Le monde face au drame des réfugiés syriens

  • Des réfugiés syriens attendent près d'un camp à Kilis, en Turquie, à un kilomètre de la frontière syrienne. / AFP.
    Des réfugiés syriens attendent près d'un camp à Kilis, en Turquie, à un kilomètre de la frontière syrienne. / AFP.
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Dominique Delpiroux

Va-t-on vivre à Alep le scénario de Madaya, à la puissance 10 ? A Madaya, 50 000 habitants, des centaines de personnes sont mortes de faim après avoir été isolées du reste du monde par l'étau déployé par l'armée de Bachar et les bombardiers russes. Ce n'est qu'à la toute dernière extrémité que l'aide humanitaire a pu nourrir une population prise en otage.

À Alep, c'est toujours les civils qui risquent de payer au prix fort les combats acharnés qui se déroulent actuellement. Alep, c'est la deuxième ville de Syrie, presque aussi peuplée que Damas, avec 1, 7 millions d'habitants, avant le début de la guerre. Une cité industrielle et commerçante prospère, proche de la Turquie voisine.

Alep est également une des plus vieilles villes du monde, habitée depuis au moins 5000 ans, et mentionnée sur les tablettes cunéiformes ; on se demande ce qui restera de la citadelle d'Alep, impressionnante bâtisse construite au XIIe siècle, après le déluge de feu que subit la ville.

Depuis le début du mois, l'armée syrienne, appuyée par l'aviation russe, a lancé une vaste opération sur la ville, tenue en partie par des rebelles. Pour Bachar, reprendre Alep, c'est récupérer ainsi la capitale économique, un argument de poids pour de futures négociations internationales.

«Mais en attendant, il y a sur place de très nombreuses victimes, assure Jean-François Dubost, responsable du programme «Personnes déracinées » à Amnesty International. Les zones civiles sont clairement ciblées dans ce conflit, avec des bombardements qui touchent volontairement les marchés, les hôpitaux, les rassemblements… On savait que le gouvernement syrien employait ces méthodes, on soupçonne aujourd'hui l'aviation russe d'en faire autant. On sait en tout cas que des bombes à fragmentation ou des bombes à sous-munitions explosent sur des zones à très forte densité d'habitants.»

Dans ces conditions, la population d'Alep est en tenaille. Certains vont tenter de fuir, ce qui n'est pas la solution la plus confortable, car à tout moment, on peut être atteint par les projectiles des belligérants. À l'intérieur de la ville, la fuite organisée est tombée aux mains d'organisations spécialisées, pilotées par telle ou telle faction de rebelles ou de jihadistes, dont certaines monnayent leur aide, comme des passeurs patentés… On se retrouve avec 40 000 à 70 000 personnes à la frontière turque, et ce chiffre est considérable et donne la mesure de l'enfer que doivent vivre les habitants d'Alep. Mais hélas pour ces évadés, la Turquie a fermé sa frontière, ne laissant passer, en théorie, que les blessés.

Des civils coincés entre deux périls

«C'est la pire des situations que l'on puisse imaginer, poursuit Jean-François Dubost. Ces réfugiés se retrouvent dans une précarité totale, coincés entre deux périls : d'un côté, une frontière fermée, avec des militaires qui peuvent éventuellement faire usage de violence vis-à-vis de ceux qui tenteraient leur chance, d'autre part, la zone des combats, où l'on risque de se faire tuer. On s'achemine vers une catastrophe humanitaire…»

D'autant que dans cette tenaille, l'aide humanitaire va s'avérer extrêmement périlleuse, alors qu'on se trouve avec des fuyards affamés, souvent blessés, toujours traumatisés, après des mois d'affrontements sanglants à Alep, et une vie quotidienne rythmée par la peur et les bombes.

Pour Jean-François Dubost, «il est urgent que la communauté internationale fasse pression sur les autorités turques pour qu'elles ouvrent immédiatement leurs frontières, mais en même temps, que cette même communauté internationale apporte à la Turquie toute l'aide dont elle va avoir besoin pour faire face à cet afflux de réfugiés.».

Sinon, l'avenir serait bien sombre pour les réfugiés d'Alep abandonnés à leur sort ?


Daech utilise des armes chimiques

Dans ce conflit, c'est quotidiennement que les droits les plus élémentaires des civils sont bafoués, au mépris de toutes les règles internationales. Ainsi, on se doutait déjà depuis quelques mois que daech avait à sa disposition des armes chimiques de type gaz moutarde. Or, selon une récente déclaration du directeur de la CIA, John Brennan, «Il y a un certain nombre de fois où le groupe État islamique a utilisé des armes chimiques sur le champ de bataille. La CIA pense que l'EI a la capacité de fabriquer des petites quantités de chlorine et de gaz moutarde», assure-t-il. Un autre responsable du renseignement américain assure que l'EI «utilisé des produits chimiques toxiques en Irak et en Syrie, y compris» le gaz moutarde», une première depuis l'attentat au sarin dans le métro de Tokyo en 1995.

Les sources US peuvent sembler fiables car elles recoupent d'autres renseignements. Mais on sait aussi qu'elles ne reculent pas non plus devant l'intox, comme en 2003, sur les armes de Saddam.

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Les commentaires (2)
Homosapiens Il y a 8 années Le 15/02/2016 à 12:24


Dès qu'une solution diplomatique est trouvée dans ce magma infernal, ce sera la meilleure preuve que l'on peut en venir à quelque chose et rapidement car le temps presse!!!

Et renvoyer les Syriens en Europe dans leur pays qu'il va falloir reconstruire!!!

Il y a 8 années Le 15/02/2016 à 10:00

Plusieurs millions de réfugiés en Turquie. Et d'autres en Europe. Combien sont-ils chez les prospères et riches "pays du golfe" ???