Zelalem Gemmeda s’approche avec une assiette de riz, d’épinards, de pommes de terre et de galettes éthiopiennes : « Chez nous, on offre toujours à manger quand on reçoit… » Nous ne sommes pas à Addis-Abeba, mais à Buffalo, « ville des bons voisins » en bordure du Canada où l’on vient d’ordinaire admirer les chutes du Niagara.

Buffalo, aux États-Unis, remercie ses immigrés

Zelalem est l’une des dix-huit responsables d’entreprises qui s’activent, ce samedi soir, au West Side Bazaar, une pépinière de commerces créés par des réfugiés. S’y côtoient des vendeurs de textiles et d’accessoires et des restaurateurs vendant leurs produits à une clientèle diverse de fillettes voilées, de mamans asiatiques ou de couples branchés. « Nous sommes arrivés ici en 2005, sourit Zelalem. Tout le monde se montre accueillant. Je ne me sens pas étrangère ici », sourit Zelalem.

Le déclin de la population stoppé grâce aux immigrés

Buffalo fait partie de ces villes américaines, de plus en plus nombreuses, qui accueillent les réfugiés et les immigrés en faisant fi des discours anti-immigrés entendus lors de la campagne électorale qui vient de débuter dans l’Iowa. Ici, les arrivants ont participé à la relance d’une économie locale plombée par le déclin industriel. Et si la population a enfin augmenté (+ 0,4 %) entre 2010 et 2014 dans le comté, elle le doit à l’immigration.

« L’accroissement de la population fut une grande nouvelle. Nous ne sommes plus en déclin », se félicite Eva Hassett, responsable d’International Institute of Buffalo, qui aide les nouveaux venus. La mairie a senti la manne économique et fiscale. Elle s’est dotée d’un Bureau pour faciliter l’intégration de ces nouveaux Américains, et sur Grant Street, une artère moribonde il y a dix ans, des réfugiés d’Irak, de Birmanie ou du Sud-Soudan ont ouvert des commerces, acheté des appartements. « Ils ont en eux l’esprit d’entreprise, d’autant qu’ils ont souffert de privations », témoigne Ben Bissell, directeur de WEDI, l’organisme qui propose des ateliers et des micro-financements au sein du West Side Bazaar.

Les préjugés sont tombés

Aujourd’hui, dans cette ville d’environ 260 000 habitants, les immigrés pèsent 8 % de la population, le double d’il y a dix ans. Avec leur arrivée, les défis n’ont pas manqué. Le système scolaire peine encore à intégrer des enfants non anglophones, et il a fallu venir à bout des préjugés. Comme l’explique Ann Brittain, membre de l’association Catholic Charities of Buffalo, « certains habitants ont craint pour leur travail, leur logement, avant de se rendre compte qu’ils n’auraient pas dû avoir peur ».

David Lubell, directeur de Welcoming America, un réseau de villes « accueillantes » dont fait partie Buffalo, ne dit pas autre chose en évoquant la « déconnexion » entre la rhétorique anti-immigration dans les débats nationaux et la réalité locale : « De plus en plus de villes réalisent que l’immigration a des bienfaits économiques, moraux et sociaux. La tendance va se poursuivre », veut-il croire.