Déchéance de nationalité : Robert Badinter fusille l'air de rien le projet du gouvernement

Déchéance de nationalité : Robert Badinter fusille l'air de rien le projet du gouvernement
Robert Badinter, ancien garde des Sceaux et ancien président du conseil constitutionnel, en novembre 2014 (SEBASTIEN SALOM-GOMIS/SIPA)

La révision de la Constitution n'est tout simplement "pas nécessaire", juge l'ancien président du Conseil constitutionnel.

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Quand on s'apprête à réviser la Constitution, il n'est jamais inutile d'entendre l'avis d'un ancien président du Conseil constitutionnel. Encore moins quand il s'agit de Robert Badinter, figure morale de la gauche.

Dans une tribune publiée par "Le Monde", Robert Badinter fait savoir son désaccord avec l'article 2 élargissant la déchéance de nationalité. Les coups sont feutrés, mais ils font mouche. L'ex-garde des Sceaux prend soin de ne jamais attaquer directement François Hollande ni Manuel Valls. Mais il affirme que réviser la Constitution pour élargir la déchéance de la nationalité n'est tout simplement "pas nécessaire".

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Changer la loi, pas la Constitution

Mieux vaut selon lui changer la loi. "Il suffirait au Parlement de remplacer dans l'article 25 du code civil la référence à celui 'qui a acquis la qualité de Français' par la mention "tout Français" pour supprimer du texte la distinction entre Français de naissance et Français par acquisition de nationalité", écrit Robert Badinter.

Pourtant, dans un avis rendu le 11 décembre, le Conseil d'Etat a considéré qu'une réforme de la Constitution était nécessaire, "eu égard au risque d'inconstitutionnalité qui pèserait sur une loi ordinaire".

Mais pour Robert Badinter, il suffirait que le Premier ministre saisisse le Conseil constitutionnel à l'issue des débats. "Ainsi, dans un délai d'un mois après le vote de la loi, la question de sa conformité à la Constitution serait réglée par le Conseil constitutionnel."

"Pareille démarche aurait le mérite de la clarté et de la simplicité. Elle ne revêtirait pas la solennité, non plus que la complexité et l'incertitude politique d'une révision constitutionnelle."

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Ne pas banaliser la déchéance de la nationalité

Robert Badinter dit aussi son opposition à l'extension de la déchéance de nationalité aux "délits", et non pas seulement aux crimes :

"Pour laisser à cette déchéance toute sa portée morale, il conviendrait qu'elle soit réservée aux seuls crimes de terrorisme et qu'elle ne soit pas banalisée par son extension à de nombreux délits, comme c'est le cas aujourd'hui", écrit-il. Il ajoute :

Une mesure symbolique ne doit pas devenir une mesure de sûreté. La déchéance de nationalité française doit être une peine qui frappe les coupables des crimes les plus graves et non d'infractions usuelles. Alors la mesure revêtira sa pleine signification, qui importe toujours dans la lutte contre le terrorisme."

Quant à l'article 1 de la révision constitutionnelle, portant sur l'état d'urgence, Robert Badinter aurait pu signifier son approbation. Il a préféré n'en rien faire.

 B. L.

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