Europe

Doel et Tihange, deux centrales problématiques parmi d'autres en Europe

Cette carte fait l'inventaire de l'ensemble des centrales nucléaires en Europe (voir plus bas pour la version interactive).

© T.M. - RTBF - Google Maps

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Par Thomas Mignon

Microfissures, fuites et autres incidents techniques… Les centrales nucléaires belges collectionnent les maladies de vieillesses depuis plus de quatre ans maintenant. La Belgique passe pour le mauvais élève de la classe Europe. Les camarades s'inquiètent et demandent des comptes.

Initialement prévus pour une durée de vie de 40 ans, les réacteurs de Doel et Tihange tirent sur la corde. Du moins Tihange 1, Doel 1 et Doel 2 ont reçu leur certificat de prolongation de la part du gouvernement fédéral. Pour la retraite, elles devront donc attendre 2025.

Quant à Tihange 2, Tihange 3, Doel 3 et Doel 4, Electrabel tirera la prise entre 2022 et 2025. Sauf si leur durée de vie est elle aussi prolongée.

Des visites sont organisées pour des délégations officielles venues des Pays-Bas et d'Allemagne, de Luxembourg et de France. Et, pendant ce temps, des pétitions sont signées pour "éviter un nouveau Tchernobyl".

L'image belge est donc (là aussi) ternie.

Mais l'État belge est-il le seul cancre, le seul territoire que l'on pointe aujourd'hui comme potentiel berceau d'un nouveau Tchernobyl ?

Non.

Mais ce n'est, fort heureusement, pas la majorité. On compte aujourd'hui quelque 54 centrales nucléaires dans l'Union européenne, auquel s'ajoutent en son cœur 4 autres, en Suisse. La plupart de ces centrales, visibles sur la carte ci-dessous, sont en bon état. Pas de fissures, ni de failles de sécurité à l'horizon.

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Cette carte interactive montre l'ensemble des centrales nucléaires opérationnelles au sein de l'Union européenne et en Suisse, ainsi que celles qui ont été mises à l'arrêt et les projets de construction de nouvelles centrales. Sources : European Nuclear Society & Nuclear Transparency Watch.

Vue de la centrale de Fessenheim (France) en mars 2014.
Vue de la centrale de Fessenheim (France) en mars 2014. © Tous droits réservés

Mais il y a néanmoins quelques moutons noirs.

Et les problèmes que rencontrent ces quelques autres centrales problématiques d'Europe ne sont pas seulement liés à leur vétusté. Il est tantôt question d'un manque de sécurité du site, tantôt d'une mauvaise situation de l'installation qui la rend vulnérable aux catastrophes naturelles.

Loin d'être exhaustif, ce tour d'horizon des centrales à problèmes sur le Vieux Continent a le mérite de montrer que la question de l'état du parc nucléaire ne doit pas se poser au seul niveau belge, mais bien européen.

Fessenheim, la sismique

Prenons la France. Ce pays qui met en avant la qualité de son expertise nucléaire à l'international. Fessenheim (Alsace), à l'extrême est, date de 1978, ce qui en fait la plus ancienne centrale de l'Hexagone. Jusque-là, rien de trop grave (nos plus vieux réacteurs sont entrés en activités trois ans plus tôt).

Mais ses proches voisins suisses et allemands la voient aussi d'un mauvais œil. Et François Hollande a promis, lorsqu'il était en campagne, de la fermer. Qu'elle soit déclarée sûre ou non, qu'elle soit rénovée ou non.

Les raisons sont simples : Fessenheim est en zone sismique et potentiellement inondable par le Grand Canal d'Alsace au bord duquel elle se trouve. Aujourd'hui, EDF doit parvenir à prouver que la centrale résisterait à un séisme et doit réévaluer le profil de la digue qui la protège de l'eau. Car si la terre tremble et la digue se rompt, le scénario ne serait plus très loin de celui de Fukushima.

Beznau, l'ancêtre

Et à moins de 100 kilomètres de Fessenheim, deux autres centrales, suisses cette fois, font parler d'elles : Beznau et Mühleberg. Nombreux sont ceux qui veulent les voir définitivement fermées. Et pour cause, ce sont les plus vieilles d'Europe, avec trois réacteurs mis en service de 1969, 1971 et 1972. Avec ses presque 47 ans de service, Beznau 1 est même le plus vieux réacteur en fonctionnement… au monde.

Une étude réalisée par la Fondation suisse de l'énergie et Greenpeace pointe le fait que les circuits du système de refroidissement d'urgence de ces centrales ne sont pas séparés de manière suffisante. Et tout comme Fessenheim, Beznau et Mühleberg pourraient ne tout simplement pas résister à un séisme puissant, dont le risque n'est pas à exclure totalement dans la région.

Le Premier ministre britannique David Cameron s'adresse aux employés de la centrale d'Hinkley Point B le 21 octobre 2013.
Le Premier ministre britannique David Cameron s'adresse aux employés de la centrale d'Hinkley Point B le 21 octobre 2013. © Tous droits réservés

Hunterston, la fissurée

De l'autre côté de la Manche, Hinkley Point B (qui fêtera ses 40 ans cette année avec une plus que probable mise à l'arrêt en cadeau) avait été fermée pendant presqu'un an après la découverte en 2006 de fissures dans les générateurs.

Des fissures remarquées au même moment à Hunterston B (mis en service en 1976-1977, et déjà prolongée jusqu'en 2023). Et rebelote en octobre 2014 : de nouvelles fissures sont découvertes dans le cœur du réacteur.

Torness, la médusée

Cette centrale écossaise a d'ailleurs récemment connu un autre incident, plus folklorique celui-là : elle a été mise à l'arrêt en décembre dernier à la suite d'une forte concentration d'algues dans l'eau de refroidissement. Sa voisine du nord du Royaume-Uni, Torness (mise en service en 1988-1989), avait elle aussi été contrainte de fermer pendant près d'une semaine après avoir été envahie par des méduses en 2011. Rien de très inquiétant toutefois, indiquait, dans un cas comme dans l'autre, l'exploitant EDF.

La centrale de Philippsburg (Allemagne) avait connu une série de vols en 2006.
La centrale de Philippsburg (Allemagne) avait connu une série de vols en 2006. © DANIEL ROLAND - AFP

Philippsburg, la dérobée

Plus préoccupant était encore la situation de la centrale Allemande Philippsburg au début du siècle. Deux incidents au niveau du système de refroidissement surviennent tout d'abord en 2001, dont le second poussera le gouvernement à déconnecter le réacteur du réseau le temps d'une enquête.

En 2006, une autre enquête est ouverte. Mais pour des vols cette fois. Dans un premier temps, ce sont des outils liés aux systèmes de sécurité qui disparaissent. Puis, une douzaine de clés d'accès au quartier de haute sécurité se volatilisent à leur tour. Elles ne seront jamais récupérées, et 150 serrures devront être changées.

Les pompiers étaient intervenus après l'incendie d'un transformateur à Ringhals en 2006.
Les pompiers étaient intervenus après l'incendie d'un transformateur à Ringhals en 2006. © Charlotta Eldelind/Ringhals Informationsenhet - BELGAIMAGE

Ringhals, l'explosive

Et qu'en est-il des pays scandinaves ? Eh bien même la Suède a du souci à se faire. Notamment à Ringhals (plus grande centrale du pays, entrée en service en 1975) où, parmi les nombreux incidents, une explosion en 2006 avait provoqué l'incendie d'un transformateur de courant, entraînant automatiquement la mise à l'arrêt du réacteur. Un fait qui suivait de peu le court-circuit relevé à Forsmark, plus au nord, révélant ainsi des défaillances dans le système d'arrêt d'urgence.

Six ans plus tard, ce sont des explosifs qui seront retrouvés dans l'enceinte du site de Ringhals. De quoi mettre sérieusement en doute la sécurité de cette installation qui compte quatre réacteurs.

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