Politique
Fenêtre sur la Corée du Nord

 

Corée du Nord: les vaisseaux fantômes de la dynastie des Kim

Un nouveau bateau de loisir de 50 m photographié par satellite pour la premiere fois au port de Nampo en Corée du Nord.
Un nouveau bateau de loisir de 50 m photographié par satellite pour la premiere fois au port de Nampo en Corée du Nord. L'image n'est pas datée, mais selon les experts, elle aurait été prise en octobre 2015. Capture écran du site Nk.News, le 5 février 2016.
C’est un gros bateau blanc vu du ciel. L’image satellite a été prise en octobre dernier au-dessus du port de Nampo sur la mer jaune en Corée du Nord. Le vaisseau n’a semble-t-il rien à voir avec un bateau de pêche ou un navire de guerre. Selon Curtis Melvin de l’Institut coréano-américain de Washington, qui a révélé la photo, il s’agirait là du nouveau jouet de Kim Jong-un. Un yacht de 50 mètres de long réservé au dirigeant nord-coréen et à ses proches. Un produit de luxe théoriquement interdit d’exportation en Corée du Nord.
On disait Kim Jong-il amateur des vins de Bourgogne, après des années d’études helvétiques, Kim Jong-un serait plutôt porté sur les fromages suisse. Ce n’est d’ailleurs pas un secret. De père en fils, la dynastie des Kim a prouvé son attachement aux mets raffinés. L’ex-cuisinier de Kim Jong-il, Kenji Fujimoto, en a fait des plats dans un livre. A en croire le chef japonais, Kim Junior aurait ainsi un faible pour les sushis accompagnés de champagne, dont il boit jusqu’à deux bouteilles par repas. Le numéro un nord-coréen aurait même une préférence pour la marque française Roederer, avec des bulles qui approchent les 200 euros le flacon. Vrais ou faux, ce genre de récits propagés par les médias occidentaux, japonais et sud-coréens alimentent la chronique d’une famille régnante vivant très au-dessus des moyens de ses compatriotes.

Montres de luxes

*Le temps c’est de l’argent en Corée du Nord, et cela se voit au poignet des dirigeants.
En 2010, les photos des montres de luxe du jeune dirigeant envahissent les réseaux sociaux et les colonnes des journaux conservateurs en Corée du Sud. Rolex, Omega, Patek, comme un célèbre blogueur en Chine qui avait révélé la richesse des dessous de manches des cadres du Parti communistes chinois, il suffit ici simplement de quelques gros plans sur le poignet du président nord-coréen pour voir que le temps c’est parfois beaucoup d’argent. Même chose d’ailleurs pour les sacs à main de marques italiennes de Ri Sol-ju, la Première dame. Le « bling-bling » n’est certes pas l’apanage des dirigeants chinois et nord-coréens. En Occident aussi, les montres de prestiges sont perçues, par certains, comme un signe de réussite. Ce qui choque ici, c’est encore une fois la différence de niveaux de vie entre l’élite et la population en Corée du Nord. D’où l’embargo décidé par l’ONU sur les produits de luxe.
Kim Jung-un arbore une montre de luxe un jour de parade
Kim Jung-un arbore une montre de luxe un jour de parade. Copie écran du site Daum.
Les montres de luxe de Kim Jung-un.
Les montres de luxe de Kim Jung-un. Copie écran du KoreaDaily du 14 juillet 2015.
En principe, depuis 2006, aucun bien considéré comme luxueux ne peut passer les frontières nord-coréennes. Pour les montres, les sacs, les bijoux et les bouteilles de champagne, on imagine aisément les filières clandestines permettant de faire entrer ce type de produits sous le manteau. Pour les yachts, en revanche, la chose semble plus compliquée. En mai 2013, l’apparition du Princess 95MY sur les radars a fait couler beaucoup d’encre. Le navire de luxe équipé pour recevoir jusqu’à 10 passagers, aurait transporté le leader nord-coréen lors d’une virée d’une dizaine de jours sur la côte est. Avec déjà cette question : comment un yacht de près de 6 millions d’euros, produit par une filiale du groupe de luxe LVMH, a-t-il pu arriver jusqu’à Wonsan – port nord-coréen sur la mer du Japon ? Les experts ont alors parlé de prête-noms, de réseaux mafieux, ce qui ne répond pas complètement à la question du comment apparaissent et disparaissent ces vaisseaux fantômes.

Aéroglisseurs, jet-skis et sous-marins

« Soit il était bien caché, soit c’est un nouveau bateau. »
Certains finissent au cimetière. L’un des yachts de Kim Jong-il reposerait ainsi au palais Kumsusan de Pyongyang, dans le mémorial dédié à l’ex-chef de l’État. Des rails temporaires ont même dû être construites, raconte l’AFP, pour transporter le navire jusqu’au mausolée. Concernant la supposée dernière acquisition de la famille Kim, nous avons encore peu de détails. Selon l’agence sud-coréenne Yonhap, le navire a été photographié lors d’une parade navale. « Il n’y a pas eu d’autres images satellites de ce bateau prises ailleurs en Corée du Nord ; soit il était bien caché, soit il s’agit de quelque chose de nouveau » explique Curtis Melvin au site NK News.org. Et cet observateur de la Corée du Nord de préciser : « Aucun visiteur n’a rapporté avoir vu ou photographié le navire. Nous avons donc l’impression que ce bateau a été déplacé d’un point à un autre. »

Selon Radio Free Asia, le yacht aurait été pris en photo sur une rivière lors d’un événement qui n’a pas été mentionné dans les médias officiels, avec à ses côté des aéroglisseurs, des jets-skis et même des sous-marins. Pour Curtis Melvin, il pourrait s’agir de la rivière Taesong dans un district de Pyongyang réservé à l’élite du régime. Mais pour l’instant, les preuves manquent et le grand bateau blanc vu du ciel reste un vaisseau fantôme. Pour en savoir plus, le chercheur a décidé d’examiner des centaines d’images satellites de rivières et de lacs en Chine, en Russie et en Europe, en espérant y trouver un modèle similaire.

Par la Rédaction d’Asialyst

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