Plusieurs dirigeants de l'opposition ukrainienne ont annoncé samedi 25 janvier au soir devant les milliers de manifestants à Kiev qu'ils entendaient poursuivre leur mouvement de protestation, en dépit des propositions faites par le président Viktor Ianoukovitch pour tenter de régler la crise. A l'issue des négociations du jour, ils ont assuré qu'ils resteraient mobilisés jusqu'à ce que toutes leurs exigences soient satisfaites.
« La lutte continue », a lancé le nationaliste Oleg Tiagnibok, tandis que l'ex-boxeur Vitali Klitschko a clamé qu'il ne voulait pas « reculer ». Les opposants demandent une élection présidentielle dès cette année, et non en 2015 comme prévu actuellement, tout en réitérant leur totale opposition aux lois anti-manifestations controversées, deux points absents des propositions du président.
DES POSTES AU GOUVERNEMENT ET UNE AMNISTIE
Le président a proposé une amnistie pour les manifestants arrêtés ces deux derniers mois, à condition que les bâtiments publics à Kiev et en région soient libérés, ou encore une révision du régime de détention provisoire, très critiqué ces jours-ci et au cœur des soupçons de disparition d'activistes, placés abusivement en détention sans pouvoir communiquer avec l'extérieur. Des propositions jugées insuffisantes par l'opposition, alors que les forces de l'ordre ont été accusées de brutalités, notamment après la diffusion de photos et vidéos montrant des exactions contre des manifestants.
Le président Viktor Ianoukovitch a par ailleurs accepté la création d'un groupe de travail chargé de « modifier la législation sur les référendums et peut-être, par ce mécanisme, de proposer des amendements à la Constitution ».
Dernier point : les opposants n'ont pas totalement écarté la proposition de nommer deux d'entre eux à la tête d'un gouvernement aux pouvoirs élargis. Arseni Iatseniouk, chef du parti de l'opposante emprisonnée Ioulia Timochenko, s'est vu proposer le poste de premier ministre, et l'ex-boxeur Vitali Klitschko, celui de vice-premier ministre chargé des affaires humanitaires, selon la présidence. Deux postes qui, en l'état, auraient été précaires en l'absence de renouvellement de la majorité au Parlement.
UN PIÈGE ?
La proposition du président Ianoukovitch ressemblait en fait à un piège : si les opposants avaient accepté, les manifestants de Maïdan les auraient accusés de trahison. S'ils avaient définitivement refusé, le pouvoir les aurait rendus entièrement responsables d'un éventuel pourrissement de la situation. C'est donc pour ne pas donner l'impression de fuir ses responsabilités que l'opposition n'a pas formellement rejeté l'offre de diriger le gouvernement, laissant entendre qu'elle pouvait revoir sa position si Viktor Ianoukovitch faisait de nouvelles propositions.
Les concessions de Viktor Ianoukovitch laissent penser que la mobilisation en région, qui s'est étendue en quarante-huit heures à un grand nombre de villes ukrainiennes, a joué un rôle important. Le président n'a certes pas plié sur les deux principales demandes des manifestants – son départ et la tenue d'élections anticipées – mais il s'est montré inquiet et forcé de faire quelques concessions.
ASSAUT CONTRE UN BÂTIMENT DE KIEV
Dans la soirée, la place de l'Indépendance s'est vite clairsemée après le discours des chefs de parti, alors que se propageait le bruit d'affrontements violents à une centaine de mètres de là. Des manifestants ont en effet pris d'assaut le bâtiment du Centre de congrès international de Kiev, situé place de l'Europe, où se sont installées quelques heures plus tôt les forces spéciales « Berkout ».
Craignant de se faire attaquer depuis cette place, des centaines d'hommes (la plupart membres des « comités de défense de Maïdan ») jetaient des pierres et des cocktails molotov à l'intérieur du bâtiment de la « Maison ukrainienne », ce à quoi les forces spéciales répondaient en tirant des grenades assourdissantes. La police a aussi actionné des canons à eau par près de – 20 °C, transformant les abords du bâtiment en patinoire.
Après avoir brisé des vitres, des manifestants ont réussi à pénétrer cet ancien musée, certains d'entre eux jusque dans son hall. Ils ont ensuite cessé leur assaut et formé un corridor pour laisser sortir les forces spéciales en criant « honte » et « dehors ». Mais ceux-ci sont restés à l'intérieur.
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