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Syrie: WhatsApp et talkies-walkies pour prévenir des raids aériens russes

Des avions de combat russes (Sukhoi) sur la base militaire syrienne de Lattaquié, le 16 décembre 2015

© PAUL GYPTEAU

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Par RTBF d'après AFP

Dans le nord-ouest de la Syrie, Abou Mohammad scrute le ciel et lance l'alerte par téléphone: "Attention! Un avion russe vient de décoller et se dirige vers vous". Quelques minutes plus tard, des militants locaux dans la province de Lattaquié exhortent les civils à se cacher dans des abris ou des tunnels.

Abou Mohammad envoie ses messages par l'application mobile WhatsApp à un réseau de coordonnateurs civils et rebelles à travers la Syrie en guerre qui ont choisi de se faire appeler "les surveillants".

Postés près des aéroports militaires, ces guetteurs du ciel utilisent des talkies-walkies pour prévenir militants, médecins et rebelles de l'imminence d'une attaque.

Ils épient les routes empruntées par les avions et cherchent à intercepter les conversations de leurs adversaires afin de connaître les cibles vers lesquelles se dirigent les appareils russes et syriens.

"Observateur 20"

Craignant des représailles, les "surveillants" ne divulguent jamais leur nom, ni le lieu exact où ils se trouvent. Les cellules d'observation sont simplement identifiées par des numéros comme "Observateur 20" ou "Observateur côtier 3".

Abou Mohammad, un nom d'emprunt, a toutefois accepté de parler à l'AFP à condition que son identité ne soit pas révélée.

Sa mission, dit-il, s'est compliquée depuis le début le 30 septembre de l'intervention militaire de la Russie, qui a déployé avions et soldats sur la base militaire de Hmeimim, au sud de la ville de Lattaquié.

Talkies-walkies et minarets

Les organisations des droits de l'Homme accusent régulièrement le gouvernement de bombardements aveugles. La Russie est elle aussi pointée du doigt dans la mort de victimes civiles, ce qu'elle dément en assurant ne viser que les jihadistes du groupe terroriste État islamique (EI) et autres "terroristes".

Un autre guetteur de la région de Lattaquié, Abou Amro (un nom d'emprunt), atteste que le réseau n'est pas affilié à des groupes rebelles spécifiques. "L'idée est de protéger les civils et les rebelles des bombardements. Ces surveillants sont vraiment nécessaires", explique-t-il à l'AFP par WhatsApp.

Les guetteurs agissent comme une chaîne. Lorsque des avions russes décollent de Hmeimim, ils préviennent leurs homologues des provinces vers lesquelles ils se dirigent, qui vont à leur tour avertir les militants locaux et les rebelles.

Sur le terrain, les principaux intéressés jurent que ces alertes sont essentielles.

Dans la province centrale de Homs, le militant Hassan Abou Nouh compte beaucoup sur les alarmes l'informant que des avions de guerre se dirigent vers sa localité de Talbissé, régulièrement bombardée par les avions russes et syriens.

"Quand le régime a commencé à frapper les cités avec ses avions et hélicoptères, les militants ont réfléchi aux moyens de protéger les civils. Ils ont décidé de relier les talkies-walkies aux haut-parleurs installés sur les minarets des mosquées", raconte Hassan Abou Nouh.

Les avertissements peuvent ainsi être entendus dans toute la cité. "Attention: un hélicoptère chargé de barils d'explosifs est entré dans notre espace aérien par l'est. Quittez les rues et les espaces publics", met ainsi en garde une alerte.

"Vie ou mort"

Dans la province septentrionale d'Alep, les habitants et les volontaires de la défense civile utilisent des talkies-walkies pour communiquer sur les raids, affirme le militant Adel Bakhso.

Les systèmes d'écoute et de surveillance près de sa ville Andane ont été mis en place il y a trois ans et sont devenus cruciaux quand les forces gouvernementales ont commencé à lancer des barils d'explosifs en 2014.

"En 2014, Andane et les villages voisins étaient frappés quotidiennement par au moins 10 barils d'explosifs ainsi que par des raids. Les guetteurs et la défense civile ont joué un rôle extraordinaire en prévenant les gens sur l'arrivée des hélicoptères", assure Adel Bakhso.

Aussitôt l'alerte donnée, les habitants de localités comme Andane ou Talbissé ont entre cinq à sept minutes pour se mettre à l'abri ou fuir vers des villages environnants.

Selon Adel Baksho, le conseil local d'Andane a construit cinq nouveaux abris renforcés par des blocs de ciment, dont certains sous terre.

L'intervention de Moscou a créé de nouveaux défis pour les guetteurs, qui essaient de décoder les messages russes. "Au bout d'un certain temps, ils exercent non seulement une surveillance oculaire mais réussissent à crypter les codes utilisés par les Russes", assure Hassan Abou Nouh.

Pour lui, "ces alertes sont une question de vie ou de mort pour les habitants".

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