Depuis les agressions du soir du Nouvel an à Cologne, les initiatives de plusieurs pays européens pour distiller des conseils aux nouveaux arrivants prennent une nouvelle dimension. Les relations sociales, notamment entre hommes et femmes, sont souvent abordées, avec plus ou moins de tact. La plupart du temps, ces recommandations s'inscrivent dans des guides plus larges sur le mode de vie qui ne concernent pas uniquement l'égalité des sexes, mais évoquent aussi bien l'alimentation, que la liberté de culte, en passant par la manière de se saluer. Tour d'Europe de quelques initiatives.
"Certaines femmes trouvent sympa d'être sifflées"
En Belgique, quelques jours à peine après les événements de Cologne, le secrétaire d'Etat à l'Asile et à la Migration Theo Francken a proposé de mettre en place des cours de "bonne conduite" pour les migrants, rapportait Le Soir. L'homme politique, du parti populiste N-VA dans la coalition au pouvoir, disait vouloir copier le modèle norvégien et "introduire ces cours dans les prochaines semaines dans tous nos centres d'accueil", dans le cadre d'une formation globale sur "différents aspects" de la société belge, allant "des règles de circulation aux relations sexuelles".

Un exemple de guide qui doit être présenté aux demandeurs d'asile en Belgique.
© / Fedasil
Deux semaines plus tard, des exemples du PowerPoint que le gouvernement veut mettre en place ont été dévoilés. Dans les conseils distillés sur le site de l'agence fédérale pour l'accueil des demandeurs d'asile, on peut notamment lire: "Siffler les femmes: certaines femmes trouvent ça sympa, d'autres pas". Le guide donne aussi des conseils de comportements en public, et conseille aux migrants de "parler doucement". Ces recommandations ont suscité un certain remous dans le plat pays, le secrétaire d'Etat étant à la fois taxé de racisme et de sexisme, rapporte Le Soir.
Des guides "pas impolis, mais sincères"
En Allemagne, de nombreuses associations, fondations et administrations ont publié des guides ces derniers mois pour palier l'absence de documents officiels, plaident certains. Le journal Die Welt a ironisé sur l'un de ces livrets en ligne (édité notamment par des étudiants et doctorants). Il n'est pas "pas impoli, mais sincère", comme les Allemands. Le quotidien s'amuse de la description de la consommation d'alcool, "normale surtout en soirée", "ce que les coupables de Cologne auront remarqué d'eux-mêmes". Il estime aussi que certains rappels de bonne conduite ne feraient pas de mal à "certains supporters de football".
Par ailleurs, le site de la radio publique Bayerische Rundfunk, installée en Bavière, a publié en octobre un petit guide en ligne, en arabe. Une image, montrant un homme toucher les fesses d'une femme, appelle au "respect pour les femmes, indépendamment de leur [habillement]. Cela vaut aussi pour les hommes allemands", est-il précisé.
Ce petit guide, aux allures de brochure de sécurité aérienne, a été moqué, notamment par le blogueur et humoriste libanais Karl Sharro, qui s'est empressé de le détourner.
D'autres guides sont publiés, par de nombreux associations et fondations. La fondation Konrad Adenauer, liée au parti au pouvoir la CDU, propose depuis le 5 novembre (soit bien avant les événements de Cologne) un ouvrage d'une centaine de pages à destination des réfugiés arabophones. La question de l'égalité entre hommes et femmes est distillée tout au long du livre. Un point particulier aborde les "relations humaines". "La plupart des femmes allemandes n'apprécient pas être abordées de manière trop offensive ("draguées"). Lors de la première rencontre, on préfère rester en retrait", peut-on y lire.
FranceTVinfo, qui a rencontré des bénévoles (féminines) de la Croix Rouge en Allemagne, explique que les activités quotidiennes sont l'occasion d'aborder la question tout en précisant que dans un foyer de réfugiés (masculins), "l'atmosphère est amicale et respectueuse" envers les femmes.
Des cours de relations hommes-femmes
En Norvège, depuis cinq ans déjà, on dispense dans des cours des conseils par des cas concrets. Une société privée, qui gère une bonne partie des centres d'accueil du pays, aborde notamment les "zones grises", les cas où le consentement est parfois difficile à appréhender. Ces cours s'intègrent dans une formation d'ensemble, qui permet notamment d'apprendre le norvégien, précise France 2.
Des formations sont aussi disponibles dans d'autres pays scandinaves. En Finlande, la BBC a assisté à un "cours de manières et de culture", auxquels les migrants se portent volontaires. On leur y parle des libertés des femmes, des sorties en boîte de nuit, du mariage libre, ... Ce qui, selon la radio britannique, en étonne quelques-uns. Au Danemark, la question s'est posée de mettre l'accent sur cette question dès le mois d'octobre, après un viol collectif d'une Erythréenne par trois autres réfugiés. La mise en place de cours obligatoires de "valeurs occidentales" a été débattue au parlement, rapportait The Independent. Après Cologne, la question se fait plus pressante dans la classe politique. Pendant ce temps, la Croix rouge aborde déjà la question dans ces centres d'accueil.
En Suisse, une membre socialiste du Conseil national voudrait que les réfugiés prennent des cours de relations hommes-femmes, rapporte 20 Minutes. Certaines questions, comme celle du mariage des mineurs, sont notamment abordées dans des centres de réfugiés, mais l'accent n'est pas particulièrement mis sur ce point.
L'égalité au milieu d'une formation de six heures
En France, aussi, la question de l'égalité hommes-femmes fait partie depuis longtemps des préoccupations de l'intégration des étrangers. L'Office français de l'intégration et de l'immigration dispense une formation obligatoire pour certains étrangers, le Contrat d'accueil et d'intégration. Une "formation civique" de six heures est notamment prévue, la question de l'égalité hommes-femmes y étant abordée, parmi beaucoup d'autres.