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Libération
La guerre des gaufres

Vexés par Donald Trump, les Belges répliquent

Dans un entretien à la télévision, le candidat à la primaire républicaine a qualifié Bruxelles de «trou à rats». Les Belges, anonymes ou artistes, comme Arno, ont moyennement apprécié.
par Alexandre Hervaud
publié le 28 janvier 2016 à 20h35

Mardi matin, la chaîne américaine Fox Business diffusait un entretien de Donald Trump avec la journaliste Maria Bartiromo, enregistré la veille. Au cours de l'émission, le candidat à la primaire républicaine est interrogé sur sa proposition farfelue d'interdire aux musulmans de pénétrer le territoire des Etats-Unis. Pour la justifier, le milliardaire évoque la situation en Europe, comme l'a relevé le New York Times : «Il se passe quelque chose, Maria. Allez à Bruxelles, allez à Paris, allez dans différents endroits. […] Il n'y a pas d'assimilation. […]. Si vous allez à Bruxelles – j'y suis allé il y a longtemps, il y a vingt ans, c'était joli, tout est très joli – c'est comme vivre dans un trou à rats maintenant».

Précisons que «trou à rats» est l'expression francophone choisie par les médias belges pour traduire le terme «hellhole» (trou infernal, littéralement) employé par Trump. Car la déclaration n'est évidemment pas passée inaperçue en Belgique, et notamment à Bruxelles, la capitale européenne, objet de toutes les attentions depuis les attentats de Paris organisés en partie depuis le quartier de Molenbeek.

Sur Twitter, le hashtag #hellhole n'a pas tardé à être utilisé par les internautes belges pour interpeller Trump et vanter, parfois de manière décalée, leur capitale. Une fournée d'exemples a été compilée par Le Soir. Ci-dessous, une conseillère parlementaire adresse au candidat une photo de la Grand-Place de Bruxelles en lui demandant s'il s'agit là d'un «trou à rats».

D’autres internautes ont plutôt opté pour le LOL gaufrier.

Ce jeudi, le chanteur flamand Arno a adressé à Donald Trump une lettre ouverte, initialement publiée en néerlandais sur le site de Het Laatste Nieuws, et dont le média francophone la Libre Belgique propose une traduction. Dans ce texte, qui traite Trump d'homme «dangereux» et de «psychopathe» avant de le comparer à Hitler et Staline, Arno vante le multiculturalisme de Bruxelles : «Nous sommes plus d'un million à habiter dans cette ville où l'on rencontre le monde entier et où toutes les nationalités se côtoient et s'entremêlent. Parfois, je rentre chez moi le soir sans me souvenir dans quelle langue s'est déroulée ma dernière conversation.» Et l'art de vivre (bien) arrosé : «Je connais des cafés et des bars dont les propriétaires ont paumé la clé de la porte d'entrée il y a des années. Nous avons notre cul dans une énorme motte de beurre ici, mec.»

Le chanteur poursuit en évoquant l'aspect moins reluisant de Bruxelles : «En même temps, je ne mentirai pas : Bruxelles est probablement la ville la plus laide au monde. C'est un gros bordel, et ça pue la merde. Mais c'est l'odeur d'une bonne merde. […] Bruxelles est une "sale beauté". Oui, il y a plein de trucs qui ne tournent pas rond ici, chaque grande ville a ses problèmes. Il y a beaucoup de jeunes chômeurs d'origine étrangère, il y a du racisme partout : chez les blancs-bleus belges, mais aussi dans d'autres communautés. Des gros cons, on en trouve partout : aucune communauté ne pourra en revendiquer l'exclusivité. Pour moi, la rue appartient à tous ceux qui ont deux narines, qu'il soit juif, arabe, eskimo ou africain. Peut-être as-tu peur de tous ces gens, et est-ce pour cela que tu dis que Bruxelles est l'enfer ?»

Arno conclut sa lettre par une critique de la couverture médiatique «sous influence» de Molenbeek, d'ailleurs mis en avant cette semaine dans un reportage de la chaîne américaine CBS qui n'est pas passé inaperçu en Belgique. «Molenbeek est devenue plus célèbre que la Belgique. Et quand je réponds que là aussi, il y a de l'eau qui sort des robinets, oui, on me regarde bizarrement.»

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