La politique d'innovation française est généreuse (mais trop complexe)
Le nombre de dispositifs de soutien à l’innovation a été doublé en France, passant de 30 à 62 entre 2000 et 2015. La commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation s’inquiète du saupoudrage des moyens.
Depuis quinze ans, la France fait un effort massif en faveur de l’innovation des entreprises. Entre 2000 et 2015, les montants que l’Etat y consacre sont passés de 3,5 à 8,5 milliards d’euros par an.
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source1728.24 =
Décembre 2023
Smic brut mensuel - moyenne annuelle
en €/mois
136.1 =
Décembre 2023
Indice mensuel du coût horaire du travail révisé - Salaires et charges - Tous salariés - Industrie manufacturière (NAF rév. 2 section C)
base 100 en décembre 2008
114.8 =
Octobre 2022
Indice du coût du travail - Salaires et charges - Industrie (NAF rév. 2 sections B à E)
Base 100 en 2016
En y ajoutant l’effort des autres collectivités locales, ce sont près de 10 milliards annuels qui sont réorientés vers le soutien à l’innovation des entreprises.
Au sein des pays de l’OCDE, la France se hisse ainsi sur le podium de tête des plus gros contributeurs, juste derrière la Canada et la Corée.
Depuis 2000, le mode d’intervention de l’Etat s’est cependant profondément transformé, selon le premier rapport dressé par la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation, mise en place en 2014.
Le nombre de dispositifs d'aides a l'innovation a doublé en 15 ans
Mais la commission pointe surtout "l’inflation et l’instabilité" des dispositifs de soutien aux entreprises. En quinze ans, le nombre de dispositifs de soutien à l’innovation a quasiment doublé. Ils sont passés de 30 en 2000, à 62 en 2015.
"Dans l’innovation, il faut être un peu foisonnant car il faut combler les trous d’un eco-système incomplet. Mais dans un certain nombre de domaine, on a superposé les logiques et on a créé trop de complexité", analyse Jean Pisani-Ferry, le président de la commission mise en place en 2014, qui s’est attaché à dresser le panorama des dispositifs existants au niveau national et régional.
L’arrivée notamment de nouveaux acteurs ces dernières années, avec la création du Commissariat général à l’investissement - pour piloter les investissements d’avenir - puis de Bpifrance, a abouti à renforcer le millefeuille des outils existants pour les entreprises.
"Il est difficile de penser que l’État a la capacité de piloter de manière cohérente un ensemble de 63 dispositifs ", souligne le rapport.
Pour les entreprises, la succession rapide des réformes de certains dispositifs ont aussi renforcé la complexité. C’est notamment le cas pour le dispositif de jeune entreprise innovante, dont le statut a été toiletté à quatre reprises depuis 2010. Résultat: cette instabilité risque de décourager certaines PME de recourir aux outils pourtant existants.
Au final, la politique d'innovation pourrait donc ne pas profiter aux entreprises les plus innovantes mais surtout à celles qui profitent de l'effet d'aubaine. "Seuls certains acteurs, qui s’organisent à cette fin, parviennent à tirer parti de la multiplicité de canaux de soutien", pointe le rapport.
Une perte d'efficacite des fonds publics
La commission d’évaluation s'inquiète aussi du saupoudrage de plus en plus important des moyens. Dans le paysage de la politique d'innovation française, un instrument domine : le Crédit d'impôt recherche (CIR). Alors que la France avait majoritairement recours à des aides directes et des subventions en 2000, le CIR représente désormais près de 60 % de l’effort de soutien à l’innovation de la France à lui seul.
En y consacrant 0,26 % du PIB, la France dispose d’ailleurs de l’instrument fiscal le plus avantageux de l’OCDE. L’augmentation du nombre de dispositifs de soutien à l’innovation s’est traduite par une baisse des moyens budgétaires alloués à chacun. En dehors du CIR et des allègements sociaux JEI notamment, les dotations ont été divisées en moyenne par trois pour chaque dispositif, reculant de 126 millions à 37 millions d'euros en moyenne en 2015.
Mais pour l’instant le rapport ne donne pas de recommandations, les experts suggèrent quelques pistes, en réclamant une meilleure cohérence des actions menées par l’Etat et les régions, dont les compétences se sont accrues dans ce domaine, ou en appelant à une réduction du nombre de dispositifs. Le prochain rapport devrait aller plus loin dans ce sens.
Solène Davesne
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