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Remaniement : les Verts dans le piège de Hollande

En nommant Emmanuelle Cosse ministre, le Président décapite un peu plus EELV. Récit d’une folle semaine.

Arthur Nazaret , Mis à jour le
Passation de pouvoir entre Sylvia Pinel (à droite) et Emmanuelle Cosse, la nouvelle ministre du Logement.
Passation de pouvoir entre Sylvia Pinel (à droite) et Emmanuelle Cosse, la nouvelle ministre du Logement. © Reuters

Jusqu'au bout ils n'ont pas voulu y croire. Mi-janvier encore, Emmanuelle Cosse ne dansait-elle pas la gavotte à Nantes pour s'opposer à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes ? Quelques jours plus tard, n'assistait-elle pas, assise entre Cécile Duflot et l'essayiste Raphaël Glucksmann, au premier débat pour la primaire de la gauche et des écologistes , véritable réquisitoire anti-Hollande? Entrer au gouvernement? Christiane Taubira était partie , Nicolas Hulot avait refusé et la ligne économique n'a pas bougé…

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Et puis il y a cette réforme de la Constitution dont la secrétaire nationale d'EELV ne disait que du mal. Mardi, alors que le débat sur la déchéance de nationalité se poursuit nuitamment à l'Assemblée, Cécile Duflot et le ­député écologiste Christophe Cavard échangent quelques mots. "Cécile m'a assuré que, vu le contexte politique actuel, Cosse ne va pas basculer et entrer au gouvernement", se souvient l'élu du Gard. Ce même jour, Cosse explique aux dirigeants de ce qui est encore son parti qu'elle n'a pas été contactée par l'exécutif.

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"Tu fais la connerie de ta vie"

Jeudi matin, jour de remaniement. David Cormand, le numéro deux du parti, est sur la route et en vacances quand il reçoit l'ultime coup de fil de Cosse. Sa décision est prise : elle a accepté d'être ministre du Logement sans l'accord du parti qu'elle dirige. À son interlocuteur, elle explique que Hollande s'est engagé à un référendum sur Notre-Dame-des-Landes, et évoque Fessenheim sans donner plus de précisions. "Je pense que tu fais la connerie de ta vie. La seule chose que je te demande, c'est d'annoncer ton départ d'EELV en même temps", lui répond Cormand. Quelques heures s'écoulent, et Cosse envoie un long e-mail aux militants et confirme qu'elle se met en "retrait" d'EELV.

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Dans la journée, les écologistes apprennent que Jean-Vincent Placé et Barbara Pompili sont nommés. Les deux ont quitté EELV depuis des mois. Leurs intentions sont claires : ils veulent incarner l'aile écolo-centriste. À midi, Pompili joint les députés écolos pro-gouvernement et leur confie avoir reçu un appel de François Hollande. Le Président lui a dit de se tenir prête. "Mais le reste était flou, Hollande ne lui a pas dit pour quel poste", relate l'un des participants. Finalement elle sera secrétaire d'État chargée de la Biodiversité. "Des trois, c'est elle qui s'en sort le mieux. Elle arrive à un des seuls ministères où il y a de bonnes nouvelles à annoncer avec la loi sur la biodiversité", appuie un député écologiste. Jean-Vincent Placé, lui, devient secrétaire d'État chargé de la Réforme de l'État et de la Simplification. Il rêvait d'un ministère. Secrétaire d'État? Non, ministre, sinon "maman va penser que je fais le courrier!", s'amusait-il peu avant l'élection de Hollande .

Ils pensaient entrer à deux – Cosse et Placé –, ils seront trois : la chef d'EELV et deux présidents de groupe. La prise est belle. Qu'ont-ils obtenu? "Il n'y a pas de marchandage", assure François Hollande à la télévision tout en ­annonçant la tenue d'un référendum local sur Notre-Dame-des-Landes. C'est le député écolo-réformiste François de Rugy qui, la veille du remaniement, est allé longuement défendre cette option auprès d'un conseiller de Manuel Valls. Cosse, Placé, Rugy, Pompili : le lendemain du remplacement d'Ayrault par Valls, ces quatre-là avait été négocier avec le nouveau Premier ministre. "Une dose de proportionnelle, la liste des réacteurs que l'on ferme et Notre-Dame-des-Landes étaient sur la table", se rappelle Rugy. Cette fois, la corbeille est moins remplie.

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"Provocation" et "trahison"

Côté EELV, on constate les ­dégâts. "Hollande a une conception cynique de la politique. Il devrait diriger la France mais s'occupe d'un palais florentin", dénonce David Cormand, désormais secrétaire ­national par intérim après le départ de Cosse, qui ne passe pas du tout. Dans son e-mail envoyé aux militants, l'ancienne d'Act Up se justifie et dit terminer son "mandat la conscience tranquille". "Il faut nous indiquer les miettes que tu as réussi à obtenir que Nicolas Hulot n'a pas réussi à obtenir", lui répond par le même canal un dirigeant d'EELV, quand un autre parle de "provocation" et de "trahison".

Départ de plusieurs figures du mouvement comme Cohn-Bendit où Mamère, concurrence d'un nouveau parti écolo-centriste, mauvais résultats électoraux : beaucoup promettent la mort d'EELV. "Nous sommes criblés de dettes, on ne s'en relèvera pas. Il faut euthanasier EELV pour apurer les comptes et créer quelque chose de nouveau", pousse un cadre du parti.

"Mélenchon, il a vu la Vierge en 2012"

En attendant, il reste la primaire. Ultime bouée de sauvetage. "Soit on attend la catastrophe ­annoncée de 2017 et on reconstruit sur un cimetière, soit on fait la primaire pour ne pas désespérer", explique David Cormand, désormais secrétaire national par intérim d'EELV.

Une primaire malgré la candidature de Mélenchon ? "Mélenchon, il a vu la Vierge en 2012 et depuis il marche sur l'eau et se considère comme candidat de droit divin. Mais plus ça va, plus il s'isole", veut croire Cormand.

Par chance pour EELV, l'organisation de la primaire avance. Désormais, une réunion d'organisation aura lieu chaque semaine et, chose nouvelle, un membre de la direction du PS y participera. "Ils seront témoins et espions mais c'est très bien : comme ça, ils vont comprendre que cette primaire va se faire", explique un organisateur. Le 25 février, une réunion publique de la primaire se tiendra à Lille. Aubry est invitée. Viendra, viendra pas? La décision n'est pas arrêtée, mais son fidèle bras droit François Lamy s'y rendra. Si le remaniement a été vécu comme une déclaration de guerre par EELV, il n'a pas non plus permis de ressouder le PS… 

Source: JDD papier

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