Pourquoi le prix du billet d'avion ne descend pas aussi rapidement que le cours du pétrole?
Le pétrole, nécessaire à la fabrication du kérosène, le carburant des avions, représente 30 à 40 % des coûts des compagnies. En un an et demi, son cours a chuté de près de 70%. Voici pourquoi cette décote n'est pas inscrite sur votre ticket.
- Publié le 02-02-2016 à 11h20
- Mis à jour le 02-02-2016 à 11h28

Vous l'aurez sans doute constaté : si la chute des prix pétroliers est spectaculaire, celle des prix des billets d'avion l'est beaucoup moins. En un an et demi, le cours de l'or noir a chuté de près de 70 %, alors que les prix des tickets d'avion n'ont diminué que de 10, au mieux 15 % dans le même laps de temps en Europe. Pourtant, le pétrole - nécessaire à la fabrication du kérosène, le carburant des avions - représente 30 à 40 % des coûts des compagnies. Voici pourquoi cette décote n'est pas inscrite sur votre ticket.
1. La plupart des compagnies n'achètent pas au prix du marché. Si le baril de pétrole se négocie aujourd'hui autour des 30 dollars, peu de compagnies l'achètent à ce prix plancher. En fait, la plupart des transporteurs aériens ont des stratégies de "hedging" (couverture de risque) pour se prémunir d'une hausse des cours. Ce procédé permet ainsi aux compagnies de négocier un prix d'achat fixé à l'avance (parfois 18 mois). Comme dans les sociétés de trading, le système, coûteux, comprend la possibilité d'options ou de s'assurer aussi contre la volatilité du change : le pétrole se négociant en dollars. Cette stratégie peut faire s'envoler une compagnie ou la couler. Le hedging "agressif" de la low cost Southwest lui a permis de gagner des parts de marché aux États-Unis lorsque le pétrole grimpait au début des années 2000. A contrario, une trop forte couverture a contribué à mettre la compagnie Japan Airlines en faillite lorsque le baril a brusquement chuté en 2009. Une autre option pour se préserver de la volatilité des cours est celle de racheter une… raffinerie, comme l'a fait la compagnie américaine Delta.
2. Pourquoi Ryanair paie plus cher qu'Air France. A ce jeu petit jeu des stratégies, ce sont actuellement les compagnies les moins couvertes qui sont en train de gagner le gros lot. Air France-KLM, dont la couverture de risque était faible en 2015, aurait ainsi gagné, en un an, près de deux milliards d'euros en misant sur un pétrole bas. Les gains doivent aussi être colossaux pour Emirates (Dubaï) qui ne pratique plus le hedging depuis 2009. A contrario, plusieurs compagnies low cost bénéficient moins de cette chute de l'or noir. Ryanair, qui achète actuellement son baril à 62 euros, n'aura ainsi économisé "que" 430 millions d'euros en 2015 sur l'achat de son kérosène.. Ryanair a-t-elle été trop prudente ? Pas spécialement : il y a moins de deux ans, certains voyaient encore le baril de pétrole à 200 dollars Avec des frais de personnel moindre, la question du kérosène (40 % de ses coûts) est très sensible pour la compagnie irlandaise qui ne peut pas se permettre la moindre volatilité. Une telle couverture permet aussi de rassurer les investisseurs et d'assurer un flux constant de ses revenus. "Nous aurions pu gagner plus d'argent, mais nous sommes préservés contre une remontée des cours", expliquait le patron de Ryanair, Michael O'Leary à "La Libre". Chez Brussels Airlines, on pratique un hedging jugé "mécanique".
3. Maintien de la surcharge carburant. Beaucoup s'en offusquent : malgré cette chute spectaculaire de l'or noir, certaines compagnies ont maintenu la case "surcharge carburant" indiquée sur le ticket. Si cette surcharge avait été créée en 2004 pour permettre aux compagnies de faire face à la montée de l'or noir, elle n'a plus beaucoup de sens actuellement. En fait, plutôt que de descendre fortement leurs tarifs, beaucoup de compagnies préfèrent renflouer leurs caisses et combler les trous d'air des années difficiles. D'après plusieurs spécialistes, une vraie guerre des prix s'annonce pourtant pour 2016. A confirmer, bien sûr...