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Imaginez de vous lever un matin et de vous sentir d’humeur morose. Vous avez du mal à sortir du lit, il fait gris et l’envie d’aller travailler ne vous démange vraiment pas. Mais en adressant la parole à ceux qui vous entourent, vous vous trouvez soudain une voix alerte et positive, pleine d’énergie et d’optimisme ! Vous ressentez aussitôt un regain de forme… Cette façon de parler est si dynamique et engageante. Et elle est contagieuse, d’autant qu’elle vient de vous. Finalement, vous êtes très heureux de vous lever, vous envisagez la journée de la meilleure des façons et c’est presque en faisant des bonds que vous vous rendez au bureau.
Cette expérience singulière pourrait vous arriver un de ces jours. Elle est due à un dispositif sonore conçu à l’IRCAM par Julien Aucouturier et ses collègues, provenant d’universités japonaise, suédoise et bourguignonne. Le principe : capter votre voix avec un micro, la modifier légèrement de manière à ce qu’elle semble plus joyeuse, et vous la faire entendre en direct au moment même où vous parlez. Ce que vous dites, c’est toujours vous qui le dites mais sur un ton de bonheur radieux. Au bout de quelques minutes à entendre votre voix ainsi relookée, vous vous dites : « mince, qu’est-ce que je suis joyeux »... et vous le devenez pour de bon.
Modifier l'émotion en remastérisant la voix
Les résultats ont été très nets : les personnes entendant leur voix « positivée » voient leur humeur évoluer vers le volet positif du spectre émotionnel, phénomène attesté par des questionnaires standard mesurant l’émotion. Dans l’expérience, les sujets ont dû lire un passage d’un livre pendant dix minutes pendant que leur voix était remastérisée et diffusée dans des écouteurs. Ils se sentaient beaucoup plus heureux à l’issue.
Quelles modifications leur voix avait-elle subie ? La joie peut être créée en augmentant d’un quart ou d’un tiers de ton la fréquence fondamentale de la voix, sa hauteur en d’autres termes, et en insistant sur les premières syllabes des mots. A l’inverse, un ton peut être rendu artificiellement triste en baissant la fréquence fondamentale, ou en faisant s’estomper la fin des mots. Et dans ce cas, le sujet devient évidemment triste ! Des modifications simples, imposées par la rapidité de traitement du signal exigée pour que le retour sonore atteigne les oreilles du sujet avec un décalage inférieur à 30 millisecondes, qui passe inaperçu.
Le cerveau traite automatiquement le son de notre propre voix tout au long de la journée, sans que nous en ayons conscience, pour nous informer de notre état émotionnel, explique Julien Aucouturier. Certes, il existe des signaux corporels internes qui nous renseignent aussi sur ce plan, mais l’expérience de l’IRCAM a montré que la voix intervient de façon prépondérante. Ce qui veut dire que nous pouvons agir sur notre état émotionnel en repérant les caractéristiques de notre voix – est-elle trop monocorde aujourd’hui, traduit-elle de l’abattement, de la fatigue, de l’anxiété ? En la corrigeant en conséquence, de façon intentionnelle au début, il est possible que les émotions s’amorçant dans notre cerveau et notre corps, une véritable intonation positive en résulte, entraînant une spirale positive. Je suis sûr que vous n’entendrez plus votre voix de la même façon, maintenant.