Droits des minorités : Les Lapons gagnent une bataille de 30 ans contre l’État suédois

 La cour de justice suédoise de la municipalité de Gällivare vient d’accorder aux Samis (Lapons en français) du petit village de Girjas, dans le cercle arctique, des droits exclusifs de contrôle de la chasse et de la pêche dans leur zone de vie. Cet épilogue d’une bataille judiciaire sur la question des droits fonciers qui aura duré 30 ans, et au cours de laquelle l’État suédois a notamment été accusé de racisme, représente un signe encourageant en matière de droits des minorités dans le pays.

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(Photo Flickr/ Peter Nijenhuis)

Il aura fallu des dizaines d’années de revendications et de pétitions pour que les habitants du petit village de Girjas, à l’intérieur du cercle arctique, regagnent le droit officiel de chasser et pêcher à proximité de leur zone de vie. Cette communauté de Samis (aussi appelés Lapons en français), un peuple autochtone originaire du nord de la Suède, de la Norvège et de la Finlande, ainsi que de la presqu’île russe de Kola, était privée de ses droits fonciers depuis 1993, comme l’explique le Guardian.

Bien que la décision ne concerne qu’une minuscule aire géographique, elle revêt un poids symbolique tout particulier en Suède où la question des droits des Samis n’est clairement pas une priorité. « Nous espérons maintenant que ce verdict influencera les politiques concernant les Samis de Suède, ce qui demeurait l’objectif principal », a ainsi déclaré Åsa Larsson Blind, la vice-présidente du Conseil parlementaire sami, le corps représentatif des Samis de Suède, de Norvège, de Finlande et de Russie.

Si ce n’est que l’année dernière que les tribunaux suédois se sont finalement saisis de l’affaire, l’Association des Samis de Suède aura lutté bec et ongles contre Stockholm pendant près de 30 ans afin de faire valoir ses demandes en matière de droits fonciers, comme le rappelle un récent article du Telegraph. Pour se faire entendre, elle avait adressé au fil des années plusieurs pétitions à la commission européenne et à la Cour européenne des Droits de l’homme.

La discussion avec l’État suédois était quant à elle rompue depuis longtemps. « Le droit international ne contraint aucunement la Suède à reconnaître l’existence de droits spéciaux pour le peuple sami, que ces derniers soient des autochtones ou non », s’est défendue pendant des années la Suède par le biais de ses avocats.

Une prise de position à l’origine d’une importante polémique. Un collectif de 59 universitaires, dont des ethnographes et des anthropologues du Centre de recherche sami de l’université Umeå, ont notamment publié l’été dernier une lettre ouverte dans laquelle ils condamnaient l’usage d’une « rhétorique raciste » révélant « une surprenante ignorance de la situation historique ».

À l’annonce du verdict, Larsson Blind s’est déclarée éminemment soulagée que la cour de justice suédoise de Gällivare ne se soit pas laissée influencer par le « discours colonial » des représentants de l’État. De leur côté, les avocats de l’État suédois envisageraient de faire appel de cette décision.

Comme la France, la Suède ne collecte pas de données sur l’appartenance ethnique de ses citoyens. Il est donc relativement difficile d’obtenir une estimation sérieuse du nombre de Samis vivant actuellement dans le pays. Des universitaires ont cependant avancé qu’ils seraient environ 17 000, dont seule une petite minorité se livre encore de nos jours à l’élevage de rennes nomades. En 2000, l’État suédois a accordé aux langues sames (NDLR, divisées en plusieurs aires linguistiques s’étendant sur les quelque 300 kilomètres de territoire sami, elles sont parlées par environ 35 000 Samis) le statut de langues minoritaires officielles.

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