Alex Descas a incarné de 2009 à 2012 le héros de la série "Un flic" d'Hugues Pagan. (Capture d'écran)

Alex Descas a incarné de 2008 à 2012 le héros de la série "Un flic" d'Hugues Pagan. (Capture d'écran)

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Mauvais coup de pub à Hollywood. La semaine dernière, l'actrice Jada Pinkett Smith, son époux Will Smith et le réalisateur Spike Lee ont protesté contre l'absence de personnalités noires dans la sélection, pour la seconde année consécutive aux Oscars. Résultat: ils boycotteront la cérémonie. Et en France? Le cinéma est-il mieux loti en matière de diversité?

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L'Express a interviewé Alex Descas, à l'affiche de Phedre(s) aux côtés d'Isabelle Huppert au théâtre de l'Odéon, à Paris. Le comédien s'est illustré dans des films populaires comme Chocolat avec Omar Sy, dans le cinéma d'auteur et a incarné pendant cinq ans le héros de la série de France 2 Un flic. En 30 ans de carrière, il s'est efforcé d'éviter les rôles caricaturaux, souvent proposés aux acteurs noirs ou issus de la diversité. Son constat est sans appel: les rôles pour ces derniers sont encore trop rares.

Quel regard portez-vous sur cette polémique sur les Oscars?

Alex Descas: Malheureusement, ce n'est pas nouveau aux Etats-Unis. C'est aussi le cas du Royaume-Uni. Idris Elba- pressenti un temps pour incarner le prochain James Bond, ndlr- a aussi dénoncé fin janvier la faible présence d'acteurs noirs. En France aussi, il y a trop peu de comédiens noirs que ce soit au cinéma, au théâtre ou à la télévision. La réalité cinématographique ne correspond pas à la réalité sociale. Et lorsque l'on voit des acteurs issus de la diversité, les personnages sont caricaturaux. Je ne suis pas sûr que les choses évolueront du jour au lendemain.

S'il y a peu d'acteurs et d'actrices noires sélectionnés aux Oscars ou aux Césars, n'est-ce pas simplement parce qu'ils sont peu nombreux?

C'est un argument fallacieux. Si on ne leur propose pas de rôle, il ne risque pas d' y avoir des acteurs ou d'actrices noires, ou simplement issus de la diversité. Durer dans le métier est compliqué. Vous ne pouvez pas passer votre vie à attendre. Beaucoup finissent par changer de voie.

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Vous a-t-on beaucoup proposé de rôles caricaturaux?

J'ai rapidement fait en sorte de refuser ce que je surnomme "ces rôles serpillières". Ce sont souvent des caricatures ou des partitions sans intérêt. Humainement, ils sont très difficiles à jouer. Si on doit interpréter un personnage africain et antillais, on se demande où le réalisateur et le scénariste vont chercher de telles idées. Certes, la fiction est ouverte mais le problème repose sur le fait que la vision proposée est décevante. Avec ce type d'interprétation, on est loin de se sentir grandi. Mais refuser ce type de rôles revient à perdre des opportunités et moins travailler.

Vous avez tourné beaucoup de "films d'auteur". Est-ce une façon d'échapper à ces rôles stéréotypés?

Cela s'est fait au gré des rencontres, avec des personnes comme Claire Denis, Olivier Assayas, Sharunas Bartas. Elles étaient plus ouvertes et proposaient des rôles plus justes, plus "vrais". Lorsqu'en 1989, j'ai tourné S'en fout la mort sous la direction de Claire Denis, les cinéastes ne proposaient pas, à l'époque, des premiers rôles à des comédiens noirs.

La situation a-t-elle évolué?

Je discutais récemment avec un talentueux comédien de 35 ans. J'ai été étonné d'apprendre qu'il il ne travaillait pas du tout. Je pensais que les gens de ma génération auraient ouvert des routes pour les jeunes comédiens mais la voie est toujours aussi étroite. La situation reste sensiblement la même, à quelques exceptions près.

Vous jouez justement dans Chocolat de Rochdy Zem, avec Omar Sy. Pensez-vous que son succès aidera à faire avancer la question de la diversité au cinéma?

Omar Sy est incontournable: c'est un excellent comédien. Son succès contribuera à faire évoluer les esprits. En revanche, il ne doit pas être l'arbre qui cache la forêt.

Comment expliquer ce conservatisme du cinéma, notamment en France?

Certains cinéastes sont peut-être déconnectés des réalités. Ou bien, ils montrent à l'écran ce qu'ils ont envie de voir. Les acteurs issus de la diversité ne doivent pas attendre les opportunités. Je leur conseille d'écrire leurs histoires, de réaliser des films, de créer leurs projets, bref de se donner les moyens d'obtenir ce qu'ils souhaitent.

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