale. On comprend pourquoi tant de candidats piétinent devant la porte de l'Élysée.

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Commentaires (34)

  • Phoqoland

    Et ses seigneurs locaux ressemble au roi nu. Il va perdre son trône, toute sa cour avec.
    Vivement 2017. Nous aurons un immense plaisir à assister à des procès.

  • unpeudesens

    Notre pseudo-république démocratique est plutôt une vraie royauté avec un chef de l'état qui décide seul de faire la guerre à quiconque, de nommer les petits marquis du système ou les laquais. En résumé, d'un côté on est collectiviste et de l'autre parfaitement ancien régime. Il ne faut pas s'étonner que les partis qui nous gouvernent depuis des décennies perdent des électeurs... Pourvu que ça dure !

  • Regard 13

    Sans la photo du motard casqué nous aurions également Julie Gayet promue à la villa Médicis. Comme quoi, le talent finit toujours par payer.
    NB : pour être talentueux, il faut être de gauche et de préférence proche du Calamistré.