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Billet de blog 27 janvier 2014

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Les hashtags, porte-voix des oubliés du monde arabe ?

La sélection de liens de l'iReMMO (13). Dans le monde arabe, l'année 2014 a commencé comme 2013 s'était terminée : par un hashtag1 au succès foudroyant que personne n'avait vu venir. Un hashtag pour délayer et relayer les langues de ceux qui ne s'expriment jamais, de ceux que personne n'entend ni n'écoute. Un hashtag pour faire le compte de ces voix inaudibles.

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La sélection de liens de l'iReMMO (13). Dans le monde arabe, l'année 2014 a commencé comme 2013 s'était terminée : par un hashtag1 au succès foudroyant que personne n'avait vu venir. Un hashtag pour délayer et relayer les langues de ceux qui ne s'expriment jamais, de ceux que personne n'entend ni n'écoute. Un hashtag pour faire le compte de ces voix inaudibles.

1. #notamartyr

Le 27 décembre dernier, alors que le Liban célèbre Noël, que la Syrie brûle sans trêve, que les fêtes du nouvel an se préparent, une voiture piégée éclate en plein centre-ville de Beyrouth. Dans ce quartier touristique habituellement épargné, à proximité des hauts lieux de pouvoir (Parlement, centres financiers, etc.), et à quelques encablures du lieu de l'attentat contre Rafik Hariri, un ancien ministre des finances est mort. Mohammed Chatah, intellectuel modéré sympathisant du camp du 14 mars, meurt sur le coup.

Le Liban est habitué. Le Liban sait, en plus, médiatiser et pleurer ses victimes célèbres et politiques, et n'évoquer qu'en biais pour mieux les oublier ses victimes anonymes, victimes collatérales. La culture officielle libanaise ne s'intéresse qu'aux martyrs célèbres, pas aux civils : en témoigne l'absence jusqu'à aujourd'hui d'un monument dédié aux morts civils de la guerre (1975-1990). 

Mais le hasard a voulu que, ce jour-là, le jeune Mohammed Chaar soit dans les parages, et pose pour une photo avec sa bande d’amis, quelques secondes avant l'attentat. Un instant plus tard, il meurt. La puissance des réseaux fera le reste.
Le Liban, touché par cette image qui circule partout et incarne une jeunesse fauchée, pour rien, sans n’avoir rien demandé et en pleine insouciance, s'émeut. Et, une fois n'est pas coutume, on en vient à parler alors de ces victimes collatérales et anonymes. 

Grâce à un mouvement spontané né sur Facebook et Twitter, autour du hashtag #notamartyr, des centaines de Libanais vont se prendre en photo avec des messages évoquant leur Liban et leur volonté de ne pas être, à leur tour, des martyrs. S’il s’agit d’abord d’évoquer le chaos ambiant, la violence des voitures piégées et les attentats toujours plus nombreux, ce mouvement va devenir une caisse de résonnance et le moyen pour les Libanais de parler de tous leurs problèmes : les coupures d’électricité, le sectarianisme, la corruption, le taux de chômage, le puritanisme, la censure, l’émigration… Il aurait été difficile d’imaginer recensement plus honnête et plus exhaustif de ce que les jeunes Libanais reprochent à leur pays.

La meilleure preuve de ce succès 2.0 ?  Un article sur le site Buzzfeed, proposant une sélection de quelques tweets emblématiques :
http://www.buzzfeed.com/tasneemnashrulla/41-powerful-messages-from-a-selfie-protest-in-lebanon

2. #lifeofamuslimfeminist

Tout est parti d’une série de tweets d’une étudiante en économie comportementale de Manchester, Noor Ulann Shahid (نورالعين شاحد). Le 10 janvier dernier, dans trois tweets successifs, elle écrivait :

« Les féministes blanches veulent vous ôter votre voile et vous ‘libérer’, et les musulmans vous disent que vous n’avez pas besoin du féminisme. #lavieduneféministemusulmane » https://twitter.com/YxxngHippie/status/421655864249167872

« Se faire expliquer que le féminisme est l’apanage des ‘occidentales’ rebelles qui ne veulent ni mari ni enfants et sont carriéristes #lavieduneféministemusulmane » https://twitter.com/YxxngHippie/status/421661096303656960

« Oui, l’islam défend le droit des femmes, mais je ne peux pas nier ce que ma culture a de sexiste et de favorable aux hommes #lavieduneféministemusulmane » https://twitter.com/YxxngHippie/status/421662566000365568

Ces messages mettaient le doigt sur une contradiction au cœur de la situation de la femme musulmane :

  • réduites au silence ; 
  • jugées par d’autres femmes (occidentales), qui savent mieux que quiconque ce qui est bon pour elles ; 
  • dans la justification pertamente de leur droit à porter le voile ; 
  • étrangères à toute revendication féministe, le féminisme étant un délire d’occidentaux sans aucune utilité pour le monde arabe ;
  • etc.

Pourtant son témoignage a plu et a pris, suscitant des centaines de répliques du hashtag #lifeofamuslimfeminist. Comme l’a avoué elle-même l’initiatrice de ce mouvement, son succès illustre une chsoe : les femmes musulmanes ont beaucoup de choses à dire.

Là aussi, la meilleure preuve de ce succès 2.0 ?  Un article sur le site Buzzfeed, proposant une sélection de quelques tweets emblématiques :
http://www.buzzfeed.com/tasneemnashrulla/32-powerful-and-brutally-honest-tweets-from-lifeofamuslimfem

D’un côté, des jeunes Libanais, civils silencieux.
De l’autre, des femmes musulmanes, civiles silencieuses.
Un hashtag. Un engouement. Une parole qui se libère et qui se fait entendre.
La première pierre d’une (r)évolution plus grande ?

Pour aller plus loin sur le hashtag #notamartyr :

Pour aller plus loin sur le hashtag #lifeofamuslimfeminist :

  1. « Sur les réseaux sociaux, le hashtag sert à centraliser les messages autour d'un terme bien précis. Il fait office de mot-clé pour que les utilisateurs puissent commenter ou suivre une conversation. Il est créé par l’association de croisillon « # » et d'un mot ou un groupe de mots, sans espace, par exemple : #Wikipedia ; #WikipediaEnFrancais » http://fr.wikipedia.org/wiki/Hashtag

Mounir Corm et Tarek Daher

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