A Paris, au cÅ?ur du bidonville en sursis

    LE FAIT DU JOUR. Dans le XVIIIe arrondissement, plus de 300 Roms et Roumains sont sous le coup d'une expulsion. Ils réclament un terrain pour pouvoir y construire leurs logements.

    Boulevard Ney, Paris (XVIIIe), le 10 janvier. Ces quelque 90 cabanes ont été construites sur les voies ferrées inutilisées de la ligne de la petite ceinture, propriété de SNCF Réseau.
    Boulevard Ney, Paris (XVIIIe), le 10 janvier. Ces quelque 90 cabanes ont été construites sur les voies ferrées inutilisées de la ligne de la petite ceinture, propriété de SNCF Réseau.
    (LP/Philippe Lavieille.)

      C'est un bidonville, le seul de la capitale, au-dessus duquel pèse une épée de Damoclès. Sous le coup d'une décision de justice prise au mois de septembre dernier, le gigantesque campement qui s'est installé depuis plusieurs mois sur les voies ferrées de la petite ceinture parisienne (appartenant à SNCF Réseau), entre les portes des Poissonniers et de Clignancourt (XVIIIe ), est expulsable dès ce mardi. Plus de 300 Roms et Roumains, chassés d'autres campements franciliens, ont construit depuis le mois de juin, sur le ballast et les rails désormais inutilisés, des dizaines de cabanes, dans lesquelles la vie s'organise, en contrebas, loin des yeux, mais sous les pieds des centaines de passants qui longent chaque jour le boulevard Ney.

      Mais le bidonville de la petite ceinture a décidé de se battre, avec un projet à la clé qui vient d'être présenté à la mairie de Paris : construire des maisonnettes modulaires, avec le soutien financier de l'Europe. Pour retrouver une vie digne. Réunis au sein de l'association les Bâtisseurs de cabanes, et soutenus par différents collectifs, parmi lesquelles RomParis, ces hommes et ces femmes ont soumis à la Ville une liste de terrains qui pourraient accueillir leur futur « village ».

      Faciliter l'accès au travail

      Une initiative que l'entourage de la maire (PS), Anne Hidalgo, affirme regarder avec intérêt, tout en réservant sa réponse. « Nous souhaitons qu'elle soit argumentée, assure-t-on à l'Hôtel de Ville. C'est pourquoi nous attendons le retour d'expérience de différentes communes, notamment La Courneuve (NDLR : Seine-Saint-Denis), pour donner notre position, dans une quinzaine de jours. Nous nous interrogeons également sur l'opportunité de pérenniser un camp. » Pour Olivier Legros, maître de conférences à l'université de Tours, qui coordonne un programme de recherche sur les effets des politiques publiques envers les Roms, « le bidonville n'est pas la panacée, mais c'est une solution. C'est surtout la question de l'accès au travail qui est primordiale ».

      Environ 10 000 Roms vivent en Ile-de-France pour une population estimée, en France, entre 15 000 et 20 000 personnes â?? les autres se répartissent entre Lille, Marseille ou Lyon. En région parisienne, « il y a eu une baisse drastique des Roms en Seine-Saint-Denis depuis 2013 et une augmentation dans le Val-d'Oise, la Seine-et-Marne et autour du périphérique parisien », constate Grégoire Cousin, anthropologue, alors que leur nombre est globalement stable.

      Ils attendent un terrain et des financements

      Les habitants du camp de la petite ceinture veulent sortir dignement du bidonville. Pour tenter d'y parvenir, l'association des Bâtisseurs de cabanes a vu le jour le 17 décembre dernier avec un objectif : trouver un terrain où pourraient être édifiés de petits bâtiments modulaires. Le projet, qui vient d'être soumis à la mairie de Paris, propose de construire une « soixantaine de logements familiaux », sous la forme « de maisonnettes sur sol ou roues, démontables et transportables », souligne le collectif RomParis, qui a travaillé avec l'aide d'architectes et de spécialistes de l'insertion. Il s'agirait pour les concepteurs d'associer les Roms à la construction de ces logements, ce qui leur donnerait des compétences permettant ensuite une insertion par le travail. Le projet, évalué entre 2 et 3 Mâ?¬, pourrait bénéficier d'un financement européen dans le cadre du fonds pour la construction d'habitats dignes à destination des populations marginalisées.

      La balle est dans le camp de la mairie de Paris

      Mais il ne peut se réaliser que si la Ville de Paris apporte son soutien, tant dans la recherche d'un terrain que par sa participation au financement complémentaire et à la trésorerie. A la mairie, on se félicite du désir d'insertion, tout en soulignant que la priorité est « de sortir les gens du campement plutôt que de le consolider ».

      « Si un terrain est trouvé, ailleurs que sur les voies ferrées, les personnes qui vivent ici sont parfaitement capables de construire leur maison : le camp compte des charpentiers, des forestiers, des gens qui ont des compétences en architecture... souligne André Feigeles, secrétaire adjoint de l'association. Les Roumains ont une grande expérience des constructions en bois. Le projet ne leur semble pas du tout insurmontable, loin de là. Ce qu'ils veulent, c'est retrouver leur dignité. Avoir un toit, pour vivre avec leur famille. » L'association, dans l'attente d'une réponse de la Ville, a demandé la tenue d'une seconde réunion avec les habitants du campement de la petite ceinture.