Menu
Libération
Récit

Nouvelle disparition gênante pour Pékin

Le journaliste et militant des droits de l'homme chinois Li Xin a disparu en Thaïlande le 11 janvier. Refusant d'espionner pour le compte de la Chine, il était en fuite et cherchait l'asile politique.
par Arnaud Vaulerin, correspondant au Japon
publié le 26 janvier 2016 à 11h05

Elle a décidé de briser le silence pour alerter sur le sort de son mari porté disparu depuis le 11 janvier. He Fangmei a indiqué qu'elle était sans nouvelle de Li Xin depuis cette date, redoutant que ce journaliste chinois en quête d'asile politique ait été kidnappé par des agents de Pékin. Le 10 janvier, alors qu'il allait prendre un train de Bangkok à Nong Khai, dans le nord thaïlandais, près de la frontière avec le Laos, Li Xin avait eu l'occasion de parler avec sa femme. «Je quitte le train et me dirige vers la frontière», lui écrivait-il quelques heures plus tard dans un SMS alors qu'elle dormait.

Après, «je n'ai plus entendu un mot de lui, a confié He Fangmei au New York Times, lundi. Maintenant, la Thaïlande et la Chine se renvoient la balle et bottent en touche.» Le week-end dernier, la police thaïlandaise n'écartait pas la possibilité de mener une enquête si la femme du journaliste déposait plainte. Mais le ministère des Affaires étrangères a indiqué ce mardi n'avoir aucune information au sujet du journaliste chinois.

Cette disparition est la dernière en date d'une longue liste d'enlèvements d'activistes, de religieux, d'avocats, de libraires qui alimentent les soupçons d'implication des autorités de Pékin, de plus en plus soucieuses de faire taire les voix critiques. Quand elles ne menacent pas ouvertement les ressortissants étrangers.

Long passé d’activiste 

Aux yeux de Pékin, Li Xin est beaucoup plus qu'un simple journaliste. Il a fui la Chine pour l'Inde il y a quatre mois où il est venu chercher un asile politique qu'il n'a pu avoir. Il pourrait avoir pensé à gagner l'Occident pour obtenir refuge. Une fois à New Delhi, il a révélé son passé d'informateur pour le gouvernement. Li Xin a raconté à la presse comment il avait été contraint d'espionner des journalistes et des militants sous peine d'emprisonnement. Les autorités chinoises disaient vouloir l'inculper pour espionnage à la solde de Taïwan, l'île dissidente dont l'indépendance de fait irrite Pékin. Li Xin aurait transmis des informations à Taïpei sur le contrôle d'Internet par la Chine. Selon Radio Free Asia, Li Xin aurait même été incarcéré en juin 2013. Les autorités chinoises lui reprocheraient également des messages de soutien au militant aveugle Chen Guangcheng.

Car Li Xin, 37 ans, outre son activité d'éditorialiste au quotidien tabloïd Southern Metropolis Daily, a un long passé d'activiste pour les droits de l'homme et la société civile. En 2008, aux côtés de 300 intellectuels et militants chinois, il avait signé la Charte 08, manifeste exigeant des réformes politiques en Chine populaire et la construction d'un mouvement démocratique. Ce texte a valu la prison à son principal auteur, Liu Xiaobo, incarcéré en 2009, puis récompensé par un Prix nobel l'année suivante. Les signataires de cette charte figurent désormais sur une liste noire des autorités chinoises.

Refusant d'espionner plus et redoutant une incarcération en Chine, Li Xin a donc fini par fuir son pays en octobre dernier. «J'avais très peur, avait-il confié à l'agence Associated press à New Delhi. Ils pourraient me ramener en prison à tout moment. […] Je ne voulais pas travailler pour eux, mais je sentais que je n'avais pas le choix. Je crois qu'il y a beaucoup de gens comme moi qui travaillent pour le compte de ce gouvernement autoritaire. Mais je ne peux pas être l'un d'entre eux.» Après avoir essuyé un refus d'asile de l'Inde et de visa touristique pour les Etats-Unis, il avait donc gagné la Thaïlande, jadis un refuge régional pour les opposants des dictatures.

Collaboration des autorités thaïlandaises avec la Chine

Mais depuis le coup d’état du général Prayuth Chan-ocha, en mai 2014 en Thaïlande, le vent a tourné. La disparition de Li Xin pourrait bien montrer, une fois de plus, la grande collaboration des autorités thaïlandaises avec le régime chinois dans le transfert secret d’activistes et d’opposants à la Chine. Les putschistes de Bangkok, en quête de reconnaissance diplomatique et de soutiens économiques, multiplient les gestes vis-à-vis de Pékin.

Ces derniers mois, les Thaïlandais ont déporté de nombreux militants religieux (Ouïghours essentiellement), des dissidents, sans oublier un libraire de Hongkong, Gui Minhai. Sa réapparition devant les caméras de télévision chinoise pour une confession aussi lacrymale que risible en dit long sur les méthodes de Pékin pour verrouiller toute critique.

Pour aller plus loin :

Dans la même rubrique