Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?
Offrir Le Monde

Robert Ménard, deux ans de mandat et de polémiques à Béziers

Dernière initiative en date du maire, la création d’une « garde biterroise » a été suspendue par le tribunal administratif de Montpellier.

Le Monde avec AFP

Publié le 19 janvier 2016 à 20h17, modifié le 20 janvier 2016 à 07h50

Temps de Lecture 8 min.

Depuis l’élection du fondateur de Reporters sans frontières à la tête de Béziers, en mars 2014, les polémiques s’accumulent.

Robert Ménard, le maire de Béziers, a perdu devant la justice administrative, mardi 19 janvier, une première manche de son bras de fer contre le préfet de l’Hérault au sujet de sa « garde biterroise ». Saisi par la préfecture, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a suspendu l’exécution de la délibération du conseil municipal de Béziers datée du 15 décembre créant cette garde controversée.

Le juge précise faire « application d’une jurisprudence constante selon laquelle la police administrative constitue un service public qui, par sa nature, ne saurait être délégué ». Qualifiée de « milice » par les opposants de l’édile, la garde était censée regrouper des volontaires patrouillant dans les rues de Béziers dans un « contexte marqué par l’état d’urgence ».

Mais cette polémique n’est qu’une de plus sur longue liste qui prend forme depuis l’élection du fondateur de Reporters sans frontières à la tête de la mairie de Béziers, en mars 2014.

  • Décembre 2015 : critique de la « garde musulmane » protégeant l’église de Béziers

A l’occasion de la messe de minuit, des musulmans de Béziers protègent l’église de la ville. Mais cette initiative symbolique n’est pas du goût de l’édile.

« Ainsi donc la messe de Noël (…) s’est tenue sous la prétendue “protection” d’un groupe de musulmans (…) dirigé par deux activistes connus pour leur engagement fondamentaliste et anti-israélien. Depuis quand ces pyromanes protègent des incendies ? »

Face à cette réaction, Mehdi Roland, président de l’association Esprit libre et cultures solidaires, se dit « très en colère ».

« Ça fait des années, bien avant que Robert Ménard soit ici, qu’on fait des efforts pour l’interreligieux. C’est un peu dommage que tout ce travail soit toujours sapé. »

L’association SOS-Racisme annonce d’ailleurs son intention de porter plainte contre M. Ménard, qu’elle accuse de vouloir « attiser la haine envers les musulmans, collectivement qualifiés de “pyromanes” ».

  • Octobre 2015 : guerre contre les kebabs biterrois

Autre attaque contre les musulmans de sa ville, la présence supposée trop importante des kebabs dans Béziers. Pour M. Ménard, élu avec le soutien du Front national et de Debout la République, ces commerces ne sont pas dans « notre culture » ou « dans notre tradition judéo-chrétienne ». Dans un reportage d’Envoyé spécial diffusé en octobre sur France 2, M. Ménard annonce ainsi vouloir interdire l’ouverture de nouveaux restaurants de kebabs dans le centre historique de Béziers.

  • Mai 2015 : polémique autour du journal municipal tapageur
Depuis l’élection de Robert Ménard, le journal municipal frappe par le choix de photos et de sujets tapageurs.

D’ordinaire les journaux municipaux sont réputés pour être assez consensuels et ne pas faire de vagues. Mais à Béziers, depuis mars 2014, le mensuel, devenu bimensuel, frappe par ses choix de photographies et de sujets tapageurs.

En mai 2015, le journal défend l’édile à la suite de la polémique sur le fichage des musulmans (voir plus bas). Un dossier de six pages est consacré à l’arrivée de réfugiés en France avec comme titre : « Il ne faut plus interdire de parler des chiffres de l’immigration », et une photo de mères de famille voilées emmenant leurs enfants à l’école.

Quelques pages plus loin, un article vante les résultats de la police municipale face aux « voyous ». La mise en scène se veut spectaculaire : la photographie d’une interpellation emplit l’espace, saturé de couleurs tape-à-l’œil.

Un précédent numéro du bimensuel invitait les Biterrois à « méditer » sur « le temps pas si lointain où tous les enfants de France, quelles que soient leurs origines, récitaient en cœur nos ancêtres les Gaulois ». M. Ménard se justifie :

« Je voulais faire un journal populaire. Les journaux municipaux classiques ne sont pas lus. Les gens dans les villages alentour le demandent. Ça montre bien que nous ne sommes pas à côté de la plaque. »

La « une » du numéro du 15 septembre 2015 est spectaculaire et montre de nombreux migrants s’apprêtant à monter dans un train à destination de Béziers. Or, cette image est un photomontage fait à partir du cliché d’un photographe de l’Agence France-Presse (AFP) pris en Macédoine. En septembre, l’AFP assigne en justice la ville de Béziers et son maire. Mais pour M. Ménard ces photos ont été régulièrement retravaillées.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés A Béziers, du théâtre, malgré tout
  • Mai 2015 : querelle sur des prétendues statistiques ethniques

Lors de l’émission « Mots croisés », sur France 2, l’ancien patron de Reporters sans frontières donne un pourcentage du nombre d’enfants de confession musulmane dans les écoles de la ville. Relancé par un chroniqueur de l’émission, il tente de se justifier :

« Il y a “64,6 %” d’élèves de confession musulmane dans les écoles publiques de Béziers. Ce sont les chiffres de ma mairie. Pardon de vous dire que le maire a les noms, classe par classe, des enfants. Je sais que je n’ai pas le droit, mais on le fait. (…) Les prénoms disent les confessions. Dire l’inverse, c’est nier une évidence. »

Mais, quelques jours après, la mairie fait volte-face. Sur son compte Facebook, elle dément avoir constitué un quelconque « fichier des enfants scolarisés dans les écoles publiques de la ville », affirmant que le seul qui existe est celui « recensant les élèves des écoles publiques de la ville » dressé par « l’éducation nationale ».

Malgré ce revirement, le procureur de la République de Béziers ouvre une enquête préliminaire pour tenue illégale de fichiers en raison de l’origine ethnique. Des perquisitions suivent à la mairie, et M. Ménard est entendu près d’une heure par la police. Deux mois après l’émission, le parquet de Béziers annonce que l’enquête est classée sans suite.

  • Mars 2015 : mise à l’honneur de l’« Algérie française »
Il n’y a plus à Béziers de rue du 19-Mars-1962, date des accords d’Evian, qui ont mis fin à la guerre d’Algérie.

Il n’y a plus à Béziers de rue du 19-Mars-1962, date des accords d’Evian, qui ont mis fin à la guerre d’Algérie. M. Ménard procède, en mars 2015, au changement de nom de cette rue. Elle porte désormais le nom de rue Commandant-Hélie-de-Saint-Marc, en mémoire à l’officier mort en 2013 et dont le nom reste associé à la torture en Algérie et au putsch des généraux en 1961.

Newsletter
« Politique »
Chaque semaine, « Le Monde » analyse pour vous les enjeux de l’actualité politique
S’inscrire

Près de deux mille enthousiastes, anciens parachutistes, militaires ayant fait la guerre d’Algérie et membres de l’Association amicale pour la défense des intérêts moraux et matériels des anciens détenus et exilés politiques de l’Agérie française (Adimad), ont fait le déplacement. M. Ménard déclare :

« Non, je ne veux plus que nous soyons dans la repentance, je veux dire notre vérité à ceux qui armaient le bras des assassins des harkis, aux bourreaux qui nourrissent encore une haine de la France. (…) Pour nos frères musulmans, il ne faut pas occulter la réalité de notre histoire, Hélie de Saint-Marc était de ceux qui pouvaient mourir pour des idées, pour eux. »

Cinq jours après ce changement de nom, le 19 mars, date anniversaire des accords d’Evian, M. Ménard met les drapeaux de sa ville en berne.

  • Février 2015 : des affiches pour annoncer l’armement de la police municipale
En février 2015, Robert Ménard décide d’armer sa police municipale.

C’était une de ses promesses de campagne. En février 2015, M. Ménard décide d’armer sa police municipale. Le maire le fait savoir par des affiches posées partout dans la ville montrant un pistolet, accompagné du slogan : « Désormais la police municipale a un nouvel ami. Armée 24h/24 et 7j/7 ».

Cette annonce a valu au maire de la ville d’être vertement critiqué par Bernard Cazeneuve, le ministre de l’intérieur, qui a dénoncé dans un communiqué « la tonalité délibérément provocatrice de la campagne ».

  • Décembre 2014 : victoire judiciaire pour conserver la crèche de Noël dans la mairie

Pour ses premières fêtes de Noël à la tête de Béziers, M. Ménard installe une crèche à l’intérieur de l’hôtel de ville. La Ligue des droits de l’homme et un Biterrois saisissent alors la justice pour atteinte à la laïcité.

Pour ses premières fêtes de Noël à la tête de Béziers, Robert Ménard installe une crèche à l’intérieur de l’hôtel de ville.

Mais sept mois plus tard, en juillet 2015, le tribunal administratif de Montpellier valide l’installation de cette crèche. D’après le juge administratif, si la crèche « a une signification religieuse », elle ne peut être « regardée comme ayant le caractère revendiqué de symboles de la religion chrétienne ». Cela contredit les conclusions du rapporteur public, qui estime que la crèche porte atteinte à la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et l’Etat.

  • Octobre 2014 : un projet de livre sur Béziers par Renaud Camus avorté

Six mois après le début de son mandat, M. Ménard souhaite confier à l’écrivain Renaud Camus la rédaction d’un livre sur la ville. M. Camus est très connu dans les milieux d’extrême droite. Il a été condamné en avril 2014 pour provocation à la haine religieuse et à la violence.

C’est également lui qui, depuis 2010, développe la théorie du « grand remplacement ». Mais les deux hommes ne se sont pas mis d’accord sur le montant des droits d’auteur. Le projet est donc suspendu.

  • Juillet 2014 : un couvre-feu imposé aux mineurs
Dès le début de son mandat, Robert Ménard multiplie les arrêtés prévoyant des sanctions contre les incivilités sur la voie publique.

C’est la mesure le plus polémique de son début de mandat. Dans un arrêté, l’édile de Béziers prévoit que les mineurs de 13 ans ne pourront circuler de 23 heures à 6 heures « du 15 juin au 15 septembre, durant les week-ends et les périodes de vacances scolaires (…) sans être accompagnés d’une personne majeure ».

« En cas d’urgence ou de danger immédiat pour lui ou pour autrui, tout mineur de moins de 13 ans pourra être reconduit à son domicile ou au commissariat », ajoute l’arrêté. Si au départ M. Ménard souhaite sanctionner par une amende les jeunes fautifs, il opte finalement pour des poursuites pénales contre les parents.

  • Mai 2014 : retour des blouses pour les écoliers

Le maire de Béziers annonce son intention d’offrir une blouse à tous les écoliers de la ville (maternelle et primaire), qu’ils soient en école publique ou privée. Mais l’initiative fait un flop : seule une école privée dirigée par une proche du maire l’a finalement adoptée.

« Les syndicats d’enseignants n’en voulaient pas, mais je suis sûr que, si on faisait un référendum, il y aurait une majorité », se défend l’élu. Pourtant, selon le quotidien Midi Libre, le fournisseur a livré mille deux cent cinquante blouses à la ville, qui n’ont donc pas été utilisées.

  • Avril 2014 : ni crachats ni linge aux fenêtres, ni paraboles ni crottes de chien

Dès le début de son mandat, M. Ménard multiplie les arrêtés prévoyant des sanctions contre les incivilités sur la voie publique : interdiction d’accrocher du linge aux fenêtres, balcons et façades dans le centre de la ville au nom de son « attractivité économique et touristique ».

L’arrêté municipal interdit aussi « de battre les tapis par les fenêtres après 10 heures du matin ». Les crachats, les crottes de chiens ou encore l’installation de paraboles sont également sanctionnés par une amende.

Le Monde avec AFP

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.